Intervention sur le Budget Primitif 2012
Par Monique De Marco – Intervention en séance plénière du 19 décembre 2011
Monsieur le Président, mes chers collègues,
Le sommet sur le climat de Durban vient de s’achever pratiquement dans l’indifférence générale. Comme on pouvait malheureusement s’y attendre, rien n’est vraiment sorti de cette conférence. Pour paraphraser une formule devenue célèbre, je pourrais dire que « notre maison continue de brûler et que nous ne faisons toujours rien » ! Mais je préfère affirmer plutôt que « notre maison continue de brûler et que tout est fait par certains afin de ne rien faire pour éteindre l’incendie ».
Car, en effet, il serait profondément injuste de mettre dans le même panier, l’ensemble des habitants de la planète et des puissances politiques économiques et financières qui privilégient leurs intérêts particuliers et égoïstes au détriment des intérêts collectifs, par leur refus de signer des accords ambitieux afin de lutter plus efficacement contre le changement climatique.
Cette séance plénière d’aujourd’hui consacrée au budget s’ouvre donc dans un contexte général de crise. Selon M. Diefenbacher, ce ne serait pas une crise de la dette publique et du capitalisme, ce dont je doute. De la crise économique ou bien de la crise financière, de la crise sociale, ou bien encore de la crise écologique ?
Les écologistes le clament haut et fort depuis plus de 50 ans : il n’y a pas DES crises mais UNE crise globale qui se décline aux niveaux économique, financier, social et écologique.
Tant que la vision politique de cette crise globale n’aura pas imprégné l’ensemble des décideurs et des citoyens, la situation ne pourra qu’empirer avec des conséquences de plus en plus graves. Comme le dit Edgar Morin, il s’agit d’une crise de civilisation et une telle crise ne se résorbe pas avec des remèdes qui ne font qu’aggraver le mal.
L’incendie fait donc rage mais les regards sont tournés ailleurs car le navire amiral et libéral européen est en perdition. Le commandant de bord reste dans sa cabine, tétanisé à la vue des rapports des agences de notation qui ont heurté de plein fouet la coque de son navire et provoqué des avaries. Sur la passerelle, les deux capitaines, Nicolas et Angela se disputent le leadership afin de savoir qui va diriger la manœuvre et se voir attribuer le mérite du sauvetage de ce navire à la dérive.
Les unes après les autres, des chaloupes de sauvetage sont mises à l’eau qui ont pour noms : « austérité », « rigueur », « règle d’or », « équilibre budgétaire ». Ces chaloupes, sur lesquelles prennent place les passagers des classes moyennes et des classes les plus modestes sont, en fait, des embarcations risquant à tout moment de chavirer et d’envoyer leurs passagers dans les bas-fonds.
Mais les deux capitaines n’en n’ont cure, ce qui compte pour eux, c’est de ne pas perdre leur titre de capitaine aux prochaines élections en essayant de sauver le navire.
Arrêtons là cette figure de style. Nous le disons encore et toujours ! Il est tout à fait possible d’éviter le naufrage en mettant le cap résolument sur un autre modèle de société qui permettra un mieux vivre ensemble sur notre planète, dans notre pays, dans nos villes, dans nos quartiers, dans nos campagnes, d’autres formes de relations entre les êtres humains que celles de la loi des marchés et de la loi du plus fort, d’autres formes de production et de consommation…, en résumé, une transformation écologique de la société qui change radicalement la donne.
A nous, ici en Aquitaine à y contribuer à notre échelle et de montrer qu’en dépit d’un contexte difficile, il est possible de mettre en place un modèle alternatif innovant, car la vraie innovation c’est du « toujours mieux » et non du « toujours plus ».
Venons-en à l’examen du budget qui nous est proposé. Ce budget est-il susceptible de répondre ou non à cette nécessité de contribuer à engager progressivement cette transformation écologique de notre région ?
Pour le déterminer, c’est à travers notre propre grille de lecture écologique que nous devons examiner ce budget et non au travers de dogmes dépassés et surannés du genre « il faut relancer la croissance par la consommation » ou bien « il faut améliorer la compétitivité de nos entreprises pour gagner des parts de marché »
Tout d’abord, nous pouvons constater que bien que notre collectivité doive faire face à une perte d’autonomie fiscale, le projet de budget primitif 2012 est en hausse. Ce budget est le reflet d’une certaine vision de l’avenir aquitain dont nous ne partageons pas en totalité la philosophie.
Ainsi plusieurs dépenses de ce budget nous paraissent déraisonnables sur le plan financier et catastrophique sur l’aspect environnemental. Nous ne surprendrons personne dans cette assemblée en rappelant une nouvelle fois notre opposition à la LGV Sud Atlantique et à son financement par la Région. L’effet de cette charge financière est encore aggravé en 2012 par le fait que la Région doive abonder la trésorerie de RFF en augmentant sa part de financement cette année.
Les explications reçues d’avancement de la réalisation des travaux pour justifier cette augmentation semblent très peu convaincantes. En effet, à ce jour, la Région doit emprunter la bagatelle de 17M€ supplémentaires pour soulager la trésorerie de RFF.
Le Sud-Ouest de samedi titrait à chacune de ses premières pages la démesure des projets pharaoniques.
- Un an après sa mise en service l’autoroute A65 cherche toujours sa voie.
- Un stade à 551 millions ? Annoncé à 175 millions selon Transcub qui vient de saisir le Préfet.
- Coup de froid sur le projet LGV au sud de Bordeaux Les projets non engagés seront soumis à à l’appréciation d’évaluation indépendant qui jugera de la pertinence économique …
Nous les avons lus comme une interpellation citoyenne aux élus, questionnant la pertinence de ces dépenses publiques dans un contexte où chaque aquitain est sommé de se serrer la ceinture.
