Culture(s) Culture(s)
commission nationale
 Sommaire | à la Une | Culture(s) | Cultures numériques | (Culture) Audiovisuel - Médias
Recherche

Prix tournesol du spectacle vivant AVIGNON 2006

DANS LA MEME RUBRIQUE :
- Article Culture pour journal Verts spécial régions
- Proposition de mémento culture à l’usage des candidats aux régionales de 2010
- Extrait d’un entretien avec FELIX CASTAN
- Identité nationale : la commission Culture des Verts
- La Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle

Culture(s) >


Note sur la RGPP appliquée à la Culture de JM Lucas

La RGPP ( révision générale des politiques publiques) est une démarche volontariste engagée par le gouvernement pour réaliser des économies structurelles. L’objectif est clairement énoncé dans le texte du rapport d’étape de mai 2009 : "Ces économies structurelles sont indispensables pour redonner à l’Etat une marge de manoeuvre financière, lui permettant de relever les défis actuels."Cette recherche "d’économies" est conduite tout azimut dans tous les ministères. Tout ce qui peut être économisé l’est, ce qui donne une liste de mesures à la Prévert. La RGPP profite de toutes les opportunités petites ou grandes, sans vraiment se préoccuper du sens des mesures prises. C’est très net pour le ministère de la culture. 1- Considérons d’abord les actions déjà engagées : (liste en note de bas de page 1 et, avec un point vert, dans le document joint en pages 77 à 80) Je repère par exemple la mesure : "Généralisation des contrats pluriannuels de performance et des lettres de missions aux dirigeants des opérateurs" Le langage technocratique est ici parfaitement utilisé. On en arrive à croire que la décision étant prise, il n’y a plus rien à discuter. Or, quand on lit "généralisation des contrats de performance ", la question reste entière : que signifie "performance"appliquée au Louvre ou à la BNF et qui définit la"performance" en matière de collections patrimoniales de livres ou de tableaux ? La vraie réforme de l’Etat n’est pas dans l’existence "d’un contrat de performance" mais dans la définition des finalités publiques de cette "performance". La RGPP ne soulève pas la question comme si la réponse s’imposait d’elle même et relevait du seul bon vouloir 1 - mesures dèjà prises : *) - Généralisation des contrats pluriannuels de performance et des lettres de missions aux dirigeants des opérateurs *) Le fonctionnement des directions régionales des affaires culturelles sera amélioré : leurs priorités seront mieux définies, leurs crédits seront moins fléchés par le niveau national, certaines de leurs procédures seront allégées et la polyvalence des conseillers sera renforcée. La gestion de leurs crédits sera mieux évaluée. *) Réforme de l’audiovisuel public extérieur pour créer des synergies entre les opérateurs et améliorer leur visibilité *) Rénovation du statut du CNC avec création d’un conseil d’administration *) Regroupement du Palais de la Découverte et de la Cité des Sciences et de l’Industrie en un seul opérateur, présent sur deux sites. *) L’efficacité de la politique de restauration des monuments historiques sera renforcée, notamment par la mise en concurrence des architectes en chefs des monuments historiques. *) Le développement des ressources propres des établissements publics et la maîtrise de leurs coûts seront recherchés, afin d’alléger la part des subventions de l’État dans leur budget. *) Une rationalisation des écoles du ministère sera engagée pour permettre la constitution de pôles d’excellence, dans le cadre de la réforme du LMD, assurant la meilleure insertion professionnelle des élèves du ministre. Or, à 547 000 euros le coût journalier de la BNF et 490 000 euros le coût par jour du musée du Louvre , l’enjeu de la "performance" de la conservation des oeuvres mérite bien un large débat citoyen sur les finalités des institutions de culture. De même, quand la RGPP annonce que " le développement des ressources propres des établissements publics et la maîtrise de leurs coûts seront recherchés, afin d’alléger la part des subventions de l’État dans leur budget", il est impératif d’ouvrir la discussion politique sur le sens de cet impératif de vendre plus de services culturels à des clients ou des mécènes. L’économie recherchée n’est pas légitime en soi si elle bouleverse, sans le dire, les fondements culturels de ces établissements publics en les transformant en épicerie culturelle. Ainsi, le grand danger de la RGPP est de faire comme si les enjeux de sens et de valeur de la politique culturelle ne se posaient pas. On le lit très bien dans la mesure concernant les écoles sous tutelle du ministère de la culture. Le texte parle de "rationalisation", mais donne comme justification "la constitution de pôles d’excellence". Derrière les "économies", il y a une orientation politique sur les dispositifs de formations aux arts. Mais où est le débat politique sur l’éducation aux arts et aux cultures, " tout au long de la vie", pour reprendre l’orientation fondamentale du memorandum de Lisbonne ? Nulle part ! La RGPP vise "l’excellence" dans un monde de concurrence qui sélectionne les meilleurs et élimine les autres. C’est une manière de "rationaliser" les écoles, mais sans doute pas la seule dans la démocratie ! La RGPP ignore le débat alors même que nombre de ces écoles sont financées par les collectivités !La RGPP n’est donc pas si anodine, même si elle se présente avec toute la modestie et le bon sens d’un "économe" ! 