Petite revue de presse sur les deux textes présentés mardi par la Commission : la « feuille de route 2050 » climatique et le plan d’efficacité énergétique. Deux textes peu contraignants …
Article de Liberation, 10 mars 2011Décryptage; Climat : Bruxelles adopte une feuille de route peu contraignanteCoralie Schaub10 mars 2011©Libération, tous droits réservés.
A Bruxelles, les combats sont aussi féroces que les couloirs feutrés. L’un d’eux oppose la commissaire au Climat, Connie Hedegaard, à son homologue de l’Energie, Gunther Oettinger. Réputé très proche des grands énergéticiens, l’Allemand a remporté mardi une manche face à la Danoise et aux écolos : la Commission européenne a adopté sa « feuille de route 2050 », qui explique comment l’UE compte atteindre ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre (GES) de 80 à 95% d’ici à 2050 par rapport à leur niveau de 1990. Parallèlement, elle approuvait un « plan sur l’efficacité énergétique ». Les deux sujets sont liés et forment un cercle vertueux, puisqu’on ne peut pas atteindre d’objectifs ambitieux en matière de lutte contre le changement climatique sans ( grosses) économies d’énergie… et vice versa. Or, mardi, cette ambition, défendue par Connie Hedegaard, a pris des coups dans les textes de la Commission. Explications.
Qu’est-ce qui fâche les écologistes ?
Une phrase surtout concernant le climat : »Atteindre l’objectif de réduction des émissions fixé pour 2050 de la manière la plus rentable possible implique une réduction des émissions de 25% en 2020. » Pour l’eurodéputé vert Yannick Jadot, « écrire noir sur blanc ce chiffre de 25%, c’est mettre un sérieux coup de sabot à l’objectif de – 30% de GES que l’Europe devrait pousser dans les négociations internationales, notamment à Durban en décembre. Cela ouvre une brèche. » L’UE s’était fixé il y a trois ans pour objectif de réduire ses émissions de GES de 20%. Or, le débat fait rage entre ceux qui veulent qu’elle intensifie ses efforts en passant à 30% (Royaume-Uni, Espagne, Allemagne, pays nordiques…) et ceux (dont le président de la Commission, Barroso) qui veulent le statu quo.
Le volet économies d’énergie est-il plus rassurant ?
Non. Bruxelles se garde bien de rendre contraignant l’objectif de 20% d’économies d’énergies d’ici à 2020. Une victoire pour les lobbys : énergéticiens, cimentiers, constructeurs automobiles… « Nous n’atteindrons pas 10% si des mesures ne sont pas prises », a averti Hedegaard. Dommage. Cela aurait été utile alors que les prix du baril flamblent. Et que ce plan est censé engendrer « des économies allant jusqu’à 1 000 euros par ménage et par an, renforcer la compétitivité industrielle de l’UE, et créer jusqu’à 2 millions de nouveaux emplois ».
Article du Monde, 10 mars 2011L’Europe hâte sa mue vers l’économie sans carboneGrégoire Allix© Le Monde. Tous droits réservés.La stratégie climatique à 2050 recommande d’accélérer les baisses d’émission de CO2, sans nouvelles contraintes
L’Europe devrait chercher à réduire ses émissions de CO2 de 25 % à l’horizon 2020, et non de 20 %, comme prévu dans le paquet énergie climat, estime la Commission européenne. Mieux : cet objectif devrait être réalisé par les Etats membres, essentiellement via des politiques domestiques, et non, comme actuellement, en usant pour un quart de mécanismes de compensation, tels l’achat de crédits carbone à l’étranger.
» Insuffisante » pour les organisations écologistes, » inacceptable » selon les industriels, la » feuille de route » traçant la stratégie climatique européenne d’ici à 2050, présentée mardi 8 mars, à Strasbourg, par la commissaire européenne au climat, Connie Hedegaard, préconise un coup d’accélérateur.
