Procès Jadot / Bongo : Ali Bongo cherche un brevet de vertu grâce à la justice française
Samedi dernier, les élections législatives gabonaises ont été boycottées par l’opposition et par une partie importante de la population. L’opposition n’a pas voulu participer à ce qu’elle considère comme un scrutin sans enjeu, avec des résultats connus d’avance, accusant une nouvelle fois le parti au pouvoir de bourrer les urnes.
C’est donc sans surprise que le parti d’Ali Bongo annonçait samedi soir sa victoire aux législatives, alors que les chiffres officiels de l’abstention n’ont pas encore été dévoilés. Pour l’opposition, le taux d’abstention pourrait atteindre 80 à 90% des inscrits.
Dans ce contexte de tensions contre le pouvoir gabonais, Yannick Jadot, député européen Europe Ecologie, était poursuivi jeudi 15 décembre par le président gabonais Ali Bongo pour diffamation et injure après avoir critiqué le 16 juillet dans le quotidien Libération les défilés militaires organisés pour la fête nationale du 14 juillet à Paris. Le paragraphe de l’article incriminé est le suivant:«Quand on ferme les yeux une seconde et qu’on imagine un défilé militaire dans un autre pays, on pense immédiatement à une dictature». Il rappelle au passage que les défilés de 2008 et 2009 se sont faits «devant Bachar al-Assad, ou devant des dictateurs africains comme Ali Bongo. Faire défiler nos armées devant des personnes qui massacrent leurs peuples, ce n’est pas un signal très positif envoyé à la République».
Hier, devant le tribunal correctionnel de Paris, M. Jadot, avec ses avocats Maître Bourdon et Maître Durand, a maintenu ses propos concernant le mot « dictateur ».
Après l’audience, Yannick Jadot justifie : » Ce qui se joue véritablement ici c’est la volonté d’Ali Bongo de se trouver un brevet de vertu grâce à la justice française. Par ce procès, il cherche à convaincre l’opinion publique internationale et l’opinion publique gabonaise que, malgré les violations constantes de toutes les libertés et la prédation organisée, il est un démocrate éclairé, et non pas à un dictateur.
Je tiens à souligner l’importance du témoignage de M. Bruno Ondo Minsta, prêtre gabonais vivant à Paris, qui s’est exprimé avec force et émotion au cours de ce procès; un courage d’autant plus exemplaire compte tenu de la répression qui pèse au Gabon sur ceux qui osent dénoncer le régime dictatorial d’Ali Bongo.
A quelques jours des élections législatives gabonaises (boycottées par les principaux partis d’opposition), et un an après le début du printemps arabe, la pire crainte d’Ali Bongo est probablement que le souffle démocratique en Afrique du Nord traverse le Sahara et se propage dans son pays.
Le délibéré sera rendu le 9 février.