2- Cette stratégie du camouflage du "sens politique" se lit encore plus sûrement dans les mesures qui n’ont pas encore été prises mais qui le seront rapidement ( en note de bas de page 2 voir les points jaunes dans le texte de la RGPP) : Prenons ainsi la mesure qui inquiète tant : "la réorganisation de l’administration centrale 2 Mesures pas encore prises : *) Réorganisation de l’administration centrale autour des principales missions, ce qui conduira à réduire le nombre de directions d’administration centrale de 10 à 4 ou 5. *) Regroupement des 7 corps d’inspection du ministère. *) La politique de l’archéologie préventive sera rendue plus performante. Le rendement de la redevance d’archéologie préventive sera amélioré. Le développement d’une offre concurrentielle permettra de démultiplier les capacités d’intervention en matière de fouilles. Les modes de recrutement au sein de l’INRAP, opérateur de l’État, seront modernisés. Enfin, la possibilité juridique d’une filialisation des activités de fouille sera examinée. *) En matière de maîtrise d’ouvrage, le ministère de la Culture et de la Communication devra renforcer sa capacité de pilotage des grands projets. Un rapprochement entre le service national des travaux (SNT) et l’établissement public de maîtrise d’ouvrage des travaux culturels (EMOC) sera recherché autour des principales missions, ce qui conduira à réduire le nombre de directions d’administration centrale de 10 à 4. " Quand on examine le projet de décret de cette réorganisation, il y a de quoi bondir : un secrétariat général, une direction du patrimoine, une direction de la création et une direction des médias et des industries culturelles, mais, rien sur les politiques de diversité culturelle portant adoptées par la France à travers les trois accords Unesco. On trouve encore moins de référence "aux droits culturels". C’est un choix politique qui enferme la politique culturelle de l’Etat dans de vieux habits mités ! La question pertinente n’est donc pas d’avoir moins de directions centrales pour faire des économies ; elle est de savoir si la France doit s’engager dans une politique publique de la culture respectant ses engagements internationaux en matière de pluralisme culturel 3 , pour favoriser " l’inclusion et la participation des citoyens". Ceci dit, il est probable que cette interrogation politique n’effleure pas non plus les syndicats des fonctionnaires visés par les mesures d’économies, ce que la RGPP n’ignore pas ! On doit donc considérer que le débat sur la RGPP comme dispositif "d’économies" se focalise sur les moyens mais évite le débat de fond sur les raisons d’être de la politique culturelle. Prenons un autre exemple : La RGPP annonce que "la politique de l’archéologie préventive sera rendue plus performante. Le rendement de la redevance d’archéologie préventive sera amélioré. Le développement d’une offre concurrentielle permettra de démultiplier les capacités d’intervention en matière de fouilles."Le "bon sens" file ici tout droit vers la logique de la concurrence, comme s’il n’y avait plus rien à discuter : même pour connaître le patrimoine de l’Humanité caché sous les autoroutes et les lotissements des aménageurs, il n’y a que la logique du marché à profit qui compte ! Le moins que l’on puisse dire est que ce choix n’est pas gestionnaire mais politique. La RGPP, sous couvert de "bonne gestion" de "bon sens", est une machine de guerre qui impose son agenda au débat politique. 3- On trouve aussi dans le bilan des points "rouges", c’est à dire des dispositions qui ne se concrétisent pas (note de bas de page 4 et points rouges 3 - article 2 de la Déclaration universelle sur la diversité culturelle : "Des politiques favorisant l’inclusion et la participation de tous les citoyens sont garantes de la cohésion sociale, de la vitalité de la société civile et de la paix. Ainsi défini, le pluralisme culturel constitue la réponse politique au fait de la diversité culturelle. Indissociable d’un cadre démocratique, le pluralisme culturel est propice aux échanges culturels et à l’épanouissement des capacités créatrices qui nourrissent la vie publique." 