Tribune dans l’Humanité : l’énergie la moins chère est celle qu’on ne consomme pas et ne produit pas

L’énergie la moins chère : celle qu’on ne consomme pas et ne produit pas
Par Yannick Jadot, député européen Europe Écologie-les Verts.
18 décembre 2010 – L’Humanité
Ce mardi, une fois de plus, la France a battu son record de consommation électrique. Comme chaque hiver, nous craignons l’effondrement de notre réseau de transport d’électricité ou nous nous inquiétons de la hausse de nos importations. Mais les premières victimes sont les ménages et surtout les 3,5millions d’entre eux en situation de précarité énergétique. Pour ces Français, les conséquences sociales de l’ébriété énergétique de notre pays se cumulent à celles de la crise économique.

Malheureusement pour eux, la solution privilégiée par les autorités françaises pour faire face à ces records de consommation est celle du toujours plus. Plus de centrales électriques pour produire plus et pour consommer plus. Alors que des pays interdisent le chauffage électrique, le gouvernement protège ce piège écologique et social qui oblige à l’utilisation de centrales au gaz, au charbon et au fioul pour faire face aux pics de consommation et fait exploser les factures d’électricité des ménages séduits par son faible coût d’installation. Nous avons le triste titre de champion d’Europe du chauffage électrique.

La France s’enferme dans une logique d’ébriété énergétique alors qu’une autre approche est pourtant possible, et même d’ores et déjà mise en œuvre sur le terrain: celle des économies d’énergie. Nous savons construire des maisons qui ne consomment quasiment plus d’énergie. Nous avons des machines à laver ou des réfrigérateurs très efficaces. Nous savons développer des réseaux de transport en commun sobres en énergie. La France n’a pas tout à inventer: elle doit suivre et intensifier le mouvement.

L’Europe essaie aujourd’hui de saisir les opportunités des économies d’énergie. Elle s’est engagée à réduire de 20% sa consommation d’ici à 2020. Une approche gagnante sur de nombreux fronts. Celui de notre dépendance énergétique: les importations de l’Union européenne représentent déjà plus de la moitié de sa consommation d’énergie. Celui des charges énergétiques pour nos entreprises. Celui de la facture de nos concitoyens et en particulier des plus précaires: les ménages européens pourraient économiser 1000euros chaque année. Celui du chômage: le potentiel est d’au moins un million d’emplois. La rénovation et l’isolation des bâtiments doivent devenir la priorité. C’est aujourd’hui 40% de notre consommation d’énergie.

Mais, en Europe comme en France, il n’est pas si facile de mettre en œuvre des politiques pour économiser l’énergie. Car elles vont à l’encontre de notre logique productiviste. Car chaque unité d’énergie non consommée est autant de bénéfices en moins pour nos «champions»: EDF et Areva qui sont pénalisés par tout kilowattheure d’électricité économisé; GDF Suez qui pâtit de maisons sobres en énergie; Renault et Peugeot qui pourraient souffrir des transports alternatifs à la route; Total qui n’a pas besoin de voitures plus efficaces… De manière non surprenante, le gouvernement préfère donc raboter le crédit d’impôt pour les économies d’énergie et multiplier les projets d’EPR.

Malheureusement l’Europe n’est pas, en moyenne, un bien meilleur élève. Sans nouvelle impulsion politique, elle manquera largement son objectif de 20% d’économie d’énergie. C’est ce que l’on attend des dirigeants français et des d’États européens qui se réuniront sur ce sujet le 4février prochain. L’énergie la moins chère reste celle qu’on ne consomme pas et qu’on ne produit pas. Ça tombe bien, c’est aussi la plus propre.

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