Engager et organiser la sortie du nucléaire en Aquitaine
Séance plénière du 27 juin 2011
Voici bientôt 40 ans que le débat sur la politique énergétique dans notre pays a été enfoui.
Fukushima a créé une onde de choc, telle que de nombreux Etats – dont 4 grands pays européens parmi lesquels l’Allemagne, refondent complètement l’orientation de leur politique en faisant le choix assumé d’un processus de sortie du nucléaire :
- Un choix politique de raison, visant avant tout à la sûreté des territoires et la sécurité des populations (puisque nous avons à faire à une technologie qui peut devenir inmaîtrisable).
- Un choix environnemental (il n’existe toujours aucune solution au problème des déchets ; il faudrait un nombre de réacteurs pharaonique pour avoir un vrai impact sur le CO2 ; tandis que le GIEC a récemment démontré que 77% des besoins énergétiques mondiaux peuvent être couverts par les EnR en les combinant les unes aux autres et en créant des systèmes énergétiques locaux).
- Un choix économique et financier (rappelons que la France a vendu 9 réacteurs en 50 ans, dans le même temps l’Allemagne a créé 400 000 emplois dans les EnR).
Ce qui se joue en France, c’est le rapport entre le centre et la périphérie. Il est intéressant d’établir des similitudes entre la centralisation d’un régime politique d’un Etat et  sa politique énergétique ; en général les 2 vont de pair.
Pensons à la France dont l’ultra centralisation de la production électrique fondée sur l’illusion d’une électricité illimitée et très peu chère (en trompe l’œil) a accompagné le mouvement de fond de recentralisation de l’Etat.
Aujourd’hui, l’heure est venue, pour les citoyens comme pour les élus locaux, de reprendre la main sur la question stratégique de l’énergie (modes de production, coûts, impacts économiques et sociaux, développement industriel…) ; les élus locaux ont su se réapproprier et faire évoluer les modes de gestion des biens communs comme l’eau, en enrayant les dérives d’une gestion privatisée, il faut faire de même sur les enjeux de l’énergie !
Bien sûr, un processus de sortie du nucléaire se décide au niveau national, mais le fait d’acter une telle position à l’échelon régional fait sens. Les écologistes, pour leur part, ont une approche pragmatique du sujet.
Nous demandons que soit engagée dès maintenant la décision d’une sortie, afin de dérouler un processus de transition sur 20-25 ans durant lequel les centrales fermeront une à une dès le seuil des 30 ans atteint (des solutions de co génération, de stockage, de maîtrise des consommations, et de développement massif des renouvelables venant progressivement en substitution).
Ainsi, comme de nombreux conseils régionaux l’ont fait (Centre, Nord Pas de Calais, Midi Pyrénées, Bretagne, Picardie…) ou comme la Communauté urbaine de Bordeaux l’a fait vendredi , nous proposons au Conseil Régional d’Aquitaine, réuni en assemblée plénière le 27 juin 2011 à Bordeaux, d’adopter la présente motion.
Le Conseil Régional :
- Demande que, dans le cadre du Schéma Régional Climat-Air-Energie co-piloté par l’État et la Région, soit élaboré un scénario prospectif de sortie progressive du nucléaire adapté à notre territoire, afin d’intégrer et de décliner, de façon précise et exhaustive, le processus de sortie national échelonné sur 25 ans et la substitution progressive des énergies nucléaire et fossiles par les énergies renouvelables.
- S’oppose à la construction de tout nouveau réacteur en région Aquitaine et marque son opposition au principe de prolongation du fonctionnement des 4 réacteurs de la centrale de Blaye qui arrivent à la fin de la période de 30 ans de mise en service prévue initialement, souhaite que soit engagée dès maintenant la fermeture du réacteur N°1 qui vient d’atteindre les 30 ans et une demande d’une expertise indépendante et citoyenne.
- Engage une réflexion au titre de la compétence formation professionnelle sur les compétences et les formations nécessaires pour ce virage énergétique (rénovation des bâtiments, efficacité énergétique, énergies renouvelables etc…).
- Affirme cette nouvelle donne de sortie du nucléaire et d’évolution vers un nouveau modèle énergétique, le traduira en actes forts dans ses orientations budgétaires 2012. Allouera les crédits de recherche nécessaires au développement du secteur des énergies renouvelables, aux projets de sobriété et d’efficacité énergétiques ; ces crédits pourront être inclus dans le futur Fonds régional de soutien aux énergies renouvelables et inscrits dans une politique de long terme.
-  Souhaite que les Commissions Locales d’Information (CLI) soient ouvertes au public, considérant que selon la loi Transparence et Sécurité Nucléaire, «toute personne a le droit d’être informée sur les risques liés aux activités nucléaires» et que leur périmètre soit étendu à toutes les communes dans un rayon de 50 km autour de la centrale de Blaye allant jusqu’à la CUB.
- Appelle de ses vÅ“ux un mix-énergétique qui permettra une sortie progressive du nucléaire. L’État doit rester dans le cadre du service public de l’énergie le pilote et devra être le garant d’une double exigence : conduire cette mutation dans la transparence démocratique et assurer à tous l’accès à l’énergie.
En conclusion, au-delà des clivages politiques qui peuvent exister au sein de notre Assemblée, nous invitons à chaque élu/e présent/e à se positionner en conscience sur cette question de la sortie du nucléaire, qui va devenir de plus en plus prégnante du fait de l’explosion du coût de l’énergie.
Dans le passé, des fenêtres d’opportunité ont existé (souvenons nous de J. Carter en 1974 candidat à la présidence des Etats-Unis, qui avait porté un projet ambitieux pour le développement du solaire, «Solar America»… plan stoppé par l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan, dont la campagne a été financée par les grands groupes pétroliers) ; aujourd’hui l’Allemagne saisit sa chance et prouve qu’un modèle énergétique sans nucléaire et fondé sur un approvisionnement local en 100% renouvelables est viable économiquement.
A nous de faire acte fort vers cet horizon : pour un avenir énergétique meilleur, pour notre avenir industriel, pour notre avenir tout court !