Effets des lignes THT sur les exploitations agricoles de la Manche, François Dufour écrit à trois ministres

 Monsieur le Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire

Madame la Ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie

Madame la Ministre de l’Egalité des territoires et du Logement

 La France est traversée par 105.000 kilomètres de lignes à haute tension chargées d’acheminer l’électricité sur tout le territoire métropolitain.

Dans le département de la Manche, une ligne à Très Haute Tension part de la centrale nucléaire de Flamanville pour rejoindre le poste de Launay en Mayenne. Elle traverse ainsi des dizaines de communes et d’exploitations agricoles. Transportant du courant à 400.000 volts, cette ligne a des impacts sur son environnement et plus particulièrement sur les exploitations agricoles de production animale.

C’est pour cela qu’en 1999, à la demande des représentants du monde agricole, a été installé le Groupe Permanent sur la Sécurité Electrique (GPSE). Relancé par un nouveau protocole triennal en 2006, il a aujourd’hui pris fin bien que le GPSE suive encore des exploitations agricoles.

De ce fait, aucun nouvel éleveur actuellement en difficulté n’a pu faire appel au GPSE. Ceux-ci sont laissés sans solution et sans indemnisation d’aucune sorte.

Or, plusieurs combats juridiques récemment menées par des éleveurs rappellent que les problèmes subsistent.

Ainsi, le 6 juin 2012, le Tribunal de Grande Instance de Caen (14) a ordonné une double expertise sanitaire et électromagnétique afin de compléter la demande d’indemnisation de Monsieur Gilles HEBERT, exploitant agricole à Planquery (14), qui réclame 361 000 euros de dommages et intérêts à RTE au titre des pertes qu’il a constaté sur son exploitation.

Le 14 juin à Coutances (50), le tribunal d’instance a jugé en référé la demande d’indemnisation de Monsieur Dominique VAUPRES, exploitant à Montgothier (50) pour le déplacement intégral de son siège d’exploitation. Monsieur VAUPRES considère en effet que malgré les nombreux travaux financés sur son exploitation dans le cadre du GPSE et le versement par RTE de près 140 000 € d’indemnités pour les pertes financières subies en 2007 et 2008, la survie de celle-ci n’est plus assurée au regard des difficultés induites par la proximité de la ligne THT : problèmes sanitaires sur son troupeau (multiplication des cas de mammites, perte de jeunes animaux, dépassement du seuil de leucocytes dans le lait…). RTE n’apporte plus de solution depuis la fin du protocole GPSE sur cette exploitation le 31 décembre 2010, toutefois les problèmes demeurent. L’exploitation de Monsieur VAUPRES risque de se trouver en arrêt de collecte en raison d’un dépassement du taux de leucocytes supérieur à la réglementation entrée en vigueur au 1er janvier 2012.

Nous savons qu’il ne s’agit là de la partie visible d’une problématique malheureusement plus large, nous pouvons également citer le cas de Monsieur Thierry CHARUEL, agriculteur à Isigny-le-Buat (50). Un certain nombre d’éleveurs ne souhaitent pas aller sur le terrain judiciaire, d’autres n’ont pas établi le lien direct entre la proximité de la ligne THT et les différents problèmes qu’ils rencontrent sur leur troupeau.

Etant moi-même exploitant agricole et ayant suivi la mise en place du GPSE, je sais que la situation de ces éleveurs est très difficile : certains sont placés en liquidation judiciaire, d’autres arrêtent leur activité, quelques-uns ont mis fin à leurs jours.

La ligne THT met tout simplement en péril la survie d’exploitations agricoles. Plus largement le bassin laitier de la Manche étant l’un des premiers de France, sa déstructuration et les risques que la ligne THT fait peser seraient fortement préjudiciables à notre région.

Ainsi, je vous vous demande d’intervenir en faveur de ces éleveurs et de ceux qui sont dans une situation similaire afin qu’ils puissent bénéficier pleinement du fruit de leur travail. Il convient de prévoir des indemnisations correspondant au déplacement de tout ce qui serait nécessaire – lieux de traites, stabulations, siège d’exploitation, etc.

 Certains éleveurs mènent des combats depuis de nombreuses années avec le sentiment de ne pas être entendus. Dans un contexte économique difficile pour l’élevage, c’est bien souvent la lutte de trop à mener. Vice-Président du Conseil Régional de Basse-Normandie en charge de l’agriculture, je mesure tous les jours leur détresse.

 S’agissant des effets des lignes THT sur l’environnement et la santé, je tiens à vous rappeler que plusieurs collectivités demandent la réalisation d’études épidémiologiques avant toute construction d’une nouvelle ligne, le principe de précaution, inscrit dans la Charte de l’environnement prend ici tout son sens.

 Ainsi, le Conseil régional de Basse-Normandie, lors de son Assemblée Plénière du 24 juin 2010, a affirmé son opposition à la construction de la ligne THT Cotentin – Maine « tant que les résultats d’une étude épidémiologique complète n’auront pas été rendus publics ».

 Je vous prie d’agréer Madame la Ministre, Monsieur le Ministre l’expression de mes considérations républicaines.

Francois DUFOUR,

Vice-Président à l’Agriculture Conseil Régional de Basse-Normandie

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