Clapages en baie de seine : les élus EELV écrivent aux maires des communes concernées

Le courrier en PDF ici

Le Grand Port Maritime de Rouen (GPMR) projette d’expérimenter le clapage des sédiments de dragage sur un nouveau site en Baie de Seine, en face de Trouville-sur-Mer (Calvados).

Après une enquête publique remise en cause par plusieurs élus et accumulant les avis très réservés voire négatifs[1] les Préfets de Haute et de Basse-Normandie se sont prononcés pour l’ouverture d’une nouvelle enquête. Dans l’attente de son ouverture, nous, élus régionaux Europe Ecologie Les Verts de Haute et de Basse-Normandie souhaitons, vous faire part de nos réserves quant à ce projet.

Contexte

Le projet vise à expérimenter le clapage dans deux nouvelles zones (une zone de clapage biologique et une zone de clapage hydro-sédimentaire), en Baie de Seine, sur le site du Machu.

Ce projet est étroitement lié à celui de l’arasement du chenal de Rouen. Les boues de dragage du chenal seront (pour la partie non valorisée) en effet clapées sur le site du Kannick, soit 2.5 Milliards de mètres cubes (l’équivalent de la moitié du volume des dragages annuels), participant de fait à sa saturation et conduisant le Port à chercher d’autres sites.

Aussi, s’il est présenté comme une expérimentation, ce projet se pose comme une alternative pérenne pour l’immersion des boues de dragage annuel, en anticipation de la saturation du site actuel du Kannick, prévue pour 2014. L’immersion dans cette zone a donc vocation à devenir pérenne.

Un risque avéré de pollution

La Seine est l’un des fleuves d’Europe les plus pollués. Les polluants provenant  notamment des stations d’épuration situées en amont sont non solubles et s’accrochent aux sédiments. Toutes les techniques de dragage provoquent des rémanences. Or, ces produits sont à la fois polluants sur plusieurs milliers d’années et bio-accumulateurs.

Dès lors, l’arasement risque de se traduire par une pollution accrue de l’estuaire et de la Baie de Seine. En effet, dans le cadre du clapage en Baie de Seine, même si les niveaux atteints sont en-deçà des niveaux seuils, les effets « cocktail » et « bio-accumulateurs » des polluants contenus dans les boues font craindre pour les écosystèmes fragiles à proximité des sites (zones Natura 2000 notamment).

Déficit de réflexion sur les alternatives

Parmi les polluants contenus dans les sédiments, on trouve des PCB, molécules stables, que seule l’incinération permet d’éliminer. Le dragage / clapage ne fait donc que déplacer le problème tout en créant un risque de dispersion. La solution proposée actuellement n’étant pas satisfaisante, il devient donc urgent d’accélérer la réflexion pour des alternatives au clapage. Dans un premier temps, il convient d’analyser la possibilité de trouver de nouveaux lieux (plus au large) et des modalités (dates, fréquences…) moins dommageables.

Une justification économique insuffisante, notamment au regard des risques encourus par les professions de la pêche et du tourisme.

Le GPMR justifie l’arasement du chenal de Rouen, qui conduit le Port à trouver un nouveau site de clapage, par la nécessité d’anticiper l’évolution de la flotte (diminution du nombre d’Handysize au profit des Handymax) pour maintenir et développer son trafic.

Le GPMR table sur une augmentation du trafic, toutes filières confondues, à 33.1 millions de tonnes en 2020 contre 23.3 millions de tonnes en 2009. Ces projections sont cependant à prendre avec prudence du fait du contexte mondial et de la concurrence du projet de Canal Seine Nord Europe.

La volonté du GMPR de gagner en capacité pour gagner en parts de marché, dans un contexte dégradé, nous apparaît d’autant plus soumise à réserve que les conséquences pour les filières de la pêche et du tourisme de nos deux régions seront, elles, irréversibles et toucheront nombre d’emplois directs et indirects.

La filière pêche est déjà confrontée à l’interdiction déjà effective de la pêche et de la consommation de poissons d’eau douce sur l’Estuaire de la Seine, de quelques espèces en Baie de Seine ainsi que des coquillages, du fait des pollutions. Les risques accrus de pollution sont autant de facteurs supplémentaires de déstabilisation de toute la filière (1 000 emplois directs + emplois indirects).

De son côté, la filière du tourisme de la Côte Fleurie pâtirait de la proximité de ces pratiques. De plus, il serait peut-être tout aussi pertinent de réfléchir à d’autres modes de transport fluvial entre l’embouchure et le port de Rouen. La remontée de bateau à très fort tonnage n’étant pas forcement la solution la mieux adaptée à un fleuve.

Pour une gouvernance globale

L’étude des projets de clapage et d’arasement témoignent une nouvelle fois de la problématique de la pollution des eaux et des sols le long du cours de la Seine et son accumulation dans l’Estuaire et des risques que font courir à l’environnement, à l’économie locale et à la santé les pratiques de dragage.

C’est à un plan de gestion national que nous appelons avec dans un premier temps une réelle coopération entre les Ports de Rouen, du Havre, de Honfleur, Trouville, Caen et tous ceux qui pourraient être concernés.

Il n’existe pas de comité de suivi des dragages communs aux deux ports (Havre et Rouen). Or, depuis la mise en place du site du Kannick, on observe un doublement des sédiments au port du Havre qui sont de ce fait reclapés à Octeville, avec des boues plus vaseuses et plus dispersives.

La mise en place de cette gouvernance est une étape nécessaire à la réflexion sur l’ensemble des pratiques. L’ensemble de ces éléments nous invitent à nous positionner contre le projet d’expérimentation du clapage au Machu. C’est ce que nous exprimerons lors de la prochaine enquête publique (prévue cet été).

Dans cet esprit, nous vous invitons à questionner ce projet d’expérimentation au sein de votre conseil municipal, à délibérer à l’occasion de la prochaine enquête publique et à soutenir la demande de mise en place d’une structure de gouvernance à l’échelle de l’Estuaire et de la Baie de Seine.

Par ailleurs, nous envisageons l’organisation d’une réunion publique lors de la prochaine enquête publique, afin d’informer les citoyens des enjeux de cette expérimentation. Si vous souhaitez y participer, n’hésitez pas à nous en faire part par mail aux adresses suivantes : europeecologie.crhn@wanadoo.fr et a.astruc@crbn.fr.

Véronique Bérégovoy

Conseillère régionale Europe Ecologie – Les Verts

au conseil régional de Haute-Normandie

Clara Osadtchy

Conseillère régionale Europe Ecologie – Les Verts

au conseil régional de Basse-Normandie

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