Le Conseil Agriculture-Pêche a adopté aujourd’hui, sans aucune discussion, des conclusions sur la saga financière du réacteur expérimental thermonucléaire ITER (réacteur à fusion).
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Les Etats membres ont décidé de maintenir leur soutien sans faille à ce projet, malgré la multiplication par près de trois de ses seuls coûts de construction… Mais personne ne veut payer la note, particulièrement douloureuse. Pour l’Europe, la facture passe de 2,7 à 7,2 milliards d’euros! A la Commission de trouver les milliards manquants en rabotant d’autres projets.
Michèle Rivasi, députée européenne, et membre de la commission ITRE au Parlement européen commente cette décision :
«Il est incroyable de voir à quel point la décision d’aujourd’hui réaffirmant l’engagement envers le projet ITER démontre de l’incapacité des Etats à revenir sur des décisions antérieures sur ce projet et de s’adapter à une situation nouvelle.
Avec la crise financière en Europe, le projet ITER devient irréaliste : les Etats ne veulent pas payer pour financer ce projet, mais paradoxalement, ils restent accrochés à ce projet.» prévient Michèle Rivasi.
« La seule solution est donc de stopper ce projet, économiquement désastreux, qui peut être techniquement dangereux et qui ne correspond pas aux besoins énergétiques de l’UE. Le Conseil et la Commission doivent prendre conscience de cela! D’autant plus que ce projet est appelé à devenir un véritable gouffre financier, puisque l’industrie nucléaire n’a jamais fait preuve de transparence jusque là : qui nous dit que les coûts, déjà énormes, n’augmenteront pas à l’avenir ? Quand on voit ce qui se passe en Finlande avec l’EPR où le budget a plus que doublé, on peut craindre le même phénomène de hausse avec ITER».
Yannick Jadot, député européen, et également membre de la commission ITRE (questions énergétiques) ajoute :
« L’Europe veut aujourd’hui engager plus de 4 milliards d’euros supplémentaires dans ce projet. Elle devra donc inévitablement trouver cette manne financière en piochant dans des projets plus pertinents de la Stratégie 2020 de l’UE, par exemple des programmes de recherche sur l’innovation et la recherche non nucléaire, l’éducation, les transports, l’amélioration des réseaux d’énergie et la réduction de la pauvreté.
Dans un contexte général de réduction des dépenses publiques, dont les énergies renouvelables et les économies d’énergie sont les premières victimes dans plusieurs pays européens, c’est une erreur stratégique grossière. Les Etats-Unis ou encore la Chine investissent, eux, des dizaines de milliards dans l’économie verte, créatrice d’emplois et gage d’innovation. »
Le groupe des Verts/ALE demande qu’un débat transparent soit enfin organisé sur l’avenir du projet ITER : en ces temps de crise budgétaire, d’urgence climatique et énergétique, d’impératif de nouvelle stratégie industrielle, est-ce un projet sérieux, réaliste et « rentable » ? Que fera l’Europe lors du prochain surcoût inévitable d’ITER ? Pour nous, l’abandon est l’option la plus raisonnable d’un point de vue financier et technologique : plutôt que d’investir massivement dans un projet qui ne délivrera certainement jamais aucun kWh sur le réseau, investissons ces milliards dans les technologies énergétiques renouvelables et les économies d’énergie.
Il apparaît également indispensable de reporter la réunion du Conseil ITER, prévue fin juillet à Cadarache, et qui doit rassembler tous les partenaires de l’Europe : Etats-Unis, Chine, Japon ou encore Inde. Ce report est nécessaire si on ne veut pas que l’Union européenne se ridiculise devant ses partenaires en leur promettant d’aller de l’avant avec ITER tout en sachant qu’elle n’a pas encore trouvé le premier euro supplémentaire de cette politique. »
Les deux eurodéputés Verts/ALE concluent en déplorant que cette décision montre une fois de plus le déficit démocratique en Europe dès qu’il s’agit d’une décision concernant le nucléaire. Malgré les fortes implications budgétaires pour l’UE, cette décision a été prise sans discussion au niveau du Conseil, sans consultation préalable du Parlement et sans information au public.