La proposition de taxe sur les transactions financières devrait être mieux conçue en vue de soumettre davantage d’opérateurs à la taxe et de faire en sorte que l’évasion fiscale ne soit pas rentable, a affirmé le Parlement dans son avis adopté ce mercredi. Selon cet avis, la taxe devrait être introduite même si seuls quelques États membres venaient à l’adopter.
Les taux d’imposition proposés par la Commission européenne (0,1% pour les actions et les obligations, et 0,01 % pour les dérivés) sont jugés adaptés, et les fonds de pension devraient être l’unique secteur exempté de la taxe.
Le Parlement demande une taxe sur les transactions financières (TTF) depuis près de deux ans. La Commission a présenté une proposition législative pour une telle taxe fin 2011. Le dernier sondage Eurobaromètre montre que 66% des Européens sont favorables à une telle taxe.
Pendant le débat, le rapporteur, Anni Podimata (S&D, EL), a déclaré: « La TTF fait partie intégrante d’une sortie de la crise. Elle permettra de distribuer de manière plus équitable le poids de la crise. Cette taxe n’entraînera pas de délocalisation en dehors de l’UE car le coût d’une délocalisation sera plus élevé que le paiement de la taxe ».
Un champ d’application plus large
Le texte adopté ajoute à la proposition de la Commission un « principe du lieu d’émission », selon lequel les institutions financières situées en dehors de l’UE seraient également obligées de payer une taxe sur les transactions financières si elles ont négocié des titres émis à l’origine dans l’UE.
Par exemple, des titres Siemens, émis à l’origine en Allemagne et négociés entre une institution à Hong Kong et une entité aux États-Unis, seraient soumis à la taxe. Selon les propositions de la Commission, de telles transactions échapperaient à la taxe car seules des institutions financières dont le siège se trouve dans la zone TTF seraient soumises la taxe.
Le « principe de résidence » proposé par la Commission reste d’actualité, ce qui signifierait que des titres émis en dehors de l’UE mais négociés par la suite au minimum dans une institution établie dans l’UE seraient inclus dans le système.
Combattre l’évasion fiscale
La résolution fait également monter les enjeux, rendant une fraude relative à la taxe sur les transactions financières potentiellement plus onéreuse que son paiement. Prenant l’approche des droits de timbre au Royaume-Uni, le texte lie les paiements de la TTF à l’acquisition de droits de propriété juridique. Cela signifie que si l’acheteur d’un titre ne paie pas la taxe, il ne sera pas juridiquement certain de le détenir. Étant donné que les taux de la TTF devraient être bas, ce risque devrait largement compenser tout gain éventuel issu de l’évasion.
À l’échelle européenne de préférence, ou à une échelle réduite
S’il n’est pas possible d’établir la taxe à l’échelle européenne dès le départ, il faudrait envisager une coopération renforcée, affirme la résolution. Toutefois, la résolution reconnaît que l’introduction de la taxe dans un nombre très restreint d’États membres pourrait entraîner l’affaiblissement du marché unique et que, par conséquent, des mesures devraient être prises pour prévenir ce problème. Mme Podimata a déclaré: « L’UE ayant le plus grand marché financier, c’est à nous de faire le premier pas. Nous ne pouvons pas être les otages d’une poignée d’États membres ».
Fonds de pension
Plusieurs exemptions ont été demandées par un certain nombre de députés. Finalement, l’exemption la plus importante a été accordée aux fonds de pension, dont les transactions ne seront pas soumises à la taxe.
Autres points importants
• L’avis ne demande pas que les revenus d’une TTF soient transférés vers le budget de l’UE. Il indique que si les revenus en venaient à être affectés au budget de l’UE, les contributions nationales à ce budget seraient alors réduites. Le rapporteur affirme qu’elles pourraient être réduites jusqu’à 50%.
• L’avis maintient la proposition de calendrier de la Commission: à savoir le délai du 31 décembre 2013 pour que les États membres adoptent les lois d’exécution et du 31 décembre 2014 pour l’entrée en vigueur de ces lois.
• L’avis maintient la proposition originale d’exempter les transactions effectuées sur le marché primaire (c’est-à-dire l’achat de titres par l’émetteur lorsque de tels titres sont d’abord placés sur le marché). Cette mesure garantirait que les investissements qui bénéficient à l’économie réelle ne soient pas taxés.
A l’issue du vote, Isabelle DURANT, Vice-Présidente du Parlement européen et membre de la Commission du Budget, note:
« Alors que se tient en ce moment même à Bruxelles un Sommet informel des dirigeants européens consacré à la relance, l’adoption à Strasbourg d’un rapport sur la taxe sur les transactions financières représente un signal extrêmement fort! La TTF constitue un excellent instrument permettant de prélever de nouvelles recettes pour financer des politiques de relance. Et ainsi de dépasser les seules politiques d’austérité qui mènent l’Europe droit dans le mur, précipitent de trop nombreux citoyens européens dans la précarité et mènent à des impasses politiques et démocratiques dont certains refusent encore de mesurer l’ampleur.
La TTF constitue donc une juste contribution d’un secteur financier largement responsable de la crise actuelle – une sorte de « juste retour des choses » ou de TVA du secteur financier – mais c’est aussi une « ressource propre » pour le budget de l’UE. A ce titre, au delà même du financement de la relance européenne, elle offre à l’UE la possibilité de ne pas dépendre pour toutes ses ressources du seul bon vouloir des Etats membres et dégage des marges de manœuvres substantielles pour les finances publiques des 27 Etats membres. Au moment où on discute du Cadre financier pluriannuel pour les 7 prochaines années, ce n’est pas négligeable. »
Philippe LAMBERTS, Membre de la Commission Economique et Monétaire du PE a quant à lui estimé que:
« Il faut se féliciter que le Parlement européen ait étendu le champ d’application de la taxe afin d’élargir l’assiette fiscale, mais également d’empêcher toute possibilité de contournement. En effet, contrairement à la proposition initiale de la Commission européenne, les transactions de devises seront couvertes par la taxe. En outre, le principe de résidence a été complété par les principes d’émission et de non-reconnaissance juridique.
Concrètement, cela signifie que les produits émis dans un pays soumis à la taxe seront taxés quel que soit le lieu où ils sont échangés. En outre, les contrats de produits dérivés qui n’auraient pas été soumis à la taxe ne bénéficieront pas d’une reconnaissance juridique.
Le Groupe des Verts/ALE regrette cependant que le Parlement européen ait accordé une exemption aux fonds de pension. Cette exemption est un mauvais signal d’autant plus que ces fonds – qui sont des investisseurs de long terme – sont touchés de manière marginale par la taxe qui pénalise essentiellement les acteurs de court-terme ».