Libération, le 29 janvier 2012
Jadot: «L’alternative au nucléaire est crédible et bénéfique pour tout le monde»
Par Martin Bodrero, étudiant à l’Ecole de Journalisme de Grenoble
Pensez-vous réellement que nous pouvons nous passer du nucléaire ?
La question n’est pas de savoir si on peut se passer du nucléaire mais bien comment s’en passer. On sait aujourd’hui qu’un accident type Fukushima est possible en Europe et en France. Il est évident que, si les français sont majoritairement pour sortir du nucléaire, car ils en perçoivent le risque, ils ne sont pas convaincus que ce soit possible. L’enjeu pour les écologistes, c’est d’expliquer qu’il y a une alternative crédible fondée sur les économies d’énergie et la production d’énergies renouvelables. C’est une solution d’avenir qui participe réellement à notre indépendance énergétique.
La centrale nucléaire du Civaux (Vienne) à fait polémique cette semaine après un rapport accablant de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. Vous avez qualifié de « fuites radioactives » les rejets de la centrale. Vous semblez très remonté sur le sujet….
Dans le cas de Civaux, qui est sur une rivière, la Vienne, on a depuis des mois, voire des années des problèmes récurrents sur cette centrale. Par exemple, concernant l’alimentation en eau. Il faut savoir qu’une installation nucléaire consomme énormément d’eau et dès que le niveau de la Vienne descend vous avez un problème de réchauffement de la centrale. Cette fois-ci, on a eu des fuites radioactives. L’ASN et ses expertises ont démontré que ces fuites étaient colmatées avec des gels industriels classiques type mastic. Bref, c’est l’amateurisme absolu et ça montre que le risque n’est absolument pas contrôlé dans notre pays et que nous ne sommes pas à l’abri d’une pollution ou d’un accident majeur. On veut nous faire croire que les leçons de Fukushima ont été tirées. Le gouvernement et l’industrie veulent tourner la page mais on voit qu’il n’y pas de transparence et que nous ne pouvons pas réduire le risque d’accident. Le seul moyen d’éliminer ce danger, c’est la sortie du nucléaire.
Votre présence aujourd’hui au forum Libération s’inscrit dans cette volonté de diffuser ce message et de sensibiliser le grand public ?
C’est un exercice de pédagogie qui vient seulement de débuter. On a eu pendant quarante ans une omerta sur le sujet et cette campagne électorale, c’est l’occasion d’engager et de poursuivre le débat avec le citoyen. C’est aussi une volonté de confrontation puisque vous entendez régulièrement des choses totalement aberrantes. La sortie du nucléaire va coûter 1700 milliard d’euros en Allemagne d’après le ministre de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique Éric Besson. On sait pourtant qu’on est sur des chiffres beaucoup plus réduits. Prolonger le nucléaire serait même plus coûteux que d’en sortir. Il faut donc absolument confronter les arguments et expliquer encore et encore qu’il existe un scénario alternatif au nucléaire. Il est crédible et bénéfique pour tout le monde.