Plus de transparence pour les crédits à l’exportation

Cette dépêche de l’AEDD détaille le dernier vote du Parlement pour plus de transparence et une meilleure régulation des agences de crédit à l’exportation.

 

 

Transparence : les eurodéputés souhaitent une meilleure régulation des agences de crédits à l’exportation
Le Parlement européen adopte, le 5 avril 2011, une proposition du député européen Yannick Jadot (Europe Écologie-Les Verts) pour réguler les agences de crédits à l’exportation et les obliger à devenir plus transparentes sur leurs financements et sur la prise en compte des risques sociaux et environnementaux dans les projets. La proposition demande notamment l’établissement d’un « rapport annuel – type rapport d’activité – envoyé à la Commission et au Parlement » comprenant notamment : « l’explicitation des modalités de prise en compte du risque environnemental dans le calcul des primes de risque » ; « le respect des objectifs de l’UE tels que définis par le traité de Lisbonne, notamment en matière de droits de l’homme, de social, d’environnement et de développement » ; et « un aperçu complet des états financiers de leurs bilans ».

Le Parlement demande également que « toutes les dispositions soient prises pour pousser les agences de crédits à l’exportation des pays non européens et non OCDE à adopter les mêmes critères de transparence et de durabilité ».

Le 5 avril, le Parlement européen a modifié la proposition de décision « relative à l’application de certaines lignes directrices pour les crédits à l’exportation bénéficiant d’un soutien public », qui a été présentée par la Commission européenne en août 2006, et dont Yannick Jadot est le rapporteur. Toutefois, le vote sur la résolution législative a été reporté à une séance ultérieure.

EN FRANCE, 67 % DES GARANTIES VONT À QUELQUES GRANDS INDUSTRIELS

« Les agences de crédits à l’exportation n’ont pas de mandat de développement, leur seul mandat est de favoriser l’exportation de leur pays, notamment de soutenir les PME. Mais en France, par exemple, plus de 67 % des garanties vont à quelques grands industriels comme Airbus, Alstom et Alcatel, comme le montre un rapport des Amis de la Terre de fin 2009 », affirme Déborah Lambert Perez, chargée de la campagne commerce et investissement à l’ONG Fern et membre d’ECA Watch, une autre ONG qui se concentre sur les agences de crédits à l’exportation. « En général, les garanties portent sur de gros projets comme des constructions de pipelines, oléoducs, gazoducs, qui détruisent les espaces naturels, ou de barrages, qui déplacent les populations, ou encore de centrales nucléaires… »

« Les agences de crédits à l’exportation sont régulées principalement via un arrangement de l’OCDE datant de 1978 pour éviter la concurrence déloyale. L’UE a transposé ces règles en législation européenne, avec une directive en 1992 mettant en annexe les arrangements de l’OCDE et remise à jour régulièrement. Ainsi, ces règles sont devenues contraignantes au niveau européen », rappelle-t-elle. « Il s’agit de la première fois que le Parlement européen [ayant acquis de nouvelles compétences grâce à l’adoption du traité de Lisbonne] se penche sur la révision de la directive, via sa commission commerce international. »

« LES PARLEMENTAIRES ONT CONSCIENCE QUE CES AGENCES SONT OPAQUES »

« Le Parlement a demandé que les États rendent des comptes au Parlement et à la Commission sur la manière dont les agences appliquent l’arrangement de l’OCDE, et qu’ils publient les montages financiers, dont on soupçonne qu’ils masquent les pertes et profits », indique Déborah Lambert Perez. « Nous avons été surpris qu’aussi bien les libéraux que les socialistes se montrent en faveur de cette proposition, mais les parlementaires ont bien pris conscience que ces agences sont des institutions très opaques. » « Elles agissent pour le gouvernement, mais avec le manque de transparence du secteur privé. Elles n’ont jamais eu de comptes à rendre, ni sur leurs choix des projets, ni sur l’évaluation du risque, ni sur la manière dont elles appliquent les recommandations de l’OCDE », souligne-t-elle. « Ce sont les États qui prennent les risques, avec l’argent des contribuables. » Le Conseil de l’UE doit désormais « proposer un compromis. C’est une première étape qui va déboucher sur plus de transparence, que l’on espère améliorer encore par la suite. »

Le Parlement demande notamment plus de transparence sur les études de risques. Selon les recommandations sur l’environnement de l’OCDE, il y a 3 catégories de risques pour les projets – A, B, ou C – pour lesquels des études d’impact doivent être réalisées. Les agences de crédits à l’exportation ne sont contraintes de classifier un projet qu’à partir de 10 millions d’euros. « Le problème, c’est qu’elles trouvent toujours des parades pour ne pas être obligées de publier ces études. Par exemple la Coface a confirmé une garantie pour une centrale à charbon en Afrique du Sud depuis plusieurs mois et l’étude d’impact n’est toujours pas disponible sur leur site ! », explique Déborah Lambert Perez. « Cette année, avec Amnesty international, nous négocions avec l’OCDE pour que les recommandations prennent aussi en compte les droits de l’homme. »

La chargée de mission rapporte qu’en 2009, les agences de crédits à l’exportation de l’Allemagne, de l’Autriche et de la Suisse se sont retirées d’un projet controversé de barrage à Ilisu en Turquie, « suite à la pression des ONG, ayant mené campagne pendant plusieurs années ». « Aujourd’hui, nous suivons de très près plusieurs projets, notamment de centrales à charbon et de centrales nucléaires », remarque-t-elle, citant le projet de centrale à Jaitapur, en Inde, actuellement étudié par la Coface.

En 2008, les agences de crédits à l’exportation ont garanti des contrats pour un montant de 260 milliards de dollars.

 

Dépêche publiée avec l’aimable autorisation de l’agence AEDD.

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