Ses collègues ont veillé, toutefois, à éviter les embardées, sur un sujet qui divise les Etats membres. Le passage de 20 % à 25 % est ainsi présenté uniquement comme une conséquence souhaitable des politiques en cours, quand Mme Hedegaard voulait en faire le nouvel objectif communautaire. Et, alors que les Etats membres peinent à réaliser les 20 % d’économies d’énergie prévus dans le paquet énergie climat, la Commission s’est refusée à rendre contraignante cette exigence… tout en reconnaissant qu’elle est essentielle pour abaisser les rejets de CO2 de 25 %.
Dénonçant » l’inertie » de la Commission, les organisations écologistes réunies au sein du Réseau action climat ont regretté que Bruxelles n’ait pas saisi l’occasion pour adopter un objectif de 30 % de réduction des émissions. Soutenue par quelques pays, réclamée par les écologistes, cette décision a été conditionnée par les Vingt-Sept à un engagement accru de la part des autres grands pays émetteurs au sein des négociations internationales sur le climat. » La trajectoire proposée par la Commission est dangereuse du point de vue climatique, en repoussant aux décennies 2030 et 2040 la majeure partie des efforts à réaliser « , juge le député européen (EELV) Yannick Jadot.
L’Europe s’est engagée à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 80 % à 95 % en 2050 par rapport à 1990, dans le but de limiter le réchauffement à 2 oC. Quel point d’étape faut-il fixer en 2020 pour y parvenir ? » Nous devons enclencher la transition vers une économie compétitive et sobre en carbone dès maintenant. Plus nous attendons, plus le coût sera élevé « , a expliqué Mme Hedegaard. Un coût déjà chiffré à 270 milliards d’euros par an pendant quarante ans.
» Au-delà du pourcentage affiché, c’est l’ensemble des politiques de transport, de bâtiment, d’énergie qui comptent, or, sur ce point, la feuille de route est assez conservatrice et offre peu de réflexions « , analyse Emmanuel Guérin, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), qui dirige une étude du réseau européen de recherche Climate Strategies sur l’impact du passage de 20 % à 30 % de l’objectif de baisse des émissions.
Présentée mercredi 9 mars, à Paris, cette étude confirme l’urgence de rehausser les ambitions. » L’ensemble du paquet énergie-climat est trop faible pour atteindre l’objectif de long terme à moindre coût et garantir que l’Europe engrangera les bénéfices de sa mutation vers une économie décarbonée en termes d’emplois, de sécurité énergétique et de croissance induite par les technologies vertes « , explique M. Guérin.
Si l’on en croit les simulations réalisées par Climate Strategies, » passer à 30 % en 2020 induit des gains économiques très importants de moyen et long termes, pour de très faibles pertes économiques de court terme « , détaille le chercheur de l’Iddri. En accélérant l’investissement dans les infrastructures et dans les technologies faiblement émettrices, un objectif plus ambitieux allégerait la facture de la transition et positionnerait l’Europe sur le marché mondial de l’économie verte. L’effet d’un passage à 30 % sur la croissance économique de l’Union serait positif à partir de 2020, estime l’étude.
L’accélération du calendrier voulue par la Commission est loin de plaire aux industriels. Les hypothèses de la feuille de route sont » simplistes et trompeuses « , ont dénoncé les représentants des secteurs les plus énergivores. Leur opposition est d’autant plus vive qu’une ambition accrue devrait se traduire par une hausse des prix des quotas d’émission de CO2 sur le marché carbone européen, arme principale de cette politique. » Aujourd’hui, en dehors du secteur de l’électricité, le prix du carbone n’entraîne aucune transformation de l’économie, en raison d’allocations excessives de quotas « , note M. Guérin.
La feuille de route de Mme Hedegaard prévient ainsi qu' » il pourrait être nécessaire de mettre de côté, graduellement, un nombre croissant de quotas d’émissions à partir de 2013 « . Mais alors que le texte parlait initialement d’un demi-million de permis à retirer du marché, la version finale ne mentionne plus aucun chiffre.