Interview dans Libération

Une contribution au débat sur les primaires (Libération du 13 avril). Précision:le chapeau n’est pas de moi et ne correspond pas à mon sentiment

Europe Ecologie: vers un match Hulot-Joly –

L’animateur d’Ushuaïa et l’eurodéputée devraient s’affronter lors de la primaire, prévue en juin, pour porter les couleurs de la formation.

«En 2012, on n’a plus besoin de l’homme providentiel de l’écologie politique»

Interview

Yannick Jadot, eurodéputé Europe Ecologie-les Verts, directeur de campagne d’Eva Joly, juge inopportune la candidature de Nicolas Hulot :

Par MATTHIEU ECOIFFIER (13 avril)

Yannick Jadot, ex directeur des campagnes de Greenpeace France, le 10 avril 2009 à Paris

Eurodéputé Europe Ecologie-les Verts et ancien de Greenpeace, Yannick Jadot officie comme directeur de la précampagne d’Eva Joly. Il analyse les conséquences de la déclaration de candidature de Nicolas Hulot, ce matin à Sevran (Seine-Saint-Denis), et compare les profils des deux rivaux potentiels de la primaire, programmée le 24 juin.

Une déclaration en banlieue et puis s’en va : Hulot est une grosse «machine médiatique» qui se lance, comme l’a déclaré Eva Joly ?

Attention à ne pas instrumentaliser la question des quartiers discriminés et la question sociale. Nous, écologistes, devons convaincre les populations les plus vulnérables de la pertinence sociale écologique. Cela nécessite de prendre le temps de les rencontrer et de dialoguer avec eux.

Hulot à Sevran c’est un gadget ?

Non, car Stéphane Gatignon, le maire de Sevran, est engagé au sein d’EELV. Comme il vient de publier un livre défendant la légalisation du cannabis, c’est sûrement l’occasion pour Hulot de marquer son soutien à ce combat historique des Verts.

Est-il le meilleur candidat ?

Eva Joly et Nicolas Hulot incarnent chacun l’urgence de faire de la politique et l’évidence de l’écologie comme solution. Eva Joly a un avantage, elle a passé sa vie dans l’action publique au service de l’intérêt général. Que ce soit en travaillant dans le secteur social, comme juge d’instruction et depuis trois ans comme femme politique, elle fait très bien l’articulation entre la transformation écologique, la justice sociale, la solidarité nord-sud, l’état volontaire et impartial, la lutte contre l’ultralibéralisme et les paradis fiscaux.

Sauf que Nicolas Hulot est considéré comme plus écolo…

Il est vu comme le premier écologiste par l’opinion, y compris par les non-écologistes. Son défi sera de démontrer qu’il peut être un homme politique doublé d’un véritable écologiste sur la sortie du nucléaire ou l’agriculture durable. Mais aussi de convaincre sur le chômage, la politique étrangère, la santé ou l’éducation.

Certains lui reprochent d’avoir fait financer sa fondation par EDF…

Je ne crois pas que les positions de Nicolas Hulot aient été dictées par ses sponsors. En revanche, il n’est pas sain pour une organisation de protection de l’environnement d’avoir des sponsors dont l’activité nuit autant à l’environnement.

D’autres le dénigrent comme le «candidat du gel douche» à cause des revenus opaques de sa société Eole gérant les produits Ushuaia.

Je ne doute pas qu’il s’inscrive dans le combat des écologistes pour la transparence politique et financière. Y compris sur ses revenus et son patrimoine.

Quels sont ses points forts et faibles ?

Son point fort c’est une incontestable capacité à faire de la pédagogie et la sincérité de son combat pour la protection de la planète. Il doit veiller à bien s’inscrire dans une démarche collective pour élargir le champ de l’écologie. Et puis être capable non pas seulement d’expliquer les enjeux mais de montrer du doigt les conflits d’intérêts, privés et politiques, qui minent la capacité de notre pays à sortir de la crise écologique et sociale. Sera-t-il capable de les dénoncer?

Son côté prédicateur fait-il peur ?

En 2007, Nicolas Hulot a voulu se présenter comme l’homme providentiel de l’écologie politique sans aller au bout de sa démarche. Depuis, Europe Ecologie est passé par là. C’est un grand mouvement fort de ses succès électoraux, de sa capacité à rassembler. En 2012, on n’a plus besoin de l’homme providentiel. Il devra faire attention à respecter ce mouvement et ne pas tenter d’imposer sa candidature par les médias et ce qu’ils pourraient générer dans les sondages…

Peut-il se présenter hors du cadre de la primaire ?

S’il y avait deux candidats à la présidentielle ce serait une catastrophe pour l’écologie politique, dont Sarkozy serait le seul bénéficiaire.

Yves Cochet espère un tsunami Hulot pour noyer Joly…

Jusqu’à maintenant les tsunamis génèrent des catastrophes. Il n’y aura pas de tsunami Hulot.

Hulot peut grappiller des voix à droite et au centre, tandis que Joly est plus ancrée à gauche. Lequel est le plus efficace ?

Le meilleur plan pour l’écologie, c’est d’être sans ambiguïté. On a l’autonomie politique comme ligne directrice et la volonté de renouveler la gauche pour construire une alternative à Sarkozy. On ne pourra pas être dans l’ambiguïté pendant la campagne.

Vous êtes-vous côtoyés ?

Je l’ai rencontré en 2005-2006, à Greenpeace, pour discuter OGM ou énergie. Puis à l’Alliance pour la planète [qui avait noté les programmes des candidats à la présidentielle, ndlr]. On avait clairement établi que les candidats ne se valaient pas puisque Ségolène Royal avait eu 16 et Sarkozy 8. Pour Nicolas Hulot, l’écologie ne pouvait être dans un seul camp. Moi, je considérais qu’il était contradictoire de dire : «Il y a urgence», et ne pas soutenir le candidat qui répondait le mieux à cette urgence. Depuis, il a fait un chemin politique dont on attend de savoir où il a abouti, puisque, depuis six mois qu’il se prépare, on ne l’a pas entendu.

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