Plénière du 24 avril : discours de Clara Osadtchy

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Monsieur le Président, chers collègues
Tout d’abord, permettez-moi de revenir sur un évènement qui s’est déroulé il y a deux semaines dans notre région.
Les 09 et 10 avril se tenait en effet à Cherbourg la 3ème convention internationale sur les énergies marines renouvelables. Elle a réuni plus de 3500 personnes et 300 exposants de tout horizon ; 800 rendez-vous y ont été organisés, 30 conférences s’y sont tenues… Ce fut un succès remarquable pour notre région, son image économique, un succès pour les EMR et leur avenir. Sur ce sujet aussi, la Normandie accueille le monde !
Nous écologistes, nous bas-normands, nous félicitons de cet engouement économique et industriel. D’abord car il est le premier pas pour rendre possible la sortie du nucléaire de notre pays. Mais aussi car il va contribuer à sortir de la dépendance économique de notre région et plus particulièrement du nord Cotentin à l’énergie nucléaire. Cette opportunité s’inscrit pleinement dans ce que Jeremy Rifkin, économiste et essayiste américain qui donnera une conférence à Saint-Lô demain, appelle la troisième révolution industrielle. Le passage aux énergies renouvelables en constitue le troisième pilier.
Ainsi, les EMR ont le vent en poupe, d’autant plus que la stratégie employée est intéressante. Ici, les collectivités ont réussi à mettre ensemble PME, grands groupes, industriels, associations, collectivités de tout bord pour structurer une filière en amont et en aval. Et cela marche !  
Enfin, nous avons su également convaincre la population d’un territoire sur l’intérêt de se lancer dans la course aux EMR. Oui, l’adhésion des habitants et acteurs locaux est essentielle. Le débat public organisé par la Commission nationale du débat public a été à ce titre un temps fort très important.
Un autre débat public qui commence est bien sûr celui lié aux annonces concernant une future réforme des régions de France.
De plus en plus, je pensais que je ne verrais pas dans ma vie politique de grand changement dans l’organisation territoriale de mon pays. Moi qui suis née avec la décentralisation, je remarquais la latence entre des discours et intentions et l’absence d’initiative qui marquerait le franchissement d’un nouveau cap.
Depuis 20 ans, la gauche comme la droite commandent des rapports jamais suivis d’effets, tout en dénonçant le mille feuille territorial, mais chacun refusant que ce soit sa feuille qui soit supprimée. Vaste schizophrénie ! Ce débat, ouvert en permanence depuis trop longtemps, doit être mené avec la perspective d’un nouvel acte territorial fort, la refondation territoriale clôturant 30 ans de chantier décentralisateur.
Gageons que ce gouvernement y parvienne.
Nous, écologistes, prendrons notre part dans le débat sur des positions claires dont j’exposerai ici quelques aspects.
Pour commencer, aborder la question du “nombre” de régions est une vision descendante que nous devons évacuer. La réforme n’aura aucun intérêt si elle aborde la seule question du redécoupage des régions.
Ce qui nous importe c’est comment renforcer les régions en tant que territoires pertinents et efficaces pour les politiques économiques, de formation, d’aménagement du territoire, de développement, de transition énergétique, de mobilité, etc.
Et lorsqu’on dit que les régions doivent pouvoir devenir plus fortes, nous ne parlons pas de régions capables d’écraser le voisin et de rentrer en compétition avec les autres régions européennes. Des régions plus fortes, ce sont des régions qui travaillent en coopération inter et intrarégionales et nouent des solidarités avec les autres territoires européens. Mais aussi qui deviendront des interlocuteurs de plus en plus incontournables auprès de l’Europe pour une meilleure prise en compte des particularités locales et pour une vraie Europe des régions.
Ensuite, la réforme des collectivités ne doit pas être une réforme d’austérité. Annoncée dans un contexte de chasse aux dépenses publiques, elle permettra à terme de faire des économies de fonctionnement mais la réforme doit surtout viser l’efficacité de l’action régionale, la cohérence sur un territoire et une plus grande lisibilité pour les citoyens, les acteurs économiques et associatifs.
