Pour une nouvelle politique face à la révolution du vieillissement
de Serge Guérin, le 18 mai 2012
La campagne présidentielle a laissé peu de place aux enjeux liés à la révolution du vieillissement. Alors que la présidence Sarkozy restera marquée par l’échec de l’instauration d’une protection sociale de la perte d’autonomie, contrairement à son engagement de 2007, inventer une politique novatrice est un enjeu central pour une société de la coopération et du progrès social, où jeunes, moins jeunes et vieux puissent vivre durablement bien ensemble.
Sur fond de repli communautaire, d’aucun parlent, voire fantasment, sur une guerre des générations : la ville serait bientôt à feu et à sang… Les usines, les ateliers, les bureaux ne seraient que des champs de bataille rangée entre les jeunes et les seniors… Or, ce que nous voyons ce n’est pas une guerre des générations mais bien des faits sociaux, des faits minuscules qui pollenisent d’un suc solidaire le quotidien de millions de personnes. Pensons à l’association Lire Faire Lire qui anime un réseau de 15 000 retraités investis pour soutenir les enfants dans l’accès et le plaisir de la lecture ; aux Blouses Roses où étudiants comme retraités, interviennent dans les hôpitaux ou les maisons de retraite pour rendre la vie plus gaie aux personnes en résidence ; aux bénévoles des petits frères des Pauvres qui accompagnent les personnes âgées isolés et vivant dans la précarité ; aux 4 millions d’aidants informels, dont l’âge moyen est de 64 ans, qui fournissent un appui essentiel aux personnes fragilisées par les maladies chroniques ou la perte d’autonomie dû à l’âge…
Il est urgent que l’Etat et les collectivités territoriales valorisent les démarches de solidarité entre toutes les générations. Il est temps d’inventer des politiques publiques actives : instauration d’un tarif intergénérationnel lorsqu’un senior et un moins de 18 ans, souhaitent aller ensemble dans des lieux culturels et de loisirs ; création d’un Fonds d’initiatives intergénérationnelles destiné à soutenir les innovations sociales ou technologiques favorisant la coopération entre les générations ; soutien aux projets pédagogiques centrés sur la rencontre des âges et sur la découverte de l’autre …
Face à la crise de l’emploi des seniors, il faut innover, par exemple en permettant aux seniors de s’investir dans leurs dernières années de carrière dans le soutien à une association. Une partie de leur salaire serait payé par l’entreprise, le restant et les charges sociales prises par l’Etat, voire les collectivités territoriales. En contrepartie, ils s’engageraient à rester bénévoles durant les trois premières années de leur retraite. Ils vivraient ainsi un tuilage progressif vers la retraite et renforceraient leur rôle d’acteurs de la transmission intergénérationnelle.
Le secteur associatif, notamment grâce à l’implication des seniors, assure, pour une large part, le lien social et les solidarités de proximité, il est logique de le soutenir plus activement.
Enfin, il paraît impératif de reconnaitre le rôle crucial dans l’accompagnement des plus fragiles et dans la politique de santé publique des aidant(e)s bénévoles et professionnels, de tout âge. Cela implique la création d’un statut de l’aidant bénévole ouvrant à des formations (car on ne soutien pas une personne fragile sans un minimum de connaissance) et à des aides financières. Il doit s’inscrire dans la perspective d’élargir la protection sociale à l’accompagnement de la perte d’autonomie. Un élargissement dont la logique sociale et économique est de reposer prioritairement sur des politiques actives de prévention à tous les âges de la vie.