Plénière des 26 et 27 juin 2014 : intervention de Clara Osadtchy
L’actualité régionale et nationale ne manque pas ces dernières semaines pour nourrir notre débat de politique générale de ce matin.
L’actualité nationale, qui va nous toucher très bientôt, est celle de réformes qui visent à faire perdre un petit peu de pouvoir à l’État d’un côté, et à lui en donner plus de l’autre. Cette allusion peu claire qui concerne la réforme territoriale et la loi de transition énergétique sera développée dans la suite de mon propos.
Vous le savez, nos régions sont à l’aube d’un bouleversement considérable. Les écologistes des deux régions se félicitent de la proposition de la fusion des Normandie(s).
Nous l’avons dit ici, la méthode employée pour lancer cette réforme a été contestable et a tout simplement ignoré les dynamiques des territoires et les revendications de rapprochements qui semblaient aller de soi. Je ne parle même pas de l’étonnante proposition de mégarégions protéiformes, comme celle devant fusionner le Poitou-Charentes, le Limousin et le Centre, dont le sens échappe à ce jour à presque tout le monde !
Et pourtant, il était grand temps de réformer un modèle territorial qui fatigue et qui se détraque. La Vème République est à bout de souffle. Pour nous, dire oui à une décentralisation ambitieuse, c’est faire un premier pas vers une VIème République plus parlementaire, plus démocratique, plus citoyenne.
Car pour les écologistes, le changement se fait pour les gens, avec eux et non contre eux. Il y a à peine un mois, les résultats des élections européennes ont rejoué le drame politique français dont l’évidence était sortie des urnes municipales quelques semaines auparavant. Tout un monde politique se meurt sous nos yeux. Une République, des partis, leurs élus. Cette ascension des idéologies inégalitaires ne doit rien à la fatalité mais tout aux politiques qui n’ont cessé de lui faire la courte échelle.
C’est pourquoi la première menace qui plane sur la réforme territoriale est celle de l’indifférence populaire. Mais si au travers d’elle, nous réinventions la politique, en lui redonnant crédit et efficacité, en sortant de nos certitudes confortables ?
Il revient à ceux qui portent l’ambition de cette réforme d’apporter la démonstration par la preuve que son objectif est de (re)donner la capacité aux citoyens d’être acteurs et actrices de l’avenir de leur territoire. Les écologistes soutiendront la plus ambitieuse décentralisation avec un objectif prioritaire : réinventer la démocratie, tirer profit d’une articulation nouvelle et créative entre la démocratie représentative et la démocratie participative, réinscrire les politiques publiques dans la proximité, promouvoir l’égalité des territoires. Par exemple, développer les outils de participation tels que les conseils de développement, les budgets participatifs, les référendums locaux, afin que les élus puissent s’appuyer sur les compétences et les dynamismes du territoire.
C’est ce qui doit selon nous primer dans cette réforme territoriale. Elle ne peut être d’abord une réforme gouvernée par des impératifs budgétaires. Comment prétendre faire de la proximité et de l’égalité des territoires avec la concurrence ou encore les économies d’échelles comme leitmotiv politique ?
Nous parlons donc d’une seule Normandie, la Normandie. Les écologistes normands sont prêts et motivés, Monsieur le Président, pour se lancer dans l’aventure, préparer l’avenir pour une région solidaire, résiliente, favorisant des filières économiques durables car non délocalisables, à l’instar du chantier ouvert par la transition énergétique et les EMR.
Enfin, nous voulons réaffirmer, au travers de cette réforme territoriale, l’importance de renforcer les moyens de nos régions, qui se voient affectées de nouvelles responsabilités, par une fiscalité propre.
Nous en sommes convaincus : à côté des régions, des intercommunalités portées à la dimension des « bassins de vie », élues au suffrage universel direct, peuvent être les piliers de l’action publique de proximité, parce que dotées de compétences renforcées. Et lorsque nous avons dit tout cela, ce qui paraissait lointain et technocratique devient humain et cohérent et nous renouons avec un discours politique lisible et palpable.
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Vous l’avez évoqué, monsieur le Président, l’autre dossier qui continue de faire l’actualité en ce moment est la loi sur la transition énergétique, qui doit permettre de renforcer les politiques régionales ambitieuses que nous portons en particulier en Basse-Normandie.
Présenté mercredi dernier par la ministre en charge de l’écologie, le texte du projet de loi prévoit des avancées notables sur l’efficacité énergétique des bâtiments ou la place des collectivités territoriales dans le système énergétique.
En revanche, quelle faiblesse par certains aspects ! Quel manque d’élan ! Alors que les régions pilotent le SRCAE, que la Basse-Normandie a voté il y a moins d’un an, le projet de loi évacue le service public régional de l’efficacité énergétique qui était pourtant la seule option concrète pour créer un guichet unique offrant une large palette de services, allant du diagnostic initial jusqu’au financement.
Et alors qu’ici, la centrale nucléaire de Flamanville est à l’arrêt pour problème technique sur l’une des deux unités de production, le projet de loi fait l’impasse d’une revendication essentielle car structurante de la transition énergétique : la limitation à 40 ans de la durée de fonctionnement des réacteurs nucléaires et la mise en place d’un mécanisme permettant à l’État de décider de la fermeture de réacteurs pour des raisons de pilotage du mix énergétique.
Alors qu’il pourrait se redonner plus de pouvoir avec cette loi, nous serons vigilants à ce que l’Etat ne laisse pas à EDF les clés de la politique énergétique. Nous ne sommes pas encore au rdv d’un nouveau modèle énergétique français. Les parlementaires écologistes participeront activement au débat pour redonner l’ambition et le souffle à un enjeu national et international. Car non, le changement climatique et la finitude des ressources fossiles ne connaissent pas de frontières.
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Il y en a d’autres qui connaissent en revanche de multiples frontières que l’action publique tente d’effacer. Je veux parler de ces centaines d’espèces animales et végétales, limitées dans leurs déplacements et leurs migrations par l’urbanisation et la fragmentation de nos territoires. C’est l’une des premières causes de disparition des espèces dans le monde. Tous les 7 ans en France, l’équivalent de la surface d’un département passe sous le béton. Question de survie pour la biodiversité, mais aussi pour les hommes et les femmes, dont la quasi totalité des activités dépend du vivant.
Ainsi, nous nous félicitons de la présentation aujourd’hui du SRCE, qui va contribuer à restaurer la trame verte et bleue. Petit souvenir personnel : je participais en 2006 aux tables rondes du Grenelle environnement au titre des associations. L’idée d’une trame verte suscitait des sueurs froides chez les promoteurs du développement à tout prix. Pour eux, la nature s’adaptait par essence aux tribulations humaines. Vous comprendrez que je suis particulièrement heureuse de voter aujourd’hui ce schéma, qui devra être pris en compte dans les documents d’aménagement et de planification, et que la région a élaboré avec beaucoup de soin, beaucoup de concertation et je crois beaucoup d’espoir de changement.