Revenons à notre budget.
Dans le domaine des transports, notre groupe est très préoccupé des aides au développement des aéroports aquitains. Le choix d’aller en plus sur le financement de compagnies low cost semble ne pas être écarté et ce choix nous apparaîtrait totalement inacceptable. Ne prenons pas de décisions hâtives avant les conclusions de l’étude comparative du BIPE sur les aéroports aquitains. Nous souhaitons la définition et la mise en œuvre d’une politique aéroportuaire régionale afin d’ éviter une concurrence destructrice entre aéroports .
Il est indispensable que nous comprenions que nous ne pouvons pas avoir des aéroports qui se concurrencent sur notre territoire et que nous devons tenir compte des aéroports voisins. Une compétition autour des compagnies low-cost entre les aéroports serait néfaste pour les finances de notre collectivité.
De la même façon nos investissements en matière de transport ont tendance à se concurrencer les uns les autres. Il faut absolument penser régional, interrégional et même transpyrénéen. Des décisions doivent être prises prochainement concernant l’aéroport de Pau dont la fréquentation baisse. Nous ne souhaitons pas que l’on parte dans une fuite en avant et dans l’illusion des low-cost comme solution miracle. La position de la Région est jusqu’à ce jour conforme à nos souhaits sur ce sujet et nous souhaitons qu’elle le reste.
Sur le transport ferroviaire nous apprécions la position de la Région qui a mis la question de la Pau – Canfranc dans ses priorités. En revanche, nous constatons que la Région qui a participé à financer les études sur une nouvelle route entre Pau et Oloron, ce projet mobilise beaucoup de béarnais contre lui et qui ne correspond pas du tout à nos choix puisque c’est un projet destructeur (400 ha sacrifiés) et pas pertinent sur le plan économique. Nous nous rangeons du côté de ceux qui souhaitent que soit débattu un projet global des déplacements en Béarn plutôt que de s’engager vers une solution qui ne tient pas compte des nouveaux enjeux écologiques et énergétiques.
Autre point contestable de ce budget, le financement du projet PETAL couplé aujourd’hui au laser Mégajoule, dont le financement risque de devenir au fil des années aussi ruineux et inutile que celui d’ITER, son concurrent au niveau des recherches sur la fusion nucléaire.
Pour finir, notre groupe souhaite mettre en lumière les effets pervers de la concentration de financements très importants accordés par la Région à des projets d’investissements conséquents sur la Communauté urbaine de Bordeaux.
Nous n’allons pas les citer il suffit de lire le budget pour les reconnaître. Nous qualifions cette politique de concentration de « jacobine », un comble pour qui connaît l’histoire des girondins sous la révolution française ! Le Conseil régional doit veiller tout particulièrement à un équilibre entre les différents territoires aquitains comme le prévoit le Schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADT). Dénommé « Aquitaine Horizon 2020 »dont nous remarquons qu’il n’est plus la référence ici à la Région et dont le contenu n’est même plus accessible sur le site du Conseil régional…
Quant au soutien de filières en difficulté, comme la filière tabacole, notre groupe désapprouve le type de pseudo aides de court terme qui empêchent l’émergence de solutions durables. L’aide la plus efficace qu’on peut donner aux tabaculteurs, c’est de les aider très fortement à une reconversion dans des cultures alternatives et d’avenir et non de leur donner l’illusion de la viabilité d’une production handicapée par les enjeux de santé publique.
Nous aurions souhaité réorienter la globalité du budget primitif sur tous les leviers dont nous pourrions disposer pour que les investissements se fassent dans le sens d’une économie verte afin de permettre la nécessaire transformation écologique de notre Région. Tel n’est pas encore le cas. Mais ne boudons pas notre plaisir, les germes de notre vision politique sont quand mêmes présents dans ce budget.
Ce sont notamment la mise en place de cet ambitieux Défi Aquitaine Climat, la promotion de l’économie sociale et solidaire avec l’exemple du projet de pôle de coopération de Seignanx, une agriculture plus saine et moins destructrice de l’environnement avec la promotion du bio et les circuits courts, des transports collectifs performants avec la montée en puissance des TER et de l’intermodalité et la reconnaissance de la culture de tous.
En ce qui concerne plus particulièrement, la politique climat énergie, dans ce climat tendu avec l’annonce de suppressions d’emploi chez AREVA et les hausses de prix vertigineuses du gaz et dans un moindre mesure de l’électricité, notre politique et notre stratégie régionale se doivent d’être très offensives. Et je vous avoue que notre groupe est heureux de vous présenter lors de cette plénière les deux prochaines délibérations sur ce Défi Aquitaine Climat et sur le plan régional en faveur de la sobriété, de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables.
Nous nous réjouissons également que la Région recentre ses politiques du logement en créant un service Logement et urbanisme, deux problématiques inséparables. Nous sommes satisfaits qu’elle propose dans le cadre de la conférence des exécutifs de travailler avec tous les exécutifs régionaux à rendre plus efficaces les politiques de l’habitat sur tout le territoire aquitain. Cette question de l’habitat est au cœur des problèmes quotidiens des aquitains et au cœur du problème climatique, voilà une question qui permet la réconciliation si chère à nos yeux de l’écologique et du social.
En conclusion, le groupe Europe Ecologie – Les Verts, en continuité avec ces votes des années précédentes, votera contre certaines lignes budgétaires qui lui paraissent contraires à la transformation écologique de l’Aquitaine et votera globalement pour ce budget primitif.
Je vous remercie.