Interview sur le Taurillon, le magazine Euro citoyen
– Après l’échec de Copenhague il y a un an, le Sommet de Cancún n’enthousiasme pas vraiment. Y a-t-il des raisons d’espérer ?
Il est clair que le Sommet de Copenhague a été un échec : un accord non contraignant, non reconnu officiellement par l’ONU, et qui conduirait à un réchauffement de notre planète de 3°C. Malgré la sur-médiatisation extrême, on est loin de l’accord idéal.
Cancun n’est pas Copenhague : la conclusion de l’accord idéal n’y est pas envisagée. C’est l’occasion de recréer de la confiance entre les pays, de prouver que le processus de l’ONU peut avancer et de préparer le Sommet suivant, en Afrique du Sud fin 2011.
A Cancun, certains sujets précis sont mûrs pour un accord. On parle de la coopération technologique, de la protection des forêts, de l’adaptation aux changements climatiques, ou encore des questions de financement (création d’un Fonds Vert par exemple). Sur ces sujets, les pays doivent trouver un accord. Il en va de la crédibilité du processus onusien. D’autres sujets plus délicats seront également discutés, tels que la question d’une seconde période d’engagement dans le cadre du Protocole de Kyoto,
Un enjeu de taille est également au cœur des négociations : re-créer de la confiance entre les différentes parties prenantes, notamment entre les pays industrialisés et les pays en développement, ce qui ne sera pas chose aisée. L’heure des comptes a sonné pour les pays industrialisés : ces derniers ont en effet promis de verser 10 milliards d’euros en 2010 aux pays en développement. Reste à voir si ces engagements ont véritablement été remplis, et si l’aide financière apportée n’est pas un simple recyclage de l’aide au développement actuelle.
– Les pays de l’UE se sont distingués il y a un an par leur ambition pour l’environnement, mais aussi par leur incapacité à s’entendre et peser sur les négociations face aux deux premiers pollueurs, Chine et Etats-Unis. Ce scénario ne risque-t-il pas de se reproduire ?
Le principal défi de l’Union européenne va effectivement être de parler d’une seule voix. Elle doit résoudre les contradictions de sa diplomatie climatique et adopter une position plus ambitieuse si elle entend assumer un leadership dans la lutte contre les changements climatiques. Son objectif actuel de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre de 20% d’ici 2020 est obsolète en raison des effets de la crise économique. C’est un mauvais message envoyé à ses partenaires internationaux. Il faut donc que l’Europe aille plus loin et s’engage avec un objectif de 30%! Le Parlement Européen a d’ailleurs voté en ce sens en novembre dernier dans une résolution en notant que c’était dans l’intérêt de l’Europe. Et quand on voit que sur les cinquante entreprises leader sur le marché des technologies vertes dans le monde, 25 sont asiatiques, 22 américaines et seulement trois sont européennes, on se dit que l’Europe doit accélérer la transition écologique de son économie.
– Que pensez-vous de la résolution commune du Parlement européen proposant une voie de négociation pour Cancún, adoptée à quelques voix près seulement le 25 novembre à Strasbourg ?
Cette résolution est un signal extrêmement positif qu’envoie le Parlement Européen à la Commission Européenne et aux Chefs d’Etats, dans le sens où elle appelle l’UE à être plus ambitieuse et à résoudre les contradictions de sa « diplomatie climatique ». Il est temps pour l’UE d’envoyer un message clair à ses partenaires sur la scène internationale, mais aussi aux acteurs de son économie, à ses entreprises et investisseurs.
Le faible écart de voix sur le vote de cette résolution s’explique par le conservatisme de certains parlementaires, pours lesquels compétitivité et lutte contre les changements climatiques sont deux secteurs antagonistes. Pourtant investir dans l’économie verte, et donner la part belle aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables constituerait un réel facteur de compétitivité en Europe
– Que penser du rejet par les pays africains d’une déclaration commune avec l’Union européenne sur le changement climatique ?
Il est dommage que ce projet de déclaration commune ne soit pas arrivé à son terme. L’idée d’une déclaration commune avec les pays africains est bonne, et entérinerait la sortie d’une stratégie diplomatique où l’Europe passe tout son temps à négocier en son sein ou à attendre un mouvement des Etats-Unis. Parvenir à un accord global ne pourra se faire qu’en créant une coalition de pays progressistes, avec des grands pays émergents, et quitte à laisser de côté les Etats-Unis pour l’instant.
Quant aux raisons de l’échec de cette déclaration commune, elles sont peut-être à chercher du côté du contenu de cette déclaration. Pour créer une coalition progressiste, encore faut-il que l’Europe soit suffisamment progressiste.
– Quelle est pour vous la première urgence environnementale devant faire l’objet d’un point d’accord international ?
A Cancun, on peut espérer un premier accord sur le mécanisme REDD+ visant à empêcher la déforestation. Ce serait extrêmement positif dans la mesure où la déforestation représente aujourd’hui 20% des émissions de gaz à effet de serre. La déforestation déstabilise également profondément les communautés locales et les écosystèmes.
– Comment voyez-vous votre rôle d’eurodéputé à Cancún ?
Je fais partie de la délégation officielle du Parlement européen à Cancun et serai présent sur place du 7 au 11 décembre. Même si je ne prendrai pas part directement aux négociations, j’aurai l’opportunité de suivre pas à pas l’évolution des positions et de m’entretenir avec les négociateurs pour défendre la position du Parlement européen. Le dialogue avec les européens sera essentiel. Mais ce déplacement à Cancun, c’est évidemment l’occasion de rencontrer les négociateurs et les parlementaires d’autres pays, afin d’affiner nos positions. C’est aussi une magnifique opportunité pour échanger avec toutes les associations présentes, dont la créativité ne cesse de m’étonner. Je relayerai bien évidemment les avancées des négociations et mon analyse sur mon blog et via les médias.