Intervention relative à la réalisation du Center Parcs Aquitaine – Lot-et-Garonne
Par Bernard Péré – Intervention en séance plénière du 16 mars 2015
Les Center Parcs sont au tourisme ce que l’élevage industriel est à l’agriculture
Chères collègues, chers collègues,
Cette délibération nous propose un engagement important dans la création d’un parc de loisirs près de Casteljaloux. Ce projet suscite bien des interrogations et nous ne pouvons ignorer l’avis rendu par le CESER qui de notre point de vue pose de bonnes questions.
Ce sont donc 35 M€ que nous allons investir avec le département de Lot-et-Garonne, plus 3 M€ pour les infrastructures extérieures et réseaux, sans compter l’argent de l’État de par la défiscalisation de l’investissement sur les futurs propriétaires des 400 cottages. On aimerait avoir les chiffres concernant cet aspect là de l’addition financière.
Nous allons mettre quelques 130 000€ par emploi promis, est-ce bien raisonnable ? Et les 210 équivalents temps plein seront-ils au rendez-vous pour notre territoire ?
Le Center Parcs est une aubaine nous dit-on, parmi les nombreuses interrogations que posent notre engagement, je vais en aborder trois :
- La formule ne toucherait-elle pas ses limites ?
- Qu’en est-il de l’impact environnemental ?
- Sommes-nous cohérents avec notre politique régionale en matière de tourisme ?
# 1. La formule ne toucherait-elle pas ses limites ?
Il est envisagé une SEM, un partenariat public/privé dont les conditions financières restent à définir. Or, a-t-on regardé de près le bilan financier de Pierre et Vacances ces dernières années ? Il existe de nombreux contentieux entre l’opérateur et les propriétaires des cottages. La rentabilité promise aux propriétaires n’est pas « garantie » sur la durée.
Les quatre dispositifs de défiscalisation successifs (le dernier sous Jérôme Cahuzac) ont permis à Pierre et Vacances de doper les prix des cottages et loyers au départ, mais difficile de les répercuter intégralement sur le prix des séjours et garantir ses marges dans la durée, d’où la baisse drastique des loyers au renouvellement (30 à 50%) et le recours à la manne des collectivités locales pour maintenir le grand écart, jusqu’à quand ?
Côme Idrac, avocat spécialisé dans ce type de contentieux, qui a eu à défendre près d’un millier de propriétaires piégés, le résume ainsi : « Dès le départ, le fond de l’opération est vicié« .
Nous pensons qu’il y a là matière à s’inquiéter de la durabilité économique du projet.
Et je renvoie à l’analyse du CESER sur le bien-fondé de la captation de fonds publics par une importante société privée dans cette affaire qui s’apparente à un détournement d’objet.
Argent public, utilité publique !
# 2. Où est la cohérence avec notre politique régionale en matière de tourisme ?
Ce projet nous semble en contradiction avec le règlement d’intervention que nous avons adopté il y a quelques mois à peine. D’autant plus qu’il est complété par l’appel à projets « structuration touristique des territoires » qui est une incitation à la responsabilisation des territoires face à cette activité importante qu’est le tourisme en Aquitaine. Il est même indiqué dans ce règlement qui se qualifie de : « partagé et innovant » qu’il se base, je le cite : « sur de nouvelles orientations en termes de développement économique et durable, avec de forts aspects sociaux et environnementaux ».
Ceux à qui nous demandons de s’organiser, de se structurer afin de proposer une offre moderne de produits touristiques risquent d’avoir du mal à comprendre que nous investissions autant d’argent dans un projet qui a une forte dominante hors-sol.
Il semble contradictoire de venir financer un tel projet alors que nous avons des exigences de qualité légitimes lorsque nous recevons un dossier venant des acteurs du tourisme aquitain.
D’autre part ce que nous prétendons faire pour Pierre et Vacances avec 35M€, pourquoi ne le ferions-nous pas dans le cadre d’un plan ambitieux de tourisme aquitain, avec et pour les acteurs du territoire, en particulier en Lot-et-Garonne, par exemple.
C’est un département dans lequel nous avons laissé se dégrader les lieux de baignades naturelles, tous fermés. Nous avons un patrimoine archéologique riche mais qui n’est pas suffisamment mis en valeur. Un plan cyclotourisme inachevé, un potentiel de structures d’accueil paysan qui n’ont rien à envier aux cottages de Pierre et Vacances et qui ne demandent qu’à être boostés.
N’avons-nous pas des productions telle que le pruneau, un prestigieux conservatoire végétal, une biodiversité qui pourraient faire l’objet d’une mise en valeur plus forte qu’elle n’est ? Un projet de flotte de 40 bateaux électriques sur le Lot capable d’intéresser des touristes du nord de l’Europe et de chez nous également, piétine parce qu’on lui refuserait 6000€ d’une étude préalable ? Sachant que ces bateaux recouverts de panneaux photovoltaïques sont capables de produire de l’électricité même à l’arrêt.
Sommes-nous condamnés dans ce département à attendre les Pierre et Vacances ou autres grande société capitalistique pour faire du tourisme et se contenter des 20 % du temps de présence que consacreraient les clients de Pierre et Vacances à des activités extérieures au Center parcs ?
#3. L’impact environnemental.
Dans la délibération que nous avons sous les yeux il y a un certain nombre de descriptions qui paraissent à priori plutôt satisfaisantes. Par contre nous n’avons pas le résultat des études sur l’impact environnemental. Si on en croit le calendrier ici fourni, elles seraient en cours. Je mets en garde nos collectivités sur le fait que d’autres Center parcs ont trébuché sur cette partie et que nous n’accepterons d’études que si elles sont réalisées par des structures compétentes et indépendantes, c’est-à-dire qui ne touchent pas, par exemple, de subventions de nos collectivités .
Malgré tout dans les caractéristiques du projet quelques points nous inquiètent. La consommation d’espace et d’eau bien sûr. Par ailleurs, est-ce bien nécessaire une « piscine tropicale » que l’on va maintenir toute l’année à 29° ? Et ce n’est pas parce qu’on va la chauffer au bois qu’il faut nous la présenter comme écologique.
En fait il aurait été nécessaire d’avoir cette étude d’impact aujourd’hui pour se prononcer en connaissance de cause.
Pour conclure et sans prétendre avoir fait le tour de toutes les interrogations que soulève ce projet, l’argument qui consiste à dire que cette « bulle » touristique va attirer des touristes mais qu’il faudra tout faire pour les en sortir afin que ça profite au tourisme local, est bien la preuve que les Center Parcs ne sont pas franchement une aubaine pour l’économie locale, mais plutôt une concurrence.
Alors que la meilleure façon de sortir les touristes de la bulle, c’est que la bulle n’existe pas et d’attirer les touristes par une autre stratégie.
Nous voterons contre cette délibération.
Je vous remercie.