Plénière du 26 février 2015 : discours de politique générale de Sylvie Errard

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Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,

 Nous sommes Charlie. C’est ce qui est inscrit au fronton de la Région. Quelle signification mettons-nous dans ce message ?

Nous le voyons partout, nous l’entendons partout mais c’est quoi « être Charlie » pour la Basse Normandie ?

Cantonner Charlie dans le droit au blasphème, c’est le caricaturer.

Ce que Charlie défend ce sont les valeurs de la République : liberté, égalité, fraternité. Et Charlie ne manque pas de matière.

Liberté : au nom de la liberté d’expression, le 11 janvier a eu lieu un grand rassemblement et la France a eu le soutien de nombreux pays et de l’Europe. Cette même Europe qui aujourd’hui rejette le vote du peuple grec et piétine donc sa liberté de choix et d’expression ; cette même Europe qui est passée outre le vote du peuple français en 2005 sur le traité constitutionnel.

Comment parler de liberté d’expression quand des institutions s’arrogent le droit de décider de ce qui est un bon vote.

Egalité : chaque jour nous pouvons constater qu’elle est de moins en moins présente dans notre pays. Les femmes sont bien placées pour le savoir, notamment en politique où le quantitatif est un bel alibi.

Nous ne sommes pas égaux en termes d’accès au travail, à la culture, au logement, à la santé, et la liste est longue. L’égalité est reniée davantage chaque jour, elle est laminée par cet alibi sournois qu’on appelle l’équité et qui sert surtout à opposer des populations les unes aux autres, des territoires les uns aux autres, des structures les unes aux autres.

Fraternité : le 11 janvier les français se sont montrés solidaires des victimes des attentats du début du mois et nous ne pouvons qu’en être fiers. Mais au nom de la solidarité, nous pourrions descendre dans la rue quand les médias égrènent le nombre de morts dans la rue par le froid, le manque de soins, la malnutrition, nous pourrions descendre dans la rue quand les médias relaient les chiffres du chômage, ou quand ils annoncent la fin de la trêve hivernale et le reprise des expulsions.

En fait, le seul constat que nous puissions faire, c’est que la liberté et l’égalité sont tellement foulées aux pieds, qu’au nom de la solidarité, comme nous l’avons fait le 11 janvier, nous devrions être sans cesse dans la rue.

Au-delà de ces 3 valeurs, Charlie en défend une quatrième, une valeur fondamentale, la valeur qui fait la spécificité de notre République : la laïcité

Je ne reviendrai pas sur la critique de la volonté des religions à vouloir dominer les peuples en s’appropriant la sphère publique, sur la démonstration du danger de l’intégrisme et sur l’importance du droit au blasphème qui est l’essence même de la reconnaissance de la séparation des Eglises et de l’Etat.

Je veux parler d’une religion contre laquelle la laïcité doit se protéger, qui s’impose de plus en plus violemment à tous. La religion qui veut que tout un chacun s’incline et se prosterne devant son idole, celle qui impose ses croyances aux dirigeants du monde du monde entier avec de plus en plus d’audace. Je parle bien sûr de la religion du profit et de l’intégrisme qu’elle a engendré qui est la concentration des profits.

Au nom du profit l’être humain est négligé, oublié, voire nié. Au nom du profit le salarié est une charge, le demandeur d’emploi un parasite. Au nom du profit l’environnement est un frein au développement. Au nom du profit, seule la rémunération du capital a un sens. Au nom du profit diminuer de 10% le revenu des salariés en les obligeant à travailler plus longtemps semble être une évidence et va prochainement être une loi.

Alors, soyons Charlie, menons une politique régionale à l’aune de ces valeurs fondatrices de la République et passons toutes nos décisions au filtre du respect et de la valorisation de l’humain.

Nombre de nos politiques sont inscrites dans cette approche, je ne les citerai pas toutes je retiendrai seulement quelques exemples.

Les Emplois tremplin, nous le verrons tout à l’heure ont été une réussite ; en les ouvrant à un large public, ils ont vraiment permis un recrutement adapté aux besoins des structures sans privilégier une population plus qu’une autre. De même pour le dispositif « une formation, un emploi » qui apporte une réponse ciblée aux entreprises et permet aux salariés de se former et ainsi sécuriser leur parcours professionnel.

Au niveau agricole, notre politique de soutien au développement des circuits courts, à l’agriculture périurbaine et au maintien du nombre d’exploitations met également l’humain au centre de nos choix. De même, au moment où l’entreprise A.I.M. connaît les difficultés que nous avons évoquées, nous soutiendrons aux côtés des éleveurs et des salariés l’organisation d’une filière porcine de qualité.

En termes de soutien aux entreprises dans le cadre de notre politique de développement économique, l’éco-conditionnalité a été une belle avancée mais elle peut encore être améliorée si nous relisons nos conditions par le prisme des valeurs que j’ai rappelées.

Bien sûr je finirai par la politique qui me tient le plus à cœur, l’économie sociale et solidaire. Dans cette économie, l’humain est primordial, l’égalité et la solidarité sont des fondamentaux mais c’est aussi une économie inscrite dans son territoire qui rend des services à la population qu’aucune autre structure ou institution n’apporte. Dans notre Région constituée d’un réseau de petites villes et de zones rurales, le maillage associatif est un élément clef du maintien des populations. Encore faut-il que les associations aient les subsides qui leur sont nécessaires et qu’elles ne soient pas contraintes à la concurrence entre elles. L’économie sociale et solidaire c’est aussi aussi des entreprises, notamment les SCOP, qui ne recherchent pas le profit mais la réalisation de bénéfices qui sont avant tout utilisés au service de l’entreprise et de ses salariés. C’est la synergie de leurs forces internes qui favorise leur développement. Ce sont les salariés qui sont attachés à leur territoire, qui font que l’entreprise reste. Parfois je me pose la question : « si ce n’était pas une SCOP, l’ACOME serait-elle encore à Mortain ? ».

Mais je sais aussi que les dirigeants de PME sont nombreux à être attachés à notre Région et n’imaginent pas la quitter, sont nombreux à respecter leurs salariés et à ne pas les considérer comme des variables d’ajustement.

Alors, Monsieur le Président,

C’est en renforçant les critères de protection de l’environnement et du respect de l’humain,

C’est en renforçant le soutien que nous apportons à toutes ces associations, ces entreprises qui font partie sincèrement de l’économie sociale et solidaire, à ces PME,

C’est en renforçant l’aide au maintien des exploitations agricoles en nombre,

C’est en renforçant l’offre de formation qui favorise la montée en compétences et l’épanouissement professionnel,

C’est en renforçant la facilitation de l’accès à la culture pour tous,

à condition que les calculatrices restent des outils de gestion au service de la politique et qu’elles ne dictent pas les orientations politiques

Que nous pouvons et, je le souhaite, que nous pourrons dire au nom de la future Normandie : « Nous sommes Charlie ».

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