27 novembre 2012 à 10:41 (Mis à jour: 15:59) – Libération
TCHAT Le dialogue est-il possible entre les opposants au projet d’aéroport et l’Etat ? Yannick Jadot, député européen EE-LV a répondu à vos questions.
Dédé. De quel droit vous manifestez contre ce projet, alors que la majorité du Pays-de-Loire et des Nantais sont pour ?
Yannick Jadot. Le débat public sur ce projet a eu lieu il y a plus de dix ans, dans des conditions où les opposants n’avaient pas pu réellement exprimer leurs arguments. La situation depuis a beaucoup évolué. Non seulement, les impacts dramatiques pour l’environnement et pour la zone agricole sont confirmés, mais les arguments des promotteurs sur le trafic aérien sont infirmés. Depuis dix ans, contrairement à ce que disent les promoteurs, le trafic aérien n’a pas augmenté.
Séverine. Le fait que la future implantation soit installée dans des zones humides fragiles pourrait-il faire reculer le projet de l’Etat ?
Y.J. Il y a des recours engagés au niveau européen et au niveau français sur l’absence de conformité du projet avec les lois sur l’eau, et sur les zones humides. Le rapport de la commission d’enquête, sorti il y a trois semaines, confirme que le projet ne respecte pas les dispositions légales, et que les travaux ne peuvet être engagés tant que Vinci ne répond pas à ces obligations.
Léon. La mobilisation pourrait-elle encore prendre de l’ampleur dans les jours qui viennent ?
Carine. Pourquoi n’organisez-vous pas une manifestation à Paris ? Celle-ci pourrait mobiliser l’ensemble des citoyens ?
Y. J. Le 17 octobre, près de 40 000 personnes ont manifesté sur le site de Notre-Dame-des-Landes, et des milliers d’autres dans toute la France, y compris à Paris. Il y a maintenant des collectifs d’opposition à Notre-Dame-des-Landes dans toute la France. La nouvelle phase qui s’ouvre, si les forces de l’ordre se retirent du site et si la commission du dialogue initiée par le Premier ministre est légitime, est à la fois une phase de débats, mais doit aussi rester une phase de mobilisation.
??. Pourquoi pas un référendum régional comme en Suisse, c’est démocratique, non ?
Y. J. Les écologistes proposent depuis un mois la mise en place d’un médiateur, ce qui correspond dans l’idée à la commission du dialogue du Premier ministre. Nous avons fait cette proposition en s’inspirant des mobilisations contre un projet de gare souterraine à Stuttgart. L’idée était de sortir des tensions très dures par l’organisation d’un débat associant tous les acteurs, et retransmis par les médias. A la fin de ce processus, le médiateur a proposé une consultation régionale. C’est une option pour la France mais d’autres solutions peuvent aussi ressortir du débat, notamment la suspension au regard des arguments avancés.
Tartempion. Y a-t-il débat au sein de EE-LV pour partir du gouvernement ?
Joséphine. Des militants EE-LV se font matraquer par les CRS, les cabanes sont détruites, il y a des blessés, Valls parle de kyste pour nommer les opposants à ce projet aberrant. Ne pensez-vous pas que les ministres Verts doivent démissionner du gouvernement ?
Lemerlemoqueur. Ne pensez-vous pas que vos ministres devraient quitter ce gouvernement ?
Y. J. Nous avons fait le choix de participer à cette nouvelle majorité pour construire, avec les socialistes, des sorties de crise économique, sociale, et aussi écologique. Nous sommes minoritaires dans cette majorité. Aujourd’hui, il y a potentiellement un débat qui s’ouvre sur Notre-Dame-des-Landes. Il y a aussi un débat qui va démarrer sur la transition énergétique, un processus de travail sur la fiscalité écologique. Notre pari c’est d’influencer, de peser sur la majorité pour obtenir la traduction dans les faits du discours du président de la République à la Conférence environnementale de septembre. A savoir que la transition écologique est un des pilliers de la sortie de crise.
