Le Canada, polluant partenaire commercial de l’UE

L’Europe a entamé en 2009 des négociations avec le Canada, grand partenaire économique et commercial de l’Union européenne.
Les négociations officielles pour la conclusion de ce « CETA » (accord économique et commercial global Canada – Europe) devraient se conclure d’ici la fin de l’année.  Cet accord, très vaste, qui va de la suppression des tarifs douaniers, à un accord sur la propriété intellectuelle, l’investissement et les services publics est un des plus ambitieux jamais négocié.

Cependant, les députés européens n’ont aucun droit de regard sur le texte et sur le contenu des négociations. On leur demande simplement leur « avis conforme » en fin de parcours pour dire si, oui, ou non, ils acceptent la ratification de l’accord.

Dans une résolution votée mercredi 8 juin, le Parlement européen demande toutefois que certains points soient pris en compte par la Commission européenne, lors des négociations, et envoie un signal politique fort aux négociateurs.

 

Une superpuissance énergétique polluante

Avec ses ressources énergétiques, le Canada n’a pas vraiment bonne presse sur les questions environnementales. Sixième producteur mondial de pétrole, il dispose des troisièmes plus grandes réserves du monde, grâce aux sables bitumineux de l’Alberta. Or, l’exploitation des sables bitumineux, et d’autres techniques d’exploitations de pétrole, à l’impact environnemental et climatique désastreux, sont même de sérieux obstacles pour que le Canada tienne ses objectifs de réduction de CO2. Des ONG ont même récemment dénoncé la politique climatique du Canada comme « ni effective, ni efficace ». Et la tendance ne va pas s’inverser, puisque de nouveaux investissements massifs dans les sables bitumineux ont été annoncés par les dirigeants canadiens.
Craignant que le futur accord commercial ne facilite l’exportation des produits pétroliers de ces sables bitumineux vers l’Europe, les députés européens, ont clairement mentionné dans leur texte que les négociations commerciales en cours ne doivent pas affecter le droit de l’UE de légiférer lors de ses propres directives (notamment celle sur la qualité des carburants), ni empêcher les autorités canadiennes de présenter des normes environnementales sur l’extraction des sables bitumineux. Un premier garde-fou important pour limiter les ambitions de ce pays qui compte devenir une superpuissance énergétique d’ici 2020…

 

Un partenaire commercial embarassant ?

De manière claire, le Parlement européen a également rappelé à la Commission certains points primordiaux, sur lesquels elle ne devrait pas céder lors des négociations. Depuis de nombreuses années,  les écologistes se sont opposés aux tentatives du Canada qui voulait forcer l’UE à abroger l’interdiction sur le commerce des produits dérivés du phoque (le Canada en est un grand exportateur et chasseur). La résolution stipule donc qu’il n’y aura pas de ratification de l’Accord de libre-échange Canada dans le EP tant que le Canada maintient sa plainte à l’OMC contre l’interdiction européenne du commerce du phoque. Le Parlement veut également préserver la réglementation européenne sur les OGM (par crainte que le CETA renforce les droits de propriété intellectuelle , y compris sur les semences brevetées).

Par ailleurs, les députés écologistes n’ont pas manqué de souligner quelques sujets d’inquiétude : les spécificités sur l’investissement, la libéralisation des services publics et des marchés publics, (concession  suite à un lobbying intense des industries européennes).

Telle qu’elle est prévue dans les premiers projets d’accord, leur ouverture à la concurrence internationale menace nos services publics européens dits « d’intérêt général ».(voir le blog de Pascal Canfin à ce sujet). Et cette libéralisation porte également atteinte à la structuration territoriale et politique du Canada (Etat fédéral), et en viendrait même à remettre en cause des clauses environnementales incluses dans certaines législations locales…

Cet futur accord commercial le montre ; en matière de cohérence politique, entre « commerce » et « climat » en Europe, nous sommes encore malheureusement loin du compte.

Voir le texte adopté par le Parlement européen.

Voir le communiqué de presse sur le site du Parlement européen

Pour en savoir plus…
Les sables bitumineux

La raréfaction du pétrole dans le monde pousse à se tourner vers des techniques d’exploitation énergétique de plus en plus destructrices et de plus en plus coûteuses pour les hommes, la santé et l’environnement. Les sables bitumineux sont , au même titre que les gaz de schiste, des sources énergétiques dites « non conventionnelles ».  Les sables et schistes bitumineux sont des minéraux imprégnés de bitume (pétrole à l’état solide ou semi solide), que l’on trouve principalement au Canada (Etat de l’Alberta), et au Venezuela). Auparavant très chère, leur exploitation est aujourd’hui devenue rentable suite à l’augmentation des prix du pétrole.L’impact sur l’environnement est lourd : le sable bitumineux est extrait dans d’immenses mines (allant jusqu’à 75m de profondeur) à ciel ouvert, qui dévastent les paysages et les plaines de l’Alberta. De gros blocs de sables mélangés à du bitume sont extraits de la terre à des profondeurs pouvant aller jusqu’à 75 m, laissant derrière eux des paysages apocalyptiques notamment dans la province de l’Alberta au Canada, où cette exploitation est la plus développée. L’empreinte écologique de cette technique pour extraire des sables bitumineux est épouvantable. Ce procédé libère trois fois plus de gaz à effet de serre que les techniques d’extraction conventionnelles et il faut compter 2 à 4 barils d’eau pour 1 baril de pétrole ! Le pire est à venir. Du fait de la profondeur et du volume de terre extrait, on assiste à une déforestation extrêmement rapide, à la multiplication de bassins toxiques responsables de la mort de milliers d’oiseaux et à une pollution majeure des eaux et des sols. Les impacts environnementaux et climatiques qu’engendre l’exploitation des sables bitumineux — explosion de la consommation énergétique, émission de gaz à effet de serre (GES), bassin de décantation toxique, gaspillage d’eau potable et destruction de la forêt boréale – sont donc monumentaux… La mobilisation pour lutter contre les « tar sands » est particulièrement efficace au Canada, et pourrait bien être relayée en Europe. Or l’enjeu aujourd’hui n’est pas d’aller chercher des énergies encore plus polluantes au fin fond du Canada, mais au contraire de développer, chez nous, et dans les zones déjà industrialisés qui ont besoin de reconversion écologique, des énergies renouvelables pour sortir de cette spirale infernale de la recherche du toujours plus.

 

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