« Une défaite pour le mouvement écologiste »

INTERVIEW – Samedi, lors d’un conseil fédéral, le parti écologiste s’est prononcé à 70% contre la ratification du Pacte budgétaire européen, qui arrive au Parlement le 2 octobre. « Nous avons fait le choix de la participation gouvernementale, il faut en assumer la solidarité », regrette le député européen Yannick Jadot, partisan de la ratification.

 

Vous défendiez le « oui », le parti s’est prononcé pour le « non ». Est-ce une « défaite » pour la construction européenne?

C’est aussi une défaite pour le mouvement écologiste. Nous avons fait le choix de la participation gouvernementale, il faut en assumer la solidarité, mais surtout être constructif dans la stratégie française pour changer d’Europe. C’est aussi un vote incohérent par rapport à nos convictions européennes. Ce n’est pas parce que l’Europe est compliquée, ce n’est pas parce que beaucoup ont joué à faire de l’Europe un bouc-émissaire que nous devons nous-mêmes tomber dans la facilité. La complexité de l’Europe ne doit pas nous empêcher de considérer que c’est par là que passe la solution. On ne peut pas affirmer en même temps que c’est bien si Merkel ouvre l’intégration politique, si Hollande ouvre l’investissement, si Monti ouvre des réformes dans la discipline… et dire que tout cela ne vaut rien, qu’il y a la souffrance des peuples. Je trouve que cela n’est pas totalement responsable.

 

«Un « non » qui a un côté positif, puisqu’il contient un « sauf ».» Cette décision va-t-elle compliquer la tâche des ministres écologistes au gouvernement?

 Pour l’instant, c’est la position du parti. C’est un « non » qui a quand même un côté positif, puisqu’il contient un « sauf ». Ainsi, si le Premier ministre reprenait un certain nombre de nos propositions dans son discours de politique européenne, les parlementaires évalueraient ces propositions et pourraient faire évoluer leur vote. Jean-Marc Ayrault n’avait pas forcément été très adroit en invoquant un argument d’autorité sur le vote de nos parlementaires, ce n’est pas nous qui, en faisant une forme de chantage, réussirons à faire bouger les autres. Il faut être dans le constructif.

Pensez-vous réellement que les parlementaires pourraient changer d’avis suite au discours de Jean-Marc Ayrault?

Il est évident que si nos parlementaires votent contre le traité, que – peut-être par souci de cohérence – ils votent aussi contre la loi organique qui va mettre en œuvre ce traité, qu’ils se disent que le budget 2013, qui répond aux mêmes logiques de discipline budgétaire, est un mauvais budget… Alors je ne vois pas bien ce qu’on fait encore dans une majorité gouvernementale.

«Aujourd’hui, ça bouge. Mais le parti, en votant « non », nous retire la capacité d’être partie prenante de ce mouvement.» Que répondez-vous à ceux qui disent vouloir mettre un terme à « la politique des petits pas » sur l’Europe?

Je pense que ces gens-là n’auraient jamais voté le traité de Rome. Quand on travaille à 27 pays aujourd’hui, c’est forcément des petits pas. Sinon, on fait une Europe napoléonienne, on envahit les autres et on impose nos choix. L’Europe, ce n’est pas ça.

Pensez-vous que le vote des écologistes aurait été différent s’il avait été décisif pour faire accepter ce texte au Parlement (le TSCG, nom officiel du traité européen, devrait être adopté avec les voix de la droite, Ndlr)?

Environ 20 à 25% du mouvement n’était pas pour la participation au gouvernement. Donc ils auraient de toute façon été contre le traité, comme ils seront contre le budget. Pour une partie plus tactique du mouvement, qui veut se faire un peu plaisir vis-à-vis des socialistes en cognant sur l’Europe, il est évident que si la ratification avait dépendu de notre vote, ils auraient voté le traité.

Il y a deux jours vous avez signé une tribune dans Libération intitulée « Pour une république européenne ». Seuls des députés européens ont signé ce texte…

Les députés européens savent la difficulté de l’Europe, que l’on avance par compromis, même s’ils sont frustrants et un peu longs. Mais si l’on est convaincu qu’il n’y a pas de sortie de crise sans l’Europe, c’est le chemin obligatoire. Aujourd’hui, ça bouge, car tout le monde sent bien que l’austérité n’est pas une réponse à la crise, qu’il faut investir, mettre plus de démocratie… Malheureusement, le parti en votant « non » au traité nous retire la capacité d’être partie prenante de ce mouvement, c’est dommage.

Anne-Charlottte Dusseaulx – leJDD.fr

samedi 22 septembre 2012

Publié le