Intervention concernant la démocratie participative – MYRIAM CAU

Séance Plénière 20 & 21 octobre 2011

« Merci, Monsieur le Président.

Chers collègues, nous voulons engager par cette délibération cadre une nouvelle étape en faveur de la participation des citoyens à l’action publique dans cette région.

Y a-t-il une légitimité régionale à s’intéresser à la démocratie participative ? Eh bien oui, en région Nord – Pas de Calais, même si la question de la participation ne coule pas de source car on s’adresse à quatre millions d’habitants et à une multitude d’acteurs de la société civile, c’est un processus inscrit dans des traditions et dans des dispositifs ancrés dans le territoire régional.

Aujourd’hui, il nous faut nous appuyer à la fois sur cette culture de la démocratie de proximité, qui est pratiquée au quotidien par les élus des villes et des territoires et, en même temps, inventer de nouveaux modes de faire s’adressant aux citoyens régionaux et concernant des enjeux plus larges. Ainsi, l’emploi en région, la question alimentaire, la mobilité, la vie des lycées, les grands projets structurants intéressent le citoyen régional et les politiques régionales aussi requièrent le dialogue.

Pourquoi devrions-nous considérer la démocratie comme immuable ? Les printemps arabes, les indignés, malgré les risques d’évolution quant à l’ancrage démocratique, ne sont-ils pas, à l’échelle internationale, des signes d’un appétit et de la vitalité de l’élan démocratique partout dans le monde ?

Alors, même chez nous, la démocratie doit être considérée comme une idée neuve, un chantier inachevé. On ne peut se passer aujourd’hui d’un renouveau démocratique de la relation élu/citoyen et je crois profondément que c’est à inscrire à l’agenda du XXIe siècle .Nous devons affirmer notre ambition de dialogue au coeur du pacte républicain, combattre le fossé civique et encourager l’engagement.

La démocratie participative, c’est aussi enrichir la démocratie représentative et, surtout, rechercher plus d’efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens. C’est aussi un investissement en intelligence collective qui apporte des bénéfices multiples : produire de la reconnaissance des individus et des groupes, faire société, mieux prendre en compte l’intérêt général et se sentir capable de, être porteur d’initiative. On ne peut plus agir dans un monde complexe sans la participation ; la qualité des politiques publiques en dépend, l’attente des citoyens est forte. Nous le faisons déjà, sans forcément bien le valoriser, mais les marges de progrès sont énormes, à notre portée, bien que cela nous oblige à renouveler nos modes de faire et c’est une bonne chose. Notre ambition est de nous diriger vers une région à haute qualité démocratique.

La politique régionale de démocratie participative s’inscrit dans une construction progressive dans l’histoire aussi des politiques régionales. Elle acte d’une volonté régionale qui a déjà été inscrite dans le SRADT voté en 2006, dans son enjeu n° 6 : « mobiliser la société régionale et renforcer la citoyenneté ». Elle a fait l’objet d’un programme de développement de la

démocratie participative dès l’année 2007 et d’une mission déléguée en 2009 En 2010, un nouveau mandat, un nouvel exécutif en fait une nouvelle ambition, un axe majeur de la conduite de son action, en s’appuyant d’abord sur sa propre exemplarité, l’exemplarité des politiques régionales, ensuite, sur l’incitativité par la conditionnalité des aides, l’appui aux acteurs à travers une plate-forme ressources et cette ambition de favoriser le débat public.

La Commission permanente du 4 octobre 2010 acte le lancement d’une démarche de coproduction ; cette démarche de coproduction a eu lieu, elle a fait l’objet de 140 contributions écrites, d’un site internet dédié, de 21 réunions d’acteurs dans sept villes de la région, d’Étaples à Mons-en-Baroeul en passant par Valenciennes, de deux forums et, au final, un document dont vous avez eu communication, avec 50 propositions détaillées et encore d’autres propositions qui restent à creuser.

En présentant cette délibération cadre, nous répondons partiellement aux attentes exprimées dans cette démarche de coproduction, tout n’étant pas du ressort de la collectivité régionale. Nous avons eu, enfin, le 9 septembre, une séance commune de travail avec le CESER qui nous a permis de confronter nos regards, d’entendre des témoignages et d’expliciter déjà des positions.

Quelles sont les orientations quant au positionnement régional sur cette politique ?

