Mimizan – 26 septembre 2014
Intervention de Peggy Kançal lors de la plénière des Assises Nationales des Territoires à Énergie Positives tenues à Mimizan.
Le déploiement des TEPOS nécessite-t-il une réorganisation territoriale ou non ?
Premièrement, la question est complexe, beaucoup d’analyses récentes sont produites sur la gouvernance énergétique (des think tank comme la Fabrique écologique, Negawatt, ou encore une étude de l’Inet portant sur la gouvernance énergétique des territoires urbains … ).
Si on regarde le terrain, les faits, dans la mise en œuvre des démarches TEPOS, il y a beaucoup de configurations, diverses, qui dépendent des contextes, des spécificités locales. Par exemple, l’insularité est déclencheur, catalyseur de dynamique (îles Canaries, Réunion, Guadeloupe et Martinique qui ont activé l’habilitation législative en matière d’énergie). Dans certains cas, une commune ou communauté de communes se lancent, comme Montdidier ou le Mené, avant même une politique structurée départementale ou régionale, alors que dans d’autres cas (Aquitaine, Rhône Alpes, Bourgogne), le lancement d’un AMI régional TEPOS a permis de susciter, de faire émerger et d’accompagner des démarches portées par des intercommunalités rurales, dans un cadre co construit avec le CLER et l’ADEME. On voit bien qu’il n’y a pas de modèle unique.
Si l’on regarde donc ce qui se fait actuellement en régions – je parle de ce que je connais finalement sans spéculer sur la future organisation territoriale et les répartitions de compétences… encore floues – c’est une réelle complémentarité, un lien de confiance, une pertinence à travailler Régions/ intercommunalités sur TEPOS
- Côté Région, on a des outils de planification qui vont être encore renforcés, de plus en plus approfondis (SRADDT, SRCAE, SRCE… ) selon les demandes portées par l’ARF, de même que des leviers de financement de la transition énergétique (fonds européens, et fonds régionaux propres. Pour illustration en région aquitaine pour l’accompagnement de 7 territoires, on consacre 600000€/an en appui ingénierie – diagnostics et postes mutualisés – et 6,5 M€/an en investissement sur des projets, auxquels vont s’ajouter 72 M€ des fonds FEDER fléchés transition énergétique sur 2014-2020).
- Côté intercommunalités, on verra un renforcement des compétences techniques, notamment en matière de gestion des réseaux d’énergie et de montage d’outils de production EnR
- Le rôle du département, chef de file des solidarités territoriales, peut peut-être se situer sur la lutte contre la précarité énergétique. Il faut sortir des concurrences entre collectivités, la par exemple la Région peut travailler avec le Conseil général pour que les travailleurs sociaux fassent évoluer leurs métiers, leurs compétences dans ce sens là. Enfin, je dirais qu’il ne s’agit pas qu’une question d’organisation pure et simple, de répartition des compétences. Ce qui s’est joué en Aquitaine sur TEPOS, c’est surtout la volonté politique concomitante de la Région et de certains territoires, en l’occurrence des Intercommunalités rurales de partir ensemble dans de l’expérimentation énergétique, de tester de nouveaux modèles plus décentralisés, plus autonomes, permettant à la fois de reconnecter les besoins en consommation/ outils de production, de générer du développement local et surtout de bénéficier aux habitants en apportant des solutions concrètes ! La coïncidence d’envies politiques, la qualité et l’efficacité d’un partenariat entre collectivités … Ceci ne se décrète pas par la loi bien entendu ,
- La «politique du chiffre» (projet de loi TE, annonce de 200 TEPOS d’ici 2017) c’est bien, mais cela ne risque-t-il pas de gommer un peu de l’ambition initiale des TEPOS ?
Honnêtement, je suis plus que mitigée. Autant avant l’été, on pouvait se réjouir que nos initiatives régionales et locales trouvent une reconnaissance institutionnelle par la loi, autant en faisant cette annonce de 200 d’ici 2017… Est-ce qu’on ne prend pas le problème à l’envers ? 200, pourquoi pas 500, 2000… ?
Petite digression personnelle, la « politique du chiffre » pratiquée par l’État chez moi, ça suscite de très mauvaises références ou associations d’idées. Je pense à la RGPP, qui n’est pas une franche réussite, ou encore aux chiffres de reconduite aux frontières. Quand l’État veut produire du chiffres rapidement, en général, on entre dans des logiques technocratiques pas toujours heureuses ni fructueuses.
Sur TEPOS, il me semble qu’on est aux antipodes d’une vision sur les chiffres. Ici en Région, en tout cas, c’est une politique qui demande du temps de réflexion, de co construction technique et politique, de la gestion adaptée aux identités, aux histoires, aux projets mais aussi au degré de maturité des territoires sur les questions énergétiques. On ne fait pas la courses aux chiffres, je suis partisane depuis le début, d’abord de consolider nos partenariats avec les 7 territoires expérimentaux, d’assurer leur accompagnement dans la durée, de démontrer par la preuve que ça marche. Mais ça demande temps, constance, persévérance, capacité à se projeter en 2020 – 2050… Le temps nécessaire de la transition. Les élus à cote de moi à cette tribune, comme leurs dgs présentes dans la salle, sont bien placés pour savoir à quel point il faut être patients, pugnaces, déterminés dans ce pays pour faire sortir un projet innovant, dans la performance énergétique ou la production renouvelable. On le vit ensemble au quotidien.
C’est donc tout sauf de l’immédiateté et de l’opportunisme politicien.
Si TEPOS se résume à candidater à un appel à projets et à obtenir un label, un bel outil marketing, c’est effectivement pervertir le concept tel qu’il a été bâti au plan européen. C’est donner à mon avis, un mauvais message, aux élus locaux que de dire que tout ça est généralisable, exportable, réalisable en quelques mois ou années.
On ne freinera pas bien sur les nouvelles initiatives sur le territoire, mais il faut que ça se fasse en gardant la qualité, la pérennité qui étaient prônées par la charte du CLER, qui reste la référence pour nous.