Israël menace la nouvelle «flottille de la liberté» qui part pour Gaza (Mediapart)

je vous conseille la lecture de cet article de Mediapart.

Athènes, de notre envoyée spéciale Sabrina Kassa

« Les magiciens ne montrent jamais leurs astuces avant de faire leur show. Eh bien nous, c’est pareil, nous ne dirons rien avant le départ ! », s’amuse à répondre Dror Feiler, de l’association Bateau suisse pour Gaza, et également directeur de Juifs pour une paix juste, à une journaliste qui s’impatiente. Combien de bateaux et de militants composent « la flottille de la liberté 2 »? La réalité est mouvante, a-t-il été expliqué lors de la conférence de presse qui s’est tenue à Athènes, lundi 27 juin. La réalité, c’est qu’à la veille du départ annoncé, «les magiciens» doivent encore jongler avec les incertitudes et espèrent gagner du temps pour que les pressions israéliennes se calment.

Conférence de presse, lundi à Athènes

A force d’insister, Vangelis Pissias, de l’association Ship to Gaza, finit par lâcher que dix navires devraient participer à la flottille, baptisée «Rester humain » en l’honneur de Vittorio Arrigoni, le militant pro-palestinien assassiné en avril dans la bande de Gaza. Elle sera composée de huit bateaux : deux français, Le Louise-Michel et Le Dignité / Al Karama (parti samedi dernier de Corse), un américain, un irlandais, un italien, un espagnol et un bateau gréco-suédo-norvégien. Ainsi que deux cargos transportant de l’aide humanitaire.

« Il y aura peut-être aussi un bateau de la campagne européenne, ajoute Vangelis Pissias. Nous sommes prêts à naviguer, mais nous attendons les documents des autorités grecques pour partir… » Ce qui ne semble pas tout à fait assuré. La grève générale annoncée en Grèce les 28, 29 et 30 juin pose aussi problème. Les dockers auraient promis d’assurer la cargaison, mais seulement le deuxième jour de grève: donc, si tout va bien, la flottille de la liberté 2 devrait larguer les amarres mercredi.

Un bateau pourtant est le grand absent: le Mavi Marmara. Il fut le navire amiral de la flottille 2010 et la cible principale de l’assaut de la marine israélienne qui avait fait 9 morts et 38 blessés. La Fondation caritative islamique turque IHH, proche du gouvernement, a annoncé soudainement le 17 juin qu’elle renonçait à le faire partir. Le président de l’organisation, Bülent Yildirim, a invoqué des raisons techniques: «Après les dommages subis par le Mavi Marmara (lors de l’assaut de 2010), nous ne sommes pas en mesure de lui faire prendre la mer.» Les dirigeants de l’IHH nient avoir cédé à des pressions politiques et affirment qu’en se retirant, ils essaient simplement de ne pas retarder le reste de la flottille.

Blocage systématique depuis un an

Mais d’aucuns se demandent si le navire n’a pas été sacrifié sur l’autel de la réconciliation en cours entre la Turquie et Israël, deux alliés de longue date qui, depuis l’arraisonnement meurtrier de l’an dernier, connaissaient une grave crise diplomatique. Le président américain n’a pas hésité lui aussi à faire pression. Au lendemain de la victoire électorale du parti AKP de Recep Tayyip Erdogan au début du mois, Barack Obama « aurait lui-même appelé le premier ministre turc pour lui enjoindre de calmer un jeu diplomatique régional qui risque de nouveau de s’enflammer en cas d’arraisonnement de la flottille pour Gaza », selon Le Monde.

Conférence de presse, lundi à Athènes.

Cette deuxième «flottille de la liberté» pour briser le siège de Gaza (site internet ici) a été lancée par une coalition internationale composée de 22 réseaux nationaux et soutenue par plus de 80 organisations non-gouvernementales, associations, syndicats et partis politiques, du monde entier. Elle s’inscrit dans le prolongement de Free Gaza (site internet ici), un mouvement international pacifique créé à l’automne 2006 par des militants américains, palestiniens, rejoints plus tard par des militants grecs.

Ils avaient surpris tout le monde, en août 2008, en réussissant à faire entrer dans Gaza le Free Gaza et le Liberty, deux bateaux de pêche avec 44 militants internationalistes à bord. Leur message était simple : « Au lieu d’attendre que le monde agisse, nous irons à Gaza nous-mêmes et mettrons nous-mêmes directement à l’épreuve le siège de Gaza. » Sur les huit autres voyages organisés par la suite par Free Gaza Movement, quatre bateaux parviendront à atteindre Gaza avec succès en y emportant à chaque fois de l’aide humanitaire (octobre 2008, novembre 2008, deux en décembre 2008). Lors des autres tentatives, les navires ont été arraisonnés avec brutalité par la marine israélienne.