La région a une position privilégiée pour assurer un double rôle. D’abord, en tant que promoteur de politiques publiques, elle peut jouer d’un effet levier pour favoriser une plus grande qualité des politiques dans sa dimension participative. Enfin, en articulation, en appui aux élus et à la société civile des territoires, la région peut jouer un rôle d’animation, et notamment favoriser la montée en capacité des citoyens et des territoires. Pour cela, nous situons les orientations de la région dans le cadre de trois enjeux :

– un enjeu institutionnel ; il s’agit, comme je l’ai déjà dit, d’être nous-mêmes exemplaires et d’améliorer l’efficacité de notre action publique, et notamment à travers des principes d’exemplarité, de transparence et de cohérence ;

– un enjeu territorial ; nous avons pu constater que de par son échelle, la région était perçue comme légitime pour animer une dynamique régionale à travers une mission de capitalisation, d’échange d’appuis et avec des principes pouvant régir notre action en articulation avec celle des autres collectivités territoriales : la coopération, la subsidiarité et l’incitativité ;

– un enjeu civique : renforcer la capacité des habitants de notre région à prendre part à la vie publique, en valorisant leur action, en facilitant la mobilisation et l’accès de tous à ces dynamiques de participation ; cela nécessite des conditions de réussite – nous avons accompagné un changement de culture, tant dans la sphère politique que dans celle des acteurs de la société civile, la sphère politique étant la nôtre en premier lieu et celle aussi de la sphère technique –, mieux articuler la démocratie représentative et participative et, enfin, toujours affirmer des règles du jeu, qu’elles puissent être claires, comprises, partagées, et donner des moyens aux démarches participatives.

Ce que nous souhaitons avec cette délibération cadre, c’est bien vous présenter un cadre de cohérence pour une politique régionale, une politique qui est transversale et, donc, qui implique, de fait, toutes les politiques régionales. D’ailleurs, je remercie tous les Vice Présidents qui contribuent et participent à cette politique régionale dans tous les domaines.

Ce cadre de cohérence, cette volonté, se traduit par un programme d’actions et des chantiers.

Certains sont existants, ils doivent être renforcés et valorisés. De nombreuses actions ont, en effet, fait leurs preuves : les Fonds de participation des habitants et les Fonds locaux d’initiative pays, le Schéma régional d’écocitoyenneté, les comités de ligne, les conférences de citoyens, etc.

D’autres sont à déployer ; ils constituent donc nos chantiers. Le développement des nouveaux chantiers ou des perspectives qui sont retenues dans le cadre de cette délibération concernent, d’abord, la mise en place d’une Charte régionale de la démocratie participative. Il nous faut répondre aux attentes d’une diversité d’acteurs, attentes qui ont été exprimées. Nous souhaitons donc nous inscrire dans un cadre partagé quant aux principes, aux règles du jeu, aux rôles des uns et des autres, sur ce que l’on entend par notre mode de faire en matière  de démocratie participative.

Le développement des fonds participatifs, le déploiement du budget participatif des lycées ont été évoqués à plusieurs reprises. En partenariat avec Jean-Marie ALEXANDRE, l’ambition est de toucher à terme tous les jeunes de la région.

J’en profite pour simplement signaler à Madame LONGUEVAL que le champ d’action du budget participatif des lycées est extrêmement circonscrit et extrêmement clair et nous pourrons en rediscuter.

Par ailleurs, nous envisageons de travailler sur des fonds thématiques dédiés, en matière de culture ou de sport, par exemple, sur le mode des fonds de participation des habitants et, un peu à la façon du microcrédit, faciliter de nouvelles formes d’engagement citoyen qui soient construites.

Enfin, nous avons identifié comme un axe majeur de l’axe n° 6 du SRADT la mise en oeuvre d’une instance régionale de débat public. Nous y travaillons, nous aimerions être la première région à décliner la qualité du travail mené sur les grands projets nationaux par la Commission nationale de débat public. Nous en avons d’ailleurs eu dans notre région une première expérience en tant que maître d’ouvrage lors du débat de Calais 2015.

Enfin, nous avons à mettre en place la plate-forme de ressources et d’appui aux acteurs. Elle concerne de l’appui méthodologique aux démarches participatives, etc. C’est, en fait, à travers cette plateforme de ressource, la principale réponse aux multiples demandes qui sont issues de la démarche de coproduction et nous y reviendrons également.