Nous avons très fermement critiqué, et le discours, et les actes du gouvernement dans l’orchestration d’un cycle de violence et de répression à Notre-Dame-des-Landes. Nous étions, nous écologistes, sur le terrain. Nous faisons le pari aujourd’hui qu’à la fois les forces de l’ordre vont effectivement quitter le terrain, et que le dialogue va s’engager. Nous ferons à la fin du printemps un bilan sur tous ces dossiers d’infrastructure, de fiscalité écologique et de transition énergétique, et nous déciderons si notre présence au gouvernement fait sens ou pas.
Nash. Comment réussir à faire reculer le projet du Premier ministre sans qu’il perde la face ?
Y. J. Si le maire de Nantes était un fervent défenseur du projet, le Premier ministre doit être garant de l’intérêt général national. L’initiative d’un dialogue sur Notre-Dame-des-Landes est un signe de maturité politique et de responsabilité, notamment si cette commission est inattaquable du point de vue de sa composition et de sa transparence.
Tinus. A quelles concessions seriez-vous prêts pour trouver une issue favorable aux deux parties ?
Y. J. La mise en place de cette médiation doit permettre à toutes les parties de faire valoir ses arguments. Nous serons extrêmement viligants, à la fois sur la réalité locale et le retrait des forces de l’ordre, et sur, évidemment, les modalités d’organisation du débat. Si nous acceptons ce débat, nous ne pouvons pas préalablement en définir les résultats. Mais nous faisons confiance à la force de nos arguments pour convaincre de la nécessité d’abandonner ce projet. Pour rappel, le projet a été élaboré pour faire face à l’augmentation du trafic aérien et réduire les nuisances sur Nantes. Non seulement, le trafic aérien n’a pas augmenté depuis dix ans, et l’actuel aéroport Nantes Atlantique est très loin d’être saturé, comme tous les aéroports de la région. De nombreux experts du trafic aérien et de l’aviation confirment que cet aéroport est inutile. Nous avons en France plus de 145 aéroports, soit trois fois plus qu’en Allemagne, quatre fois qu’en Grande Bretagne.
Vincent. Vous dites que les forces de l’ordre doivent quitter les lieux pour que le dialogue s’engage, les squatteurs doivent-ils aussi quitter les lieux ?
Y. J. Il y a depuis des années à Notre-Dame-des-Landes une mobilisation citoyenne très forte autour des exploitants agricoles avec des militants sur place et de très nombreux élus. Avant que le ministre de l’Intérieur n’envoie il y a un mois des centaines de gardes mobiles sur place, il n’y avait aucun problème de sécurité, ou d’atteinte à l’ordre public. C’est le gouvernement qui a créé les difficultés. Aujourd’hui, il y a l’ouverture d’un dialogue, un moratoire sur le défrichage, et un moratoire sur tout travaux du fait des lois sur l’eau des zones humides. La présence de nombreux militants sur place ne crée aucun problème.
Yasmine. Est-ce que tout n’est pas déjà joué ? Les enjeux financiers, une fois de plus, semblent les plus forts…
Y. J. Le premier parpaing n’a pas été posé à Notre-Dame-des-Landes, rien n’est engagé, et donc tout est réversible. Le débat doit démontrer que les intérêts de Vinci ne peuvent en aucun cas primer sur l’intérêt général, et que les centaines de millions d’euros d’argent public prévus pour Notre-Dame-des-Landes seraient beaucoup utiles pour développer des transports collectifs utiles aux citoyens de la région ou un programme d’économies d’énergie dans le logement. Par exemple, pour encore une fois répondre aux besoins urgents de nos concitoyens, en termes de pouvoir d’achat, en termes d’emplois, comme évidemment – alors que la Conférence sur le Climat démarre à Doha – nos obligations en matière de lutte contre le dérèglement climatique.