Nucléaire : les tests de résistance sur les centrales de l’UE sont « un pur exercice de communication » (Y. Jadot, EELV)
Pour l’ancien directeur des campagnes de Greenpeace France, et député européen Europe Ecologie – les Verts, « la colère d’Éric Besson [ministre français de l’Énergie] sur le fait qu’Oettinger a émis l’hypothèse que certaines centrales pourraient échouer » en est la preuve. Yannick Jadot répond aux questions d’AEDD sur l’évolution de la position des pouvoirs publics français et européens sur le nucléaire tout au long de la semaine, alors que le Japon est confronté à plusieurs accidents nucléaires sur la centrale de Fukushima. L’Agence de sûreté nucléaire japonaise a relevé de 4 à 5 le niveau de l’accident nucléaire sur l’échelle des événements nucléaires et radiologiques Ines qui en compte 7, vendredi 18. L’Agence de sûreté nucléaire française classe pour sa part cet accident au niveau 6, mardi 15 mars.
AEDD : Le gouvernement a évolué dans son discours sur les accidents nucléaires de Fukushima, tout au long de cette semaine, évoquant désormais « une catastrophe », et se disant ouvert à un débat. Est-ce suffisant à vos yeux?
Yannick Jadot : Le gouvernement a effectivement changé de stratégie. Il a d’abord voulu minimiser ce qui se passe au Japon. Puis il a dramatisé la situation japonaise tout en disant : « Mais en France, nous avons la meilleure technologie. Ce qui arrive va nous donner un avantage compétitif. » C’est d’une indécence infinie !
Parallèlement, le gouvernement a évoqué des contrôles et un débat. De manière générale, nous considérons toujours que le risque nucléaire est inacceptable et inutile. On peut faire sans nucléaire ! Nous demandons également à savoir qui sera en charge du contrôle des réacteurs, et sur quelle base.
AEDD : Vous ne considérez pas l’ASN comme indépendante, malgré son statut d’autorité indépendante?
Yannick Jadot : Non, elle n’est pas indépendante. Elle est incontestablement intervenue un paquet de fois sur Flamanville [où se construit le premier EPR sur le territoire français]. Elle nous a parfois surpris. Mais il faut rompre le lien entre l’ASN, le gouvernement et les industriels. Monsieur Lacoste [président de l’Autorité] est un acteur historique de l’industrie nucléaire. Ceux qui exploitent le nucléaire viennent du même milieu que ceux qui décident et ceux qui contrôlent.
AEDD : Vous souhaitez donc que la société civile participe au contrôle des réacteurs ?
Yannik Jadot : Oui, il faut une contre-expertise et que l’indépendance soit garantie.
AEDD : François Fillon a annoncé hier des « exigences plus sévères » lors de l’exportation de la technologie nucléaire. Êtes-vous satisfait?
Yannick Jadot : C’est bien de le dire. Mais pendant sa campagne, Nicolas Sarkozy avait dit qu’il n’était pas question de vendre le nucléaire à des pays qui n’étaient pas des démocraties. Vous savez la suite [La France a été en lien avec la Libye pour vendre sa technologie]. Il serait temps que toute exportation de technologie sensible soit soumise à un accord du Parlement.
AEDD : Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de l’idée d’un référendum sur le nucléaire?
Yannick Jadot : Nous poussons très clairement pour un référendum. Il s’agirait de valider la stratégie consistant à investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, et à ne pas remplacer les centrales nucléaires en fin de vie. Le nucléaire a tellement souffert d’avoir été un sujet confisqué. Les citoyens doivent s’emparer de ce débat.
AEDD : Le Parlement a saisi l’Opecst (Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques ). Quelle est votre réaction?
Yannick Jadot : L’Opecst est un repère de pro-nucléaires!
AEDD : Comment analysez-vous la réaction des socialistes qui demandent un audit du parc, mais pas de moratoire?
Yannick Jadot : Si le PS n’arrive pas à voir ce qu’il se passe réellement, n’arrive pas à voir ce que font les socialistes allemands, Angela Merkel, qu’ils n’arrivent pas à comprendre qu’il existe une alternative zéro risque climatique et nucléaire, et qu’elle permet de créer de l’emploi, s’ils ne voient pas la lumière, je ne vois pas le sens d’un accord lors de l’élection présidentielle.
AEDD : Comment analysez-vous la proposition du commissaire européen à l’Énergie, Gunther Oettinger, de réaliser des tests de résistance ?
Yannick Jadot : C’est avec les industriels du nucléaire qu’il s’est mis d’accord sur les tests de résistance. Quant à la colère d’Éric Besson [ministre français de l’Énergie] sur le fait que Gunther Oettinger a émis l’hypothèse que certaines centrales pourraient échouer, cela montre bien que ces tests sont un pur exercice de communication. Si vous savez déjà les résultats de ces tests, alors, pas besoin d’en faire!
AEDD : Comment les Verts comptent-ils peser sur le débat au sein du Parlement européen?
Yannick Jadot : Le nucléaire n’est pas une compétence européenne, il relève uniquement des États membres. Ce qu’on peut faire, c’est réhausser les ambitions en termes d’efficacité énergétique et d’énergies renouvelables. Elles doivent être beaucoup, beaucoup plus élevées. Avec le groupe des Verts au Parlement européen, nous avons élaboré avec des experts allemands [Öko-Institut] un scénario zéro risque climatique et zéro risque nucléaire.
AEDD : Allez-vous intervenir par un autre biais?
Yannick Jadot : C’est à travers la question de la recherche, et donc de l’Iter, que nous pourrons intervenir. Le Japon est extrêmement important dans la réalisation de l’Iter. Et avec cette catastrophe, il ne voudra peut-être plus investir. Les États-Unis s’interrogeaient déjà [avant les accidents nucléaires]. L’Europe, à travers ses fonds de recherche, dépense deux fois plus pour le nucléaire que pour l’ensemble des autres énergies!
Article publié avec l’aimable autorisation de l’AEDD. Voir le site de l’AEDD