4 - mesures en attente : *) Fin de la gestion directe de musées par la Direction des musées de France *) Modernisation de la gestion de la Réunion des musées nationaux (RMN) par filialisation de certaines de ses activités commerciales et rapprochement avec le Centre des monuments nationaux *) Définir les modalités de transfert des sites patrimoniaux aux collectivités territoriales. *) La redéfinition des modalités d’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant sera recherchée en concertation dans le document joint) . Pour ces mesures le ministère rencontre des difficultés ; cela signifie que la RGPP est aussi un terrain de négociations, pas si faciles, mais souvent internes aux services et sur la base d’intérêts catégoriels pas toujours aisés à saisir. On peut ainsi repérer les enjeux spécifiques de la direction des musées de France ( "fin de la gestion directe de musées par la Direction des musées de France," ou "modernisation de la gestion de la Réunion des musées nationaux (RMN) par filialisation de certaines de ses activités commerciales et rapprochement avec le Centre des monuments nationaux"). Mais là encore, rien n’interdit de s’interroger sur le sens qu’il faut donner à "modernisation" quand il est si près de "filialisation" ! Une fois de plus, on file droit , et sans filet démocratiquement défini, vers le "tout commerce" des oeuvres capitales de l’Humanité ! la RGPP danse sans scrupule sur la tombe de Malraux ! La France des Lumières apprend à vendre la culture universelle ! Quel progrès ! En clair, "Modernisation" ne donne pas la solution pour construire l’avenir de la politique culturelle, bien au contraire puisque le terme évite toute discussion sur ce que devrait être un "service d’intérêt général culturel". Or, ce débat est politique et européen : c’est celui de savoir si l’on doit se satisfaire des "services économiques d’intérêt général" avec des prestataires privés mis en concurrence tel qu’envisagé par la Commission ou s’il faut reconnaître l’existence à part entière de "services culturels d’intérêt général" pour mieux affirmer, entre autres, la volonté de promouvoir les droits culturels des personnes. La RGPP n’a que faire de ces questionnements ! Mais elle est bien aidée par les acteurs eux mêmes. On le voit dans le point évoquant "la redéfinition des modalités d’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant". Sur ce point, la RGPP ne cache rien. Il est écrit : la redéfinition des modalités d’intervention de l’État en faveur du spectacle vivant sera recherchée en concertation avec les collectivités territoriales qui assurent aujourd’hui une part prépondérante du financement des structures en région." La mesure d’économie de l’Etat est clairement annoncée. Elle posera évidemment des problèmes politiques qui dépasseront le souci de la bonne gestion : quels spectacles vivants seront dignes de faire partie de cette nouvelle donne. Qui décidera des spectacles de référence ? Pour instruire le peuple ? Pour renforcer les droits culturels des personnes ? Attirer les touristes et les entreprises ? Le désengagement exprimé de l’Etat ne peut être traité sans une réflexion avec les collectivités territoriales qui assurent aujourd’hui une part prépondérante du financement des structures en région. Lancés le 11 février 2008, les « Entretiens de Valois », instance commune de réflexion sur le spectacle vivant rassemblant l’État, les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, serviront de base aux décisions qui seront arrêtées avant la fin de l’année. approfondie sur le sens et la valeur de la culture ( des cultures) pour notre démocratie. Face à ces questions, le ministère s’abrite derrière les Entretiens de Valois. Mais, à bien lire les conclusions de cette concertation sans âme, on peut dire que seuls les groupes professionnels ont fait passer leurs messages corporatistes. Le résultat est que l’idée même qu’il pourrait exister une approche différente de la politique culturelle construite sur les principes de la diversité culturelle et des droits culturels des personnes c’est à dire sur "l’Agenda 21 culture" n’est venue à l’esprit d’aucun des participants ! Ainsi la RGPP joue sur du velours : elle abat sa carte "bonne gestion de l’intérêt public" contre la carte "bonne gestion des intérêt catégoriels", sans que personne ne replace le débat public sur les enjeux de la politique culturelle pour construire le vivre ensemble. La RGPP révèle ainsi un vide de sens que l’on retrouve aussi dans le rapport Balladur sur les futures compétences des collectivités : le comité Balladur n’a pas pris au sérieux la politique culturelle qu’il considère comme "indéfinie" .5 La RGPP ne dit pas autre chose : "économies, économies" , sans aucune réflexion sur les finalités, sens et valeurs de la culture publique !

