« C’est l’ensemble de l’économie qui doit devenir sociale et solidaire »

Entretien avec Marie-Christine Guillemin,
vice-présidente à l’économie sociale et solidaire et aux circuits courts :

Bonjour Marie-Christine, quelles sont tes impressions en ce début de mandature en tant que nouvelle élue ?
C’est à la fois une aventure enthousiasmante et une très grosse responsabilité. Le groupe Europe Ecologie est très uni, et je m’y sens à l’aise ; qui plus est, il est globalement en accord avec le programme qui ressort des premières prises de parole de Claude Gewerc. Par exemple, l’exigence d’éco-développement est au cœur des objectifs de la mandature. Après les premiers jours à se perdre dans les couloirs, les organigrammes, les sigles… nous nous retroussons les manches et planchons sur notre feuille de route.

Christine

Ton parcours te prédestinait-il à arriver au conseil régional ?

Pas vraiment, j’ai 35 ans de militantisme associatif derrière moi et cela fait      maintenant dix ans que je suis chez les Verts. Jusqu’ici, j’étais surtout sur le terrain  à la rencontre des gens, des histoires, des combats journaliers, locaux. Être élue au conseil régional est une chance à laquelle je n’avais pas vraiment pensé. Maintenant que j’y suis, et à une place de décision, je bouillonne, c’est une autre voie pour défendre nos projets dans l’exécutif… et ne pas décevoir les militants !

« le gisement d’emplois que représentent ces différents domaines est considérable »

Quels sont les contours de ta vice-présidence ?
Je suis en charge, pour l’essentiel, de l’économie sociale et solidaire (ESS), dont les principes de base sont un ensemble de valeurs éthiques communes : la liberté d’adhésion, la gestion démocratique avec le principe « une personne, une voix », la primauté de la personne et de l’objet social sur le capital, la solidarité, la non-redistribution individuelle des profits et l’indépendance à l’égard des pouvoirs publics.

En Picardie, elle représente près de 56 000 salariés et 5 000 établissements employeurs, dans des domaines très variés qui vont des mutuelles aux associations d’aide à domicile, en passant par les recycleries, l’activité bancaire, la communication, et, bien sûr, l’environnement.

Les circuits courts sont également une des attributions de ma vice-présidence, avec pour objectif la réduction au minimum du nombre d’intermédiaires entre le producteur et le consommateur, mais aussi des distances géographiques qui les séparent : promotion des produits locaux picards, agricoles ou transformés. En font ainsi partie les AMAP (association pour le maintien d’un agriculture paysanne), qui connaissent une progression rapide mais manquent de foncier pour assurer leur développement.

Bien que cela n’apparaisse guère de prime abord, le gisement d’emplois que représentent ces différents domaines est considérable.

L’économie sociale et solidaire semble te tenir particulièrement à cœur ?
En fait il ne s’agit pas que d’une passion personnelle, bien que je sois intimement persuadée que cette « nouvelle économie »  nous offre la possibilité de changer nos façons de produire, de consommer, de manger mieux, de réduire notre empreinte carbone. Force est de constater que, depuis la crise financière de 2008, l’ESS a le vent en poupe. La preuve : le dernier salon des entrepreneurs en février dernier à Paris a été ouvert par Mohammad Yunus[1]. Les entreprises de l’ESS l’ont démontré : elles sont, dans leur majorité, plus résilientes face à la crise et possèdent d’étonnantes facultés d’adaptation, sans doute en raison de leurs valeurs et de la motivation des salariés, résultat d’une gestion empreinte de démocratie.

Ton objectif est donc le développement de cette fameuse ESS ?
Pas du tout, nous souhaitons, au contraire, la voir disparaître !

Attends, je ne comprends plus, tu viens de me vanter ses mérites et maintenant … ?
Oui, en fait, nous plaçons notre ambition encore plus haut : il faut que l’ESS disparaisse en tant que secteur en marge de l’économie classique. C’est l’ensemble de l’économie qui doit devenir sociale et solidaire.
« Enclencher un cercle vertueux en introduisant des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics »

Face à cette ambition, de quels moyens le conseil régional dispose t-il ?
J’aurai l’occasion de développer tout au long du mandat les différents aspects de cette question. Disons qu’à côté des réalisations et projets propres à la Région, le conseil régional soutient les structures, associations et entreprises picardes, notamment, bien sûr, par le biais de soutien financier et d’aides à l’innovation et à l’installation. Au-delà, il peut enclencher un cercle vertueux en introduisant des clauses sociales et environnementales dans les marchés publics et soutenir le secteur par ses achats responsables au sein de  l’institution, dans la lignée de ce qui a été fait dans la mandature précédente avec l’agenda 21.

Si j’ai bien compris… ton défi, c’est de donner plus de sens à l’économie picarde ?
Absolument ! C’est un enjeu de taille, mais je ferai mon possible, et même davantage ! Il existe, dans notre région, de forts potentiels. Celle-ci est riche d’initiatives, d’expériences originales, et je compte sur l’aide de tous ceux qui croient en cette nouvelle voie pour la faire prospérer.


[1] Economiste bangladais fondateur du micro-crédit qui reçu le prix Nobel de la Paix en 2006.

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