Tribune parue dans TERRA ECO.
« L’abandon de la taxe carbone est lourd de conséquences pour notre pays. Il clôt momentanément la perspective d’une fiscalité écologique, entérine le refus d’une transition énergétique fondée sur les économies d’énergies et les renouvelables et créatrice de centaines de milliers d’emplois. Il laisse les Français seuls face à des factures de plus en plus élevées, met fin à l’émergence d’une forme de gouvernance pluri-acteurs initiée par le Grenelle de l’environnement. Et confirme enfin la panne dans la lutte contre les changements climatiques.
Certes, nous l’avions dit, les arbitrages de Nicolas Sarkozy étaient mauvais. Prisonnier des lobbies les plus productivistes de l’agriculture, des transports routiers, de l’énergie ou du béton, prisonnier d’une majorité qui n’a jamais caché son opposition au Grenelle et à sa démocratie participative, le Président avait vidé la contribution climat-énergie initiale de tous ses éléments d’efficacité énergétique et de justice sociale. Le rejet par le Conseil constitutionnel en début d’année offrait l’opportunité de réunir à nouveau entreprises, syndicats, associations et collectivités locales autour de l’Etat pour trouver les compromis positifs qui accompagneraient la nécessaire transformation de l’économie française et l’émergence d’une nouvelle compétitivité. Espoir rapidement douché.
Sauver le chiffre d’affaires d’EDF
Et pour cause. Nicolas Sarkozy n’entend pas toucher aux moteurs de l’ébriété énergétique française. Chaque unité d’énergie non consommée est autant de bénéfices en moins pour les producteurs d’énergie : il ne peut donc conduire qu’une politique de rénovation légère des bâtiments quand elle doit être massive. Chaque kWh d’électricité économisé fait baisser le chiffre d’affaires d’EDF : il maintiendra l’aberration écologique et économique qu’est le chauffage électrique. Toute nouvelle éolienne concurrence les énergies traditionnelles à la tête desquelles le nucléaire : il organise l’instabilité réglementaire et financière pour les énergies renouvelables.
En conditionnant sa taxe carbone à une taxe carbone aux frontières de l’Europe, le Président ne prend pas beaucoup de risques tant l’Union est divisée sur ce sujet. En usant de l’argument de la compétitivité de nos entreprises, il abuse les Français. Et pour cause : les industriels européens sont loin de souffrir des politiques climatiques européennes. Des entreprises, comme Arcelor-Mittal et Lafarge, pourraient même gagner sur cinq ans jusqu’à 1 500 et 300 millions d’euros respectivement grâce au marché européen de droits à polluer. Et surtout, les pays européens qui ont instauré une taxe carbone (Suède, Finlande, Danemark…) ont fortement gagné en efficacité énergétique tout en ayant des performances économiques et industrielles aussi bonnes sinon meilleures que les nôtres. On retiendra l’histoire d’un président passé en quelques jours de l’écolo-mégalomanie à l’écolo-cynisme. Pathétique et dramatique. »
Yannick JADOT est député européen Europe-Ecologie.