Le monde qui s’écroule aujourd’hui sous nos yeux est le produit d’un modèle économique éprouvé. Ce modèle, fondé sur la compétition permanente et la frustration, c’est la recherche de toujours plus de profits pour quelques-uns, qui entraîne plus de prédations, de pollutions, d’inégalités, de pénuries pour tous les autres. Notre consommation effrénée de ressources naturelles dépasse de 40% la capacité de la planète à se régénérer. Tout est lié: la prédation environnementale entraîne la prédation sociale. Et le sentiment d’abandon au sein de la population va croissant. Il faut redonner du sens.
L’urgence commande de ne plus remiser au placard la contrainte environnementale sous couvert de «boboïsation». Encore moins de la cantonner au rang de «politique sociétale» qui viendra après le règlement de la crise. Il est heureux que d’autres forces politiques qu’Europe Écologie-les Verts en tiennent compte.
Dans ce contexte, face aux droites qui ne proposent que la peur comme horizon politique, on ne peut opposer la simple gestion du statu quo ou le retour en arrière. Il faut trouver notre nouvelle frontière. Préparons donc l’après-pétrole, engageons la société européenne dans sa troisième révolution industrielle: la conversion écologique!
Pour cela, il faut rompre avec nos vieilles habitudes, avec les conservatismes et les rentes. Être écologiste ne se résume pas au combat contre le libéralisme et le productivisme. Il faut aussi s’attaquer à la technostructure jacobine! La cogestion entre l’État et les grands groupes industriels a fait de la France le pays le plus nucléarisé au monde. Ses relations incestueuses avec la FNSEA ont fait de notre agriculture la plus consommatrice de pesticides en Europe. Le nombre d’incinérateurs en France est insupportable, et la densité du réseau autoroutier sur le sol national défie l’entendement.
Engager la conversion écologique, c’est donner du sens et de l’efficacité à l’action collective. Ce n’est pas repeindre en vert le capitalisme ou la croissance et ignorer la justice sociale. Ce n’est pas non plus verdir le socialisme et refuser les choix fondamentaux. Qu’est-ce qu’on produit, comment, et pour répondre à quels besoins? Avec quel impact global et sous quelles contraintes? La nécessité impose de choisir entre les OGM et l’agriculture paysanne, entre l’aéroport Notre-Dame-des-Landes et plus de ferroviaire et de transports en commun, entre le nucléaire, les gaz de schiste et les économies d’énergie et les renouvelables, entre des incinérateurs supplémentaires et le tri sélectif des déchets et l’écoconception des produits.
La transformation écologique ne se fera pas non plus dans le cadre d’un marché libre et non faussé, au mépris des citoyens. Aux libéraux qui prétendent gérer la rareté des ressources grâce au marché, on ne peut répondre par une simple régulation sous l’autorité jalouse d’un État central. Il est urgent d’ériger l’eau, les transports, et l’énergie au rang de biens communs de l’humanité, qui seraient gérés par les acteurs démocratiques au niveau de décision le plus efficace. Car c’est aussi cela, la conversion écologique: la prise de pouvoir par les citoyens des enjeux de leur quotidien.
Changer de modèle implique par conséquent la création de nouveaux lieux pour la démocratie. Face aux drames de Mittal, PSA et Renault, face à la mise en concurrence des sites industriels et des États européens, face au dumping social, environnemental ou fiscal, la réponse ne peut être nationale: elle est européenne. Le capitalisme français d’après-guerre est derrière nous. Il faut harmoniser nos systèmes fiscaux, engager la convergence sociale, lancer une politique industrielle commune.
De même, on ne luttera pas contre le réchauffement climatique avec une nouvelle ligne Maginot! Le repli national comme le repli étatiste sont des chimères qui ne peuvent qu’engendrer la désillusion démocratique. En somme, tout comme le socialisme, la transformation écologique ne se fera pas dans un seul pays! Et tout comme la démocratie, elle se construit là où l’action collective sert efficacement l’intérêt général, en particulier sur les territoires.
Par Yannick Jadot, député européen (EELV).