Plénière du 20 septembre 2012 : intervention de politique générale de Clara Osadtchy
Monsieur le Président,
Chers collègues,
Samedi dernier se clôturait à Paris la première Conférence environnementale lancée par le Président de la République, premier temps d’un travail de concertation qui se fera sur plusieurs années.
Nous l’avons dit dans la presse ce week-end, nous sommes globalement satisfaits des annonces qui y ont été faites, de ce qu’il s’y est passé et de tout ce que cela promet.
Nous pouvons parler de succès dans le sens où le Président de la République et le Premier ministre ont tous les deux fait le constat que les crises environnementales, sociales et économiques étaient intimement liées, voire qu’elles étaient les conséquences des même causes.
Ils ont appelé à un changement profond dans l’appréhension des problèmes et la définition des réponses. C’est l’annonce du souhait d’une méthode inédite au sommet de l’Etat et d’un changement profond dans l‘approche politique, plus globale, plus durable, moins dogmatique, dont nous devrons mesurer les effets durant le mandat. Ce rendez-vous a signé le départ d’un changement de pensée pour une partie de la classe politique, auquel la présence des écologistes prend sa part de responsabilité.
Ces discours nous sont familiers. Ne gâchons pas notre plaisir d’entendre cela et de le dire.
C’est en effet en toute cohérence qu’il faut répondre aux enjeux. Nous ne devons pas nous contenter d’annonces de quelques mesures avant de passer à un autre sujet. Le précédent gouvernement avait cette méthode : un
pas à gauche, un pas à droite, un pas dans le vert, et au final le naturel est revenu pour persister dans le modèle productiviste et libéral qui nous a conduit dans la crise. Il a en plus brisé tous les espoirs des participants – dont la plupart étaient sincères.
Après le Grenelle, la conférence environnementale ne doit pas un être un ”coup politique” de plus. Les écologistes quels qu’ils soient ne supporteraient pas une seconde déception !
Ainsi, le gouvernement devra y aborder plus sérieusement les politiques agricole. Une étude publiée hier fait grand bruit sur la toxicité du maïs transgénique sur le rat, menée par le Pr Séralini, de l’Université de Caen. Premier dans son genre à rechercher l’occuité des OGM, c’est un apport extrêmement important pour la Recherche, qui a entraîné immédiatement des réactions des ministres concernés et au niveau européen. Le directeur de l’Institut national pour la Recherche agronomique a lui-même déclaré « si les résultats se confirmaient, il faudrait interdire les OGM dans le monde entier. »
La réponse politique à cette découverte devra être à la hauteur des enjeux sanitaires.
La fiscalité souffre également de lacunes dans les annonces de la Conférence environnementale et nous concerne directement, nous collectivités locales.
En période de besoins d’économies, il faut également vraiment approfondir la question de limitation des financements publics néfastes à l’environnement et donc le ciblage et l’efficacité de l’action publique.
Mais notre déception compte peu par rapport aux enjeux. Aujourd’hui nous sommes dans une société qui détruit des emplois et qui peine à en créer suffisamment, car le changement de braquet sur le modèle économique s’amorce avec difficulté et doit se penser dans un monde sans croissance économique.
Ne pas se préparer à changer de modèle économique risque en effet de nous conduire au mieux vers une inutilité croissante des politiques économiques, au pire vers une aggravation de la situation.
Alors que nous avons – de nouveau – franchi la barre symbolique des 3 millions de chômeurs dans notre pays, nous ne pouvons nous contenter d’essayer d’éteindre le feu avec une petite cuillère.
Quelques mots sur le lien entre l’emploi et l’économie, en particulier en Basse-Normandie.
Au cœur de la politique économique, il y a la politique de l’emploi. Allons même plus loin : non seulement la politique économique est une politique de l’emploi mais la politique de développement territorial l’est aussi.
Ainsi, que ce soit à propos de Plysorol, Honeywell, ou les autres entreprises dont nous exprimons notre soutien aux salariés, la question à poser est celle du lien avec le territoire et la responsabilité qu’ont ces entreprises à ne pas faire table rase des compétences et des aides publiques le jour où elles mettent la clef sous la porte.
Ainsi, plus que d’un redressement productif, c’est d’une nouvelle politique économique régionale dont nous avons besoin, reposant sur l’anticipation des mutations à venir qui devraient encore fermer des entreprises et mettre en péril les compétences de notre territoire. C’est le role de la Région d’engager plus en avant cette réflexion.
