Par Bernard Péré
Nous avons assisté ces derniers temps, à des manifestations qui exprimaient l’exaspération des agriculteurs face à un gouvernement menacé par l’Europe de lourdes amendes pour application insuffisante de la directive nitrates. L’administration française a produit en toute hâte une carte élargie de communes devant respecter normes et prescriptions en matière d’épandage des lisiers, fumiers et engrais azotés. La première révision de cette carte a été adoptée il y deux ans mais elle était selon l’Union Européenne (UE) insuffisante. Qui exagère ? L’UE dans ses exigences ou les agriculteurs dans leurs réactions du « foutez-nous la paix ? »
Un consensus semble se faire en Aquitaine entre organisations professionnelles et collectivités pour refuser les exigences européennes. Le Conseil régional vient d’adopter en commission permanente un avis défavorable à la nouvelle carte des zones nitrates. Seuls les écologistes se sont abstenus, pourquoi ? Il s’agit d’un grave problème : la qualité de l’eau. Un bien commun essentiel s’il en est ! Or nous pensons que ni l’UE, ni les paysans manifestants n’ont raison.
Que l’on établisse périodiquement un état de la situation par territoires est sûrement indispensable mais coté UE ce n’est pas un arsenal de règles toujours difficiles à respecter par manque de moyens et pour cause de fluctuations météorologiques qui régleront durablement la question ; coté agriculteurs réfractaires, le refus de voir la réalité n’est pas tenable non plus. Il faut aller à la source du problème c’est-à-dire, remettre en cause notre modèle agricole dominant basé sur les concentrations animales, la monoculture, les engrais et pesticides chimiques.
Pourquoi les nappes aquifères sous les grandes forêts sont-elles d’une qualité exceptionnelle quand la décomposition de la matière organique y produit de grandes quantités de nitrates ? Parce qu’il y a en permanence des arbres dont les racines recueillent et utilisent l’azote qui, sinon irait polluer les nappes.
Pourquoi en plusieurs endroits, on aide efficacement les agriculteurs à passer en bio dans les zones de captage pour l’eau de consommation ? Parce que l’agriculture biologique limite dans son cahier des charges l’apport de fertilisants azotés, qu’elle pratique l’assolement avec légumineuses et la diversité des cultures, la couverture permanente des sols. Le coût du soutien des agriculteurs en bio ou ceux respectant ces pratiques est moins onéreux que le coût de la dépollution de l’eau. Et la biodiversité est gagnante.
C’est donc bien dans cette direction qu’il faut mettre « le paquet » plutôt que d’accumuler des règles difficiles à appliquer et à contrôler et dont l’objectif n’est pas de faire évoluer le modèle agricole productiviste mais, au fond, de tenter de le sauver en bricolant un arsenal de règles.
La question pendante au choix d’une agriculture écologique est : a-t-on les moyens de se la payer ? La réponse est d’abord dans le coût de l’agriculture productiviste. Il est conséquent en coûts directs pour le contribuable de par les subventions qu’elle reçoit et les coûts indirects (pollutions, perte de biodiversité, maladies…), bien que pas vraiment chiffrés, sont énormes. Par ailleurs l’agriculture biologique et agroécologique au fur et à mesure que les agriculteurs en maîtrisent les techniques et que l’approfondissement scientifique progresse, n’a rien à envier en terme de rendement économique à l’agriculture qui utilise les intrants chimiques.
Si l’on fait les bons choix, la guerre des nitrates n’aura pas lieu.