Le regroupement territorial ne doit pas être l’otage des économies de fonctionnement. Ces économies, nous les faisons déjà en Basse-Normandie, par exemple avec le plan de rénovation thermique des lycées qui doit être poursuivi !
Le projet de loi rendu public hier clarifie la compétence exclusive du développement économique aux régions, de même que les transports : or de tels enjeux nécessitent que des moyens importants y soient adossés. Car rappelons-le : les collectivités territoriales réalisent près de 70 % de l’investissement public ! Aussi, les régions doivent donc surtout gagner en moyens financiers avec une autonomie fiscale renforcée mais aussi des moyens d’actions plus efficaces et diversifiés.
Justement, le projet de loi de clarification des compétences prévoit notamment l’attribution d’un pouvoir règlementaire aux conseil régionaux. Ce pouvoir d’adaptation des textes pour les compétences régionales est important pour renforcer les politiques publiques. Alors que plusieurs Länder allemands sont plus petits que nos départements, le pouvoir réglementaire des collectivités locales en France est en effet bien moins étendu que celui de leur homologues européens.
Bref, la réforme ne doit pas être uniquement cartographique. Le sujet est d’abord le projet de territoire commun, global, cohérent et surtout inédit qui ne fera pas de nos régions uniquement de grandes agences de développement mais qui en fera un territoire répondant aux besoins des habitants. La région doit pour cela devenir une collectivité de référence dans les territoires. En gagnant en compétences, elle doit avoir une responsabilité complète par secteur thématique.
De plus, nous sommes très réservés sur l’annonce de la suppression de la clause générale de compétences, en l’état du fonctionnement des collectivités régionales, qui pourrait mettre en difficulté des pans entiers de l’action publique et en particulier le soutien au secteur associatif.
Un mot enfin sur le découpage régional. Nous entendons tous que la Normandie est citée comme l’exemple du mariage arrangé qu’il faut mener au plus vite. Le fait est que nous sommes les seules régions à partager un nom de façon aussi explicite. Pourtant, ce n’est pas si simple.
Si nous sommes favorables à une fusion des régions Haute et Basse-Normandie, le terme de réunification ne doit pas nous enfermer dans une analyse historique qui ne serait pas suffisante.
Ainsi, nous souhaitons bien sûr porter un projet régional avec les territoires qui nous paraissent pertinents : en premier lieu avec la Haute-Normandie, avec laquelle nous avons de nombreuses coopérations. Je voudrais au passage saluer votre initiative, Monsieur le Président et celle du président de la région Haute-Normandie pour avoir rappelé il y a quelques jours la nécessité d’un unique aéroport inter-régional. Nous l’avons entendu ce matin dans les différentes interventions : l’approche régionale sait dépasser les seuls intérêts économiques locaux…
Mais plus largement, pourquoi ne pas porter le débat sur un élargissement de la démarche en proposant un travail avec les départements limitrophes ?
Car dans le choix des frontières, nous ne pouvons pas non plus penser le regroupement uniquement sur la base de considérations de développement économique. Est-ce plus important de mesurer le flux quotidien de déplacements entre deux départements que l’unité culturelle et surtout la capacité d’un territoire à faire ressentir aux citoyens qu’ils font partie d’une communauté ?
La Normandie existe, quoi qu’en disent les statistiques sur les déplacements quotidiens ou les relations économiques. L’Histoire ne peut prévaloir, mais nous ne pouvons oublier l’histoire.
La création d’une grande région ne doit pas limiter les coopérations qui doivent continuer d’exister avec elles mais au contraire les renforcer. La situation de la capitale peut d’ailleurs se penser en lien avec cela.
Enfin, une nouvelle carte de France des régions ne se décide pas seul. Nous serons particulièrement vigilants à la place de la concertation et de la dimension démocratique d’un tel processus. Et à l’instar de celui sur les EMR, un débat public du type de ceux organisés par la Commission nationale du débat public trouverait toute sa place pour poser le débat ailleurs que dans les médias, c’est-à-dire dans les territoires et auprès de la population.

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