Conclusion : Il ne faut pas s’étonner de ce constat car la RGPP lors de son lancement n’a pas soulevé d’oppositions déterminées. Or, il était clair que les enjeux spécifiques de la politique culturelle étaient d’emblée éliminés de la discussion. Il suffisait de lire les questions posées par la RGPP pour comprendre ce triste sort dévolu à la politique culturelle : "les services répondent-ils aux besoins ? Quelles sont les nouvelles attentes ? Quelle nouvelle offre de services proposer ? Comment les bénéficiaires ont-ils évolué ? Qui sont les bénéficiaires ?"Or, la politique culturelle ne s’est jamais construite sur l’idée "d’un service à rendre" mais sur l’enjeu du sens..... soit le sens émancipateur de la rencontre avec les"oeuvres capitales de l’humanité " dans la version française (soutien à la création, démocratisation de la culture, médiation, enseignement artistique ) soit la dimension émancipatrice de l’éducation populaire ( que l’on ferait mieux de qualifier de politique des droits culturels avec son souci de la construction de sujets "acteurs" de leur culture, respectés dans leur dignité culturelle et inter agissant avec les autres pour parvenir au Vivre ensemble, participant ainsi à la construction du référentiel imaginaire commun, version Unesco) . Les autres actions publiques concernant la culture définissent moins une politique 5 voir sur http://www.irma.asso.fr/Jean-Michel-Lucas, l’article pour l’association des directeurs de la culture en Ile de France : "Premier regard interrogatif et critique sur le rapport Balladur et sa conception de la politique publique de la culture " culturelle spécifique que des politiques économiques, sociales, territoriales appliquées aux acteurs culturels. Il s’agit alors de rendre l’acteur culturel "utile" à l’économie, à l’attractivité du territoire, au lien social et cette posture intéresse bien la RGPP, comme tout les bons gestionnaires des collectivités locales, car les acteurs culturels peuvent alors être "rémunérés aux services rendus " !

La critique de la RGPP doit alors porter sur les deux aspects : *) refuser la machine technocratique qui ne songe qu’à faire des "économies"sans débat démocratique, *) mais exiger aussi que le débat s’ouvre sur les enjeux de sens, en espérant que la discussion permette de donner toute sa place au pluralisme culturel dans la construction de la démocratie participative du 21 ème siècle confrontée aux lourdes tensions culturelles qui traverse le monde.

JM Lucas et le Doc Kasimir Bisou 24 juin 2009


IMPRIMER
Imprimer