Le bio en marche dans le Nord Pas de Calais
Le 14 mars dernier l’hémicycle du Conseil régional accueillait plus de 300 personnes pour participer à la première conférence régionale de l’agriculture biologique.
Une mobilisation synonyme de réussite pour cette étape du plan de développement de l’agriculture biologique dans le Nord – Pas de Calais, lancé en 2010 par Jean-Louis Robillard, Vice Président en charge de l’Alimentation, de la Régionalisation de l’Agriculture et de la Ruralité.
L’objectif de cette réunion était de valider un diagnostic partagé par tous les partenaires de la situation actuelle de l’agriculture biologique en Nord – Pas de Calais, de proposer un recensement des actions actuelles en faveur du développement de l’AB, mais aussi de valoriser des expériences exemplaires dans les territoires et d’entamer les premières réflexions pour la mise en place d’une gouvernance partagée.
Premier bilan de cette journée par Jean-Louis Robillard :
« Cette conférence a été un vrai succès ! Tout d’abord, nous sommes parvenus à l’organiser à 8 voix, entre 5 financeurs et les 3 opérateurs de terrain. Cette approche partenariale envoie un message d’ensemble très mobilisateur.
Nous avons accueilli 300 personnes de tous horizons : depuis l’agriculture, l’enseignement, la recherche, les entreprises, les consommateurs, des institutions, les structures d’accompagnement du monde agricole, … L’ampleur de la mobilisation a été bien réelle.
La conférence a permis de partager : un diagnostic de la situation actuelle et une analyse commune des enjeux. Cela nous servira de point de départ pour le travail à venir.
Les tables rondes ont été très riches. Elles ont notamment permis de :
– faire tomber les préjugés,
– de montrer la variété des démarches et des motivations des producteurs et des territoires engagés,
– mais aussi d’identifier les points d’achoppement concrets à déverrouiller, si on souhaite développer la bio en Nord – Pas de Calais.
Tous ces éléments seront le matériau de la construction d’un prochain plan bio que je proposerai fin 2012-début 2013.
En poursuivant notre approche multi-partenariale.
En mettant en avant un défi qu’il nous reste à relever ensemble : celui de la restauration collective
Mais en plaçant également d’autres thématiques majeures au cœur de notre intervention : la structuration de filières équitables ; les questions sociales et de santé ; la préservation des ressources naturelles et les services environnementaux fournis par l’agriculture, etc… »
Témoignages
Mathieu LANCRY a repris une ferme il y a maintenant 6 ans à Marcq-en Ostrevent. Une exploitation de 38 hectares, consacrés aux grandes cultures : blé, triticale, avoine, betteraves rouges, pommes de terre, luzerne / dactyle, féveroles, maïs grain, carottes, pois protéagineux.
Par conviction, il s’est converti au bio. Et depuis 2008 toute sa production est labellisée.
Sa préoccupation de l’environnement le conduit à participer à des réunions telles que celle du 14 mars dernier, pour aider au développement de l’agriculture bio qui est très en retard dans notre région.
Ce producteur dénonce la différence de traitement entre l’agriculture bio de l’agriculture conventionnelle : « Le bienfait qu’on fait pour la terre et la santé devraient être récompensé par la collectivité. Le fait qu’on ne pollue pas les sols, que l’on ne pollue pas l’eau, c’est l’équivalent d’une action de santé publique. Lorsque l’on a pris conscience des dangers des pesticides pour la santé, c’est en quelque sorte un service que l’on rend, et qui devrait être rémunéré par un retour de la collectivité.
Comme la PAC rémunère les marchés, les hectares… L’enjeu de la nouvelle PAC devrait être de privilégier l’agriculture bio ; par contre l’agriculture conventionnelle intensive, ne devrait plus être aidée ou… moins. »
Pour Mathieu Lancry la journée du 14 présente un bilan mitigé :
«une réussite au niveau de la participation pour une première réunion de ce type, de nombreux opérateurs économiques pour nous écouter, les producteurs étaient bien représentés, par contre il existe encore une bagarre idéologique pesante entre les différents agriculteurs bio ou conventionnels, les bio ne sont pas assez nombreux pour l’instant pour une discussion d’égal à égal ».
« Il faudrait aller plus loin en organisant deux fois par an une réunion de tous les acteurs. Il manque depuis 5 ou 6 ans des concertations, une gouvernance qui permette de mettre autour de la table tous les acteurs économiques »
Pierre Damageux avait 29 ans lorsqu’il s’est installé à Loos en Gohelle. La ville pilote du développement durable n’est pas étrangère à sa conversion à l’agriculture bio :
« On réfléchit, on évolue, c’est un long processus. Le fait que la PAC nous ait obligés à un moment à classer nos produits en fonction de leurs critères de dangerosité, m’a fait réagir. Sur les bidons il y a des têtes de mort, à force, cela m’a un peu travaillé. En lisant toutes les mises en garde qui étaient inscrites sur les étiquettes, je me suis inquiété des risques que l’on courrait : stérilités, cancers… Je me suis posé la question : qu’est-ce qu’on met dans nos produits ? »
Pierre Damageux produit actuellement : carottes, blé, orge, pommes de terre, oignons. Un tiers de sa production est labellisée bio.
« En matière de coût, je ne suis pas pour une production bio subventionnée à long terme, je préfère l’autonomie. Bien sûr le bio est plus cher que les produits de l’agriculture conventionnelle, forcément puisque celle-ci est subventionnée. Si l’on évoque la pollution par les produits phytosanitaires, pourquoi la dépollution de l’eau est-elle à la charge des agences de l’eau ? Tous les consommateurs payent donc cette dépollution et je ne trouve pas cela normal. Je trouve à l’inverse qu’il serait plus logique de taxer le conventionnel qui pollue. »
«La réunion du 14 mars a permis de rencontrer des gens d’horizons totalement différents. Il faut que tout le monde se comprenne, il faut du temps, comprendre également ce que souhaitent les consommateurs, ce qui motive leur décision d’achat.
Les conventionnels finiront par bouger. Trouver l’angle d’attaque n’est pas évident.
Je pense aux CUMA – Coopérative d’Utilisation de Matériel Agricole- Avec ce système on travaille ensemble et cela aide à faire progresser nos idées.
Il y a aussi un gros problème dans notre région, c’est celui du foncier. Les parcelles sont petites et éloignées les unes des autres. Si l’on cultive bio à côté d’une parcelle conventionnelle on ne peut pas empêcher les engrais ou autres produits de s’étendre… »
Liens web :
– le contact pour Mathieu Lancry
http://www.gabnor.org/index.php/nl_entities/annuaire-des-producteurs/aux-glennes-de-l-ostrevent-lancry-mathieu.html
– le contact pour Pierre Damageux
http://www.gabnor.org/index.php/nl_entities/annuaire-des-producteurs/damageux-pierre.html
– plan de développement de l’agricuture biologique :