Anticiper, c’est dès aujourd’hui promouvoir d’autres formes d’économies locales, reposant à la fois sur de nouveaux besoins et une nouvelle manière de créer, gérer et financer les entreprises.
Les nouveaux besoins sont ceux des habitants : liens de solidarité, innovation sociale et réponses aux besoins vitaux : santé, mobilité, culture, l’alimentation, etc.
Puis, il faut sortir le financement de l’économie d’une dépendance aux marchés financiers ; nous devons trouver de nouvelles modalités de financement, plus durables, plus solidaires. En ce sens, la place des régions dans la future Banque Publique d’investissement est essentielle.
Toute aide devra évidemment être conditionnée, notamment par des critères garantissant la pérennité de l’implantation des entreprises sur le territoire, leur contribution à la transition écologique et au respect de critères sociaux exigeants.
Ensuite, nous avons à accompagner la pluralité des économies en renforçant notamment l’économie sociale et solidaire.
Ce modèle économique régional peut s’appuyer sur un objet concret – c’est une chance – le développement des Énergies Renouvelables dans lesquelles notre région s’investit. C’est une chance car nous pouvons créer et soutenir tout l’environnement économique autour de cet enjeu : la filière de formation (citer Yanic),le financement, le soutien, le tissage du réseau de PME, et plus largement les opportunités de développement économique du SRCAE sur les économies d’énergie, le développement d’une filière dans le domaine du bâtiment etc.
Et la feuille de route de la Conférence environnementale qui nous demande de relier l’environnement et l’économie devrait permettre aussi d’éviter des projets comme le centre d’enfouissement de GDE à Nonant le Pin.
Enfin, l’économie, c’est aussi la révision de la PAC actuellement en cours et qui crée en Europe et dans notre région un débat sur l’avenir de l’agriculture européenne. François DUFOUR s’y investi tout particulièrement, ici, et avec nos collègues européens.
L’enjeu pour une région comme la notre est colossal et ne doit pas être délié de la question économique. L’agriculture c’est des emplois en Basse-Normandie, autant d’emplois à sauver et peut-être presque autant à créer dans le long terme si nous souhaitons – et si la PAC nous le permet – la re-agricolisation de nos territoires.
L’autre richesse de notre région c’est l’énergie, et pas celle que l’on croit car il y a bien facettes de l’énergie en Basse-Normandie : celle du passée que l’on subit et celle du futur que l’on construit.
Celle du passé, c’est le nucléaire. Rappelons qu’une ligne THT est construite à la hâte dans la Manche pour un réacteur nucléaire imposé dont l’avenir n’est pas certain.
Cette ligne THT ne se construit pas dans la concertation, c’est le moins que l’on puisse dire. Quand l’enquête publique donne un avis réservé et que plusieurs dizaines de communes, des collectifs de citoyens et même notre Assemblée s’y oppose ou émet des réserves : elle est autorisé, construite y compris si entre-temps son fait générateur – l’EPR – est suspendu.
Il est ainsi toujours agaçant de constater que le nucléaire bénéfice dans notre pays d’une présomption d’intérêt public et une présomption de légitimité plus grande que les autres sources d’énergie. Celles-ci ayant d’ailleurs à faire leurs preuves tout à la fois de leur utilité, de leur efficacité et de leur innocuité sur tous les plans.
Quand le Schéma Régional Eolien – jugé trop faible par cette assemblée – est mis au débat, il reçoit comme arguments les questions dont nous avons jamais eu la réponse à propos du nucléaire. On parle de risque d’accident, de problème de gestion des déchets, d’impacts sur la santé, de désastre paysager.
J’assume. Oui, j’oppose l’une à l’autre.
Parce que nous pensons nous que l’étiquette Région la plus nucléarisée de France ne peut pas être effacée par le fait que l’on puisse devenir un jour une région en pointe dans les EMR par exemple ; parce que nous ne pouvons pas faire le renouvelable, le scénario négawatt, l’autonomie énergétique et le nucléaire. Il y a un choix à faire. Il y a un passé qu’il faut solder, un droit d’inventaire sur le nucléaire à mener.
Le débat sur la transition énergétique devrait donc se tenir au premier semestre 2012. C’est le rendez-vous que nous demandions depuis très longtemps. Je pense qu’il devra être riche dans notre région et j’espère que tous les acteurs y participeront sincèrement. Nous avons nous écologistes annoncés en Basse-Normandie que nous y prendrons toute notre part.