Cancun : le grand marchandage commence

Il reste 24H avant que le Sommet de Cancun ne se termine. Nous sommes à un moment crucial : les négociations peuvent échouer lamentablement ou aboutir à un accord certes insuffisant pour le climat mais qui permettra à la communauté internationale d’espérer un rebond salvateur en 2011.

Les sujets discutés sont nombreux : adaptation, protection des forêts, transfert de technologie, financement, continuation du Protocole de Kyoto… Chaque pays a ses sujets de prédilection et bloque tous les autres tant qu’il n’a pas obtenu satisfaction. Petite revue – non exhaustive ! – des éléments du grand marchandage mexicain.

  • Adaptation. La communauté internationale pourrait créer un « Comité pour l’adaptation » chargé d’aider les pays et en particulier les plus vulnérables à définir leur stratégie pour faire face aux changements climatiques. Les pays en développement et en particulier les plus vulnérables sont pour. Les pays industrialisés, Etats-Unis en tête, entretiennent le doute.
  • Technologie. L’ONU pourrait créer un Comité pour le transfert de technologie. Son rôle : en s’appuyant sur un réseau de centres régionaux, aider les pays en développement à évaluer et répondre à leurs besoins technologiques pour faire face à l’urgence climatique. Quelques questions sont encore à régler, comme l’équilibre entre pays riches et pays en développement dans la direction de ce Comité. L’accord n’est pas loin, mais les pays riches veulent des contreparties.
  • Forêt. Tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut récompenser financièrement les pays qui luttent contre la déforestation. Les discussions continuent cependant, par exemple pour savoir si cette récompense pourra à terme venir du marché carbone, malgré tous les problèmes que cela pose. Les pays forestiers espèrent que ces discussions aboutissent à Cancun. Evidemment, les pays industrialisés laissent planer le doute…
  • Financement. Les trois sujets précédents ont besoin d’argent pour passer de la théorie à la pratique. Les pays riches ont promis des milliards… mais qui va gérer cet argent ? Le Sommet de Cancun pourrait créer un Fonds Vert dans le cadre de l’ONU. Mais comme pour le transfert de technologie, il faut décider de l’équilibre entre pays riches et en développement dans la direction de ce Fonds. L’accord n’est pas loin mais les Etats-Unis, derrière lesquels se cachent les autres pays industrialisés, menacent de tout bloquer.
  • Prolongation de Kyoto. Faut-il continuer avec le Protocole de Kyoto ? Les pays en développement l’exigent. Les pays industrialisés sont divisés : pour le Japon ou la Russie, c’est clairement non ; l’Europe est prête à accepter ; les Etats-Unis s’en moquent car ils ne font pas partie de Kyoto. C’est LE sujet chaud de Cancun, celui qui pourrait provoquer l’échec complet de la négociation.
  • Vérification des réductions d’émissions dans les pays en développement. C’est un autre sujet bouillant. La Chine va-t-elle accepter que la communauté internationale se mêle de ses affaires et vérifie qu’elle tient ses promesses sur le terrain ? Ici, ce sont les pays industrialisés qui exigent des avancées et les grands émergents, Chine en tête, qui vendront chèrement leur bulletin de vote. Ils ont été plutôt ouverts jusque là, mais le durcissement du Japon et de la Russie sur le Protocole de Kyoto pourrait changer la donne.
  • Vérification des engagements des pays riches. Ils ont promis de l’argent à Copenhague. Mais tiennent-ils leurs promesse ? Pour s’en assurer, les pays en développement leur demandent d’ouvrir leurs livres comptes. Mais les pays riches semblent préférer la transparence pour les autres à la transparence pour eux-mêmes. De même pour la promesse de réduction des émissions américaines : les Etats-Unis vont-ils accepter d’utiliser les règles internationales de comptabilisation des émissions ? Vont- ils faire des rapports réguliers sur les actions entreprises sur leur sol ? Autrement dit, vont-ils accepter de se rapprocher des exigences auxquelles sont soumises les autres pays industrialisés ? Evidemment, les Américains résistent à la pression, notamment européenne.
  • Caractère contraignant des engagements des Etats-Unis et des grands pays émergents. Ces pays ne faisant pas partie du Protocole de Kyoto, leurs engagements ressemblent un peu trop à des promesses qu’on peut facilement jeter à la poubelle. Idéalement, ils deviendraient légalement contraignant. C’est ce qu’exigent l’Union européenne et quelques autres pays. Mais les Etats-Unis et la Chine ne semblent pas pressés d’accéder à cette demande. C’est certes un sujet très chaud, mais qui ne sera certainement pas résolu à Cancun.


Quid de l’ambition de réduction des gaz à effet de serre dans tout ça ?
Les promesses faites à Copenhague sont insuffisantes : elles conduiraient à un réchauffement planétaire inacceptable de 3°C. Il faut donc s’assurer qu’en 2011, le niveau d’ambition sera augmenté. Plus facile à dire qu’à faire : peu de pays poussent pour remettre tout de suite ce sujet délicat sur la table… Félicitons l’UE pour ne pas lâcher là-dessus.

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