« Le problème n’est pas le rapport DURON, mais l’absence d’engagement sérieux de l’Etat »
La « commission DURON » a remis mardi à Alain VIDALIES, secrétaire d’État chargé des transports son rapport sur l’avenir des Trains d’équilibre du territoire (TET).
Le rapport le dit clairement : les trains du quotidien – et leurs usagers – paient aujourd’hui le prix du tout-TGV : un sous-investissement désastreux dans les trains Intercités, tant sur le matériel roulant que sur les infrastructures, et une situation qui se dégrade depuis des années : retards, incidents, annulations ou suppressions de trains, entraînant ensuite une baisse logique de la fréquentation… Et, pour les usagers dont on fermerait les lignes au prétexte de la situation dégradée, une double peine intolérable.
Il est faux de dire que les trains d’équilibre du territoire (TET) coûtent cher : le nœud du problème est, au contraire, que depuis de trop longues années, l’État et la SNCF ont refusé d’engager les moyens nécessaires au maintien de la qualité du service, et laissé se dégrader une situation devenue intenable, malgré la hausse continue du prix des billets.
Les régions de France, depuis 2004 et le transfert des trains régionaux, ont au contraire fait la preuve de leur engagement. Depuis dix ans, c’est en milliards d’euros que se chiffre cet engagement des Régions, tant sur le fonctionnement des TER – et sur le prix des abonnements – que sur l’investissement sur le matériel ou les infrastructures. Depuis dix ans, les Régions ont fait leur part, plus que leur part, du travail pour soutenir et moderniser le réseau ferroviaire de notre pays. Le problème, c’est l’absence d’engagement sérieux de l’État, tous gouvernements confondus, sur la même période. C’est ce que disent, à raison et depuis plusieurs années, les associations d’usagers aussi bien que les syndicats cheminots, attachés les uns et les autres à la qualité et à la continuité du service public.
Et c’est, hélas, là où pêche principalement le rapport DURON : en restant dans le cadre fixé par le gouvernement, dans la contrainte d’un engagement budgétaire constant de l’État, la commission DURON ne pouvait pas véritablement produire des propositions à la hauteur des enjeux et des difficultés du ferroviaire français.
Au moins le rapport appelle-t-il justement à un « engagement fort » de l’État – et de la SNCF. Car il n’y a pas de solution durable aux difficultés de notre système ferroviaire sans un engagement ferme et durable de l’État, au côté des Régions. Pas de solution non plus sans un réexamen sérieux des priorités d’investissement ferroviaire, et un renoncement aux grands projets de nouvelles lignes dévoreuses de ressources publiques précieuses. Pas de solution sans efforts sur la dette ferroviaire, essentiellement supportée par RFF, et qui plombe toute capacité de maintenir à un haut niveau de service les infrastructures ferroviaires. Aucune solution viable, enfin, n’est envisageable si, en matière de fiscalité écologique, les renoncements l’emportent toujours sur la volonté d’agir : la route et le transport aérien sont aujourd’hui subventionnés massivement par les fonds publics alors qu’ils contribuent à aggraver les pollutions et les dérèglements climatiques, il est invraisemblable qu’ils continuent d’être exonérés de tout effort pour le financement de transports durables, et notamment du ferroviaire.
Le rapport DURON, évidemment discutable voire contestable sur plusieurs points, doit permettre d’ouvrir, enfin, le débat dont notre pays a besoin, dont la Normandie a besoin. A quelques mois de la conférence de Paris sur le climat, il est urgent de bâtir ensemble, État et collectivités, une nouvelle ambition ferroviaire au service de nos territoires et de leurs habitants.
La Normandie a depuis trop longtemps souffert des sous-investissements historiques de l’Etat et de la SNCF. Il serait dès lors impensable, en matière de desserte ferroviaire, de faire demain moins qu’aujourd’hui. C’est donc sur la base, non des préconisations du rapport, mais des réponses que choisira de lui apporter le gouvernement, que nous nous prononcerons, vigilants quant à ce que ces réponses ne se traduisent par un abaissement de l’offre ferroviaire régionale.