Intervention relative au projet d’éco-quartier en zone rurale à Targon

Par Martine Alcorta – Intervention en séance plénière du 3 mars 2014.

Monsieur le Président, mes chers collègues,

Il s’agit d’un projet d’éco-quartier à la campagne. Les porteurs du projet parlent eux de quartier campagnard, car s’il s’agit bien d’un projet aux dimensions écologiques, ils y ont ajouté une autre dimension celle de l’inscription paysagère du bâti, avec des exigences architecturales qui ne créeront pas de dissonances du bâti avec l’environnement.

Ce projet est innovant à plusieurs titres :

  • Il redonne à l’habitat collectif une valeur ajoutée en milieu rural. L’habitat collectif des années 80, notamment avec les grands ensembles urbains, ont véhiculé une image négative de l’habitat collectif. S’est alors installé dans l’imaginaire collectif le rêve du pavillon individuel avec jardin. Le prix du foncier, nettement inférieur dans les territoires ruraux, a fini d’exporter le rêve dans les campagnes. On en connait aujourd’hui les conséquences : l’artificialisation des sols, le mitage du paysage et la vulnérabilité énergétique des ménages. Mais dans le contexte actuel de crise environnementale et sociale, l’isolement, l’éloignement ne font plus recette et laissent peu à peu la place à la mutualisation et la proximité. L’habitat est toujours une écriture dans le paysage des valeurs sociétales. Que faut-il donc lire dans le projet Targon ?
  • L’originalité du projet commence avec son portage. C’est une association de citoyens locaux qui porte le projet en coopération avec les services municipaux.
  • Le projet inclut plusieurs dimensions collectives, la mixité des populations puisque sur 42 logements, 9 seront des logements sociaux, 12 en location et 15 logements seront en accession à la propriété Il prévoit des espaces mutualisés, jardins potagers, partagés et un verger municipal mais aussi locaux mutualisés.
  • Il crée aussi du logement temporaire. Une « Résidence sociale » certifiée « habitat-jeunes » accueillera pendant une période transitoire (quelques jours ou quelques mois) des personnes de moins de 30 ans en situation d’apprentissage, de recherche de stage ou d’emploi, afin de les loger à proximité de leur activité. Le dispositif « Allocation Logement Temporaire » s’adresse aux ménages sans logement, en cours d’expulsion, vivant dans des taudis, des habitations insalubres, précaires ou de fortune, ou confrontées à un cumul de difficultés financières de l’insertion sociale. La mairie entend ainsi contribuer à développer une offre actuellement très insuffisante dans les campagnes de Gironde. L’identification des besoins a été évaluée avec l’URAJ, la mission locale et la CAF qui participent régulièrement au comité de pilotage.
  • Se greffe sur ce projet d’habitat un projet de territoire avec la création de deux zones d’activité, quatre hectares sur Targon destinés à accueillir 15 entreprises artisanales qui souhaitent se regrouper. Le maire fait état de demandes de la part de charpentiers, ébénistes mécanique générale, zinguerie, plomberie. Une autre zone à l’intersection de trois communes, Targon, Bellebat, Falleyras offrira 10 hectares pour une usine de broyas de serments de vignes et une unité de méthanisation.
  • Enfin, une réflexion est en cours pour installer un lieu de télétravail à proximité qui pourrait voir s’installer quelques habitants dans l’éco-quartier.
  • Il prévoit toutes les dimensions écologiques d’un bâti, énergétique, matériaux : labels « BBC Effinergie », « Ecoquartier », l’observation des principales cibles HQE (énergie grise notamment), et le respect de la charte « chantier vert ».
  • Il intègre des exigences architecturales afin que le bâti s’intègre naturellement dans l’environnement.

La Région Aquitaine a accompagné en 2012 cette commune dans le cadre de son partenariat avec l’ADEME sur les éco-quartiers afin de définir les grands principes urbain, architectural et technique de ce futur programme de « quartier campagnard durable ». Aujourd’hui, le programme entre en phase opérationnelle et il s’agit de recruter l’équipe d’architectes et de promoteurs en vue de construire le futur quartier sur les bases d’un cahier des charges précis en cours d’élaboration.

Ce projet, de mon point de vue, s’inscrit en complément de celui de la rénovation du centre bourg de la Réole. Les deux sont porteurs d’expérimentations d’habitats groupés en milieu rural. Celui de la Réole s’inscrit sur un territoire relié à la métropole bordelaise par un TER qui le met à 36 minutes de Bordeaux. Le deuxième se situe dans une couronne plus éloignée qui nous met face à un nouveau questionnement en matière d’aménagement du territoire en zone rurale. Car si la question de la mobilité reste centrale en matière d’aménagement des territoires ruraux, penser cet aménagement uniquement en termes de mobilité et de lien avec la métropole, c’est prendre le risque de réduire nos campagnes à de simples dessertes métropolitaines. Au-delà des réseaux de mobilité, Targon et son quartier campagnard posent un autre défi, ils nous parlent de l’installation en zone rurale. Il ne s’agit pas de fluidifier des déplacements mais de vivifier un tissu local. Peut-on envisager encore la campagne comme un cadre de vie alternatif à celui de la ville et à quelles conditions, dans le contexte de crise sociale et environnementale, cette vie campagnarde peut-elle prendre raisonnablement racine aujourd’hui ?

Je vous remercie.

 

Remonter