L’an dernier, la « flottille de la liberté », pilotée par le mouvement Free Gaza, la Campagne européenne pour la fin du blocus de Gaza et des ONG turques, grecques et suédoises a eu une tout autre ampleur. Six navires transportant 10.000 tonnes d’aide et 700 militants (dont la moitié étaient turcs), des journalistes et des parlementaires du Nord et du Sud ont défrayé la chronique lorsque le commando de marine israélien a pris d’assaut le Mavi Marmara dans les eaux internationales.

Depuis, d’autres bateaux transportant de l’aide en provenance de Libye, de Malaisie (le dernier en mai 2011) ont fait route sur Gaza mais ont tous été bloqués par des navires de guerre israéliens avant d’atteindre l’enclave palestinienne.

énoncer la passivité de la communauté internationale

Cette nouvelle flottille qui s’apprête à mettre le cap sur Gaza compte elle aussi des cargos d’aide (5000 tonnes de matériels médical et de construction) mais elle se défend de n’avoir qu’un objectif humanitaire. « La situation à Gaza n’est pas due à une catastrophe humanitaire ou un tsunami, mais à la politique israélienne. Oui, notre flottille est une action politique et humanitaire. Nous demandons que le siège soit levé!», explique Thomas Sommer-Houdeville, de la CCIPPP et membre très actif de cette campagne.

Barak, ministre israélien de la défense, lundi.

Il était l’année dernière un des rares Français à être de l’aventure, et son livre La Flottille – Solidarité internationale et piraterie d’Etat au large de Gaza en raconte l’histoire dans le détail.

Autre passager français de la flottille de la liberté II, Julien Bayou, conseiller régional Ile-de-France et fondateur de « Génération précaire », enfonce le clou : « Oui, c’est politique que la société civile se mobilise et en remontre à Israël, c’est politique de demander à ces pays qui se font les chantres des droits de l’homme et à l’Union européenne de dénoncer la politique israélienne et d’assurer la sécurité des bateaux !»

En mettant le cap vers Gaza pour briser le siège, les militants remettent en question la légalité de ce blocus total imposé par Israël depuis la victoire du Hamas aux législatives de 2006 et la fin du gouvernement d’union nationale palestinien en 2007. Voire depuis bien plus longtemps: comme le rappelle Thomas Sommer-Houdeville, « le siège maritime dure de fait depuis la prise de Gaza par Israël en 1967. Depuis plus de quarante ans, aucun bateau civil, d’où qu’il vienne, n’a jamais pu accoster dans le port de Gaza. Même les bateaux de pêche gazaouis n’ont jamais pu dépasser les côtes de plus de 3 miles nautiques (soit 5,5 km) ! »

Ce blocus a été plusieurs fois dénoncé par l’ONU. Il y a un an tout juste, le secrétaire général Ban Ki-moon demandait à Israël de le « lever immédiatement ». Plus récemment, le 23 juin, le rapporteur général des Nations unies dans les territoires palestiniens occupés, Richard Falk, a de nouveau déploré la situation des 1,7 million de personnes vivant à Gaza, y voyant « une politique délibérée de punition collective qui est juridiquement indéfendable et moralement répréhensible. Il vise à nier l’humanité des Palestiniens et une vie avec dignité. Le blocus de Gaza doit être levé entièrement et immédiatement » (sa déclaration complète est ici).

Les activistes de Free Gaza veulent obliger la communauté internationale à agir concrètement en faveur de la levée du siège. Redoutant de nouveaux affrontements, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, à la mi-mai, a écrit aux gouvernements des pays méditerranéens pour leur demander « d’utiliser leur influence pour décourager de telles flottilles qui peuvent engendrer une escalade de la violence ». Un coup dur pour les militants de la flottille. Le secrétaire général venait, il est vrai, de recevoir une lettre du premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, dans laquelle il jugeait que ce projet «était organisé notamment par des extrémistes islamistes afin de monter une provocation et d’entraîner un affrontement».

«L’Etat d’Israël est déterminé à empêcher l’arrivée de la flottille à Gaza», a répété le gouvernement israélien, à l’issue d’un conseil de sécurité, lundi.

Les navires ne pourront pas accoster à Gaza, mais devraient pouvoir décharger leur cargaison dans le port israélien d’Ashdod ou le port égyptien d’El-Arish, ont laissé entendre des officiels. A l’annonce du départ du « bateau français pour gaza », le Quai d’Orsay a « déconseillé formellement aux ressortissants français d’embarquer sur des navires ayant pour objectif de briser le blocus maritime imposé sur la bande de Gaza » en raison des « risques sécuritaires ».

A bord du bateau français, doivent embarquer le député communiste Jean-Paul Lecoq, la députée européenne Europe Ecologie/Les Verts Nicole Kill-Nielsen, Olivier Besancenot du NPA et Annick Coupé de Solidaires.

 

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