Dans les autres chantiers et perspectives, nous souhaitons jouer de l’effet incitatif des différentes politiques régionales pour encourager la participation chaque fois que cela sera pertinent et toujours conçue comme une démarche de progrès et pas comme un couperet ; c’est ainsi que nous entendons mettre en oeuvre la conditionnalité des aides régionales.

Le renforcement des Conseils de développement, qui sont des outils extrêmement utiles au service des pays et des agglomérations qui mobilisent la société civile, est aussi quelque chose d’essentiel pour notre institution qui travaille en étroite collaboration, par ailleurs, avec le CESER.

 

Nous avons à renforcer l’éducation populaire et les nouvelles formes d’engagement ; c’est un chantier qui devait être engagé et conduit par la Vice-présidente Majdouline SBAI.

Enfin, nous avons les outils numériques au service de la démocratie participative, avec des programmes anciens menés par l’action économique et la recherche, le programme « Dream », et, de plus en plus, développer l’interface numérique au service de l’interactivité, non seulement avec les citoyens, mais aussi avec les usagers.

Nous souhaitons, dans cette région, comme d’autres l’ont fait avant nous, ouvrir le chantier du développement de l’open data, c’es-tà-dire la mise à disposition des données publiques au public, générateur de transparence, mais aussi de multiples développements qui peuvent renforcer les dynamiques économiques, mais surtout la créativité de la société régionale.

Enfin, nous mettons en place ou nous gérons des grands équipements régionaux. Nous pouvons encourager la participation des usagers par la mise en place de comités consultatifs, comme cela est prévu, par exemple, avec l’Institut du Monde Arabe ou comme cela va se développer avec le Vélodrome de Roubaix.

La Vice-présidente Sandrine ROUSSEAU a mis en place un programme « chercheurs – citoyens » qui commence à recueillir un écho extrêmement favorable et de grandes volontés d’engagement ; essayer de développer dans notre région une collaboration entre la recherche et les citoyens est vraiment quelque chose d’enthousiasmant.

Enfin, et pour tenir compte des remarques qui ont été effectuées en commission, nous allons mettre en place une évaluation participative es politiques publiques et, nous-mêmes, nous appliquer cette dimension évaluative qui nous a été suggérée en commission.

Je ne voudrais pas terminer ce propos sans signaler le partenariat que nous avons eu depuis l’origine avec le CESER. Considérez que nous allons poursuivre ce partenariat et ce travail avec le CESER qui sera déployé.

Ce qui est à retenir, pour conclure, la démocratie participative, c’est pour tout le monde. Nous souhaitons que toutes les catégories sociales puissent s’y impliquer et éviter de nous enfermer dans les logiques de public.

Nous avons conscience qu’il faut mobiliser conjointement toutes les parties prenantes et créer une forme de continuité entre ce qui relève de la démocratie représentative politique et le travail que nous faisons les uns et les autres en tant qu’élus, ce qui relève de la démocratie sociale et du dialogue que nous allons avoir avec les organisations et, enfin, ce qui relève de la participation citoyenne.

Enfin, il nous semble important de bien considérer que nous avons à articuler des logiques ascendantes et descendantes. Il nous est plus facile de proposer des offres de participation que, parfois, d’être à l’écoute des demandes des citoyens qui ne rentrent pas dans nos cadres préétablis.

Enfin, nous voulons mobiliser et valoriser tous les savoirs d’usage et développer la « capacitation » citoyenne.

Quelle est la suite derrière cette délibération cadre qui va être soumise à votre appréciation ?

De façon immédiate, nous allons, suite à la démarche de coproduction, retourner vers les acteurs des territoires pour que chacun puisse s’approprier les orientations régionales, mais, surtout, travailler sur les dispositifs qui la constituent et qui les concernent.

Nous avons un travail de coproduction à faire sur la Charte de haute qualité démocratique.

Nous avons aussi à organiser la contribution de tous à la plateforme de ressources et d’appui et, enfin, à produire un dispositif d’évaluation de cette politique.

Chers collègues, je vous remercie de cette écoute et c’est avec plaisir que j’entendrai vos remarques. Cette délibération cadre étant posée, il nous restera énormément de chantiers à engager de façon opérationnelle. »

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