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L’autre directive Bolkestein menace le logiciel libre

Le logiciel libre est sous la menace de la directive européenne sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur.

La France, qui dans le cadre de l’administration électronique, souhaiterait s’affranchir de toute dépendance vis-à-vis de fournisseurs ou éditeurs de logiciels, est la terre d’accueil privilégiée du logiciel libre - dont la devise est, et ce n’est pas un hasard : « Liberté, égalité, fraternité », et qui garantissent l’indépendance et la standardisation.

Un nombre croissant de projets informatiques publics ont recours au logiciel libre. L’administration suit en cela le mouvement amorcé par les entreprises. Je me réjouis que le logiciel libre, longtemps cantonné aux serveurs, soit de plus en plus présent sur le poste de travail avec notamment OpenOffice.org, Firefox, ou encore Evolution.

Un tel progrès inquiète certains éditeurs propriétaires, et au premier chef Microsoft, du fait du pouvoir d’influence du service public. La multinationale tente de mettre des épines dans les pieds du libre, parfois au mépris de la liberté de choix des consommateurs (voir le procès opposant Microsoft à la Commission européenne). La bataille la plus âpre se situe sur le terrain juridique : Microsoft tente d’imposer une directive européenne qui légaliserait les brevets logiciels dans l’UE. Cette directive, connue comme « l’autre directive Bolkestein », menace le monde informatique européen et en particulier le libre.

Aujourd’hui, les programmes d’ordinateurs, libres ou propriétaires, sont protégés par le droit d’auteur. Il couvre l’implémentation d’une idée, et il met à pied d’égalité développeurs indépendants, PME ou multinationales. Alors que le droit d’auteur permet de récompenser à juste titre le travail de création des auteurs de logiciels, le brevet constitue une appropriation de connaissances. C’est dans le régime du droit d’auteur que l’industrie européenne du logiciel a prospéré - il en fut de même pour Microsoft (un célèbre mémo de Bill Gates en 1991 reconnaît que son empire n’aurait pu être bâti si les brevets logiciels avaient existé). Ce qu’a bien compris Bill Gates c’est l’utilité des brevets pour une société en situation de monopole qui veut étouffer dans l’oeuf toute concurrence et au premier plan, mais pas uniquement, le logiciel libre.

Depuis la publication de ce projet de directive, le 20 février 2002, les Verts combattent la légalisation des brevets logiciels car ceci conduirait inéluctablement à l’affaiblissement du potentiel d’innovation européen. Seule une petite caste de cabinets-conseil en propriété industrielle en sortiraient enrichie, et les logiciels libres se verraient relégués au rang de hobby risqué pour chevelu contestataire. Ce serait la mort du libre en tant qu’alternative informatique et économique viable.

Le Parlement européen l’a bien compris : lors de sa première lecture, il a suivi les Verts et la majorité des acteurs concernés. Les PME notamment, qui représentent la majorité des emplois du secteur. Le texte voté par le parlement européen maintient la restriction des brevets aux inventions techniques et confirme l’interdiction contenue dans la Convention sur le brevet européen (Munich, 1973) : les logiciels ne sont pas brevetables et sont régis par le droit d’auteur. Malheureusement le 7 mars dernier, au Conseil des Ministres européens, l’exécutif législateur a pris un malheureux virage à 180° - parmi d’autres États membres, la France y a soutenu un texte qui autorise les brevets logiciels, sans tenir aucun compte du vote du parlement européen.

Les Verts demandent que le gouvernement français cesse de prétendre que la directive vise à limiter le champ de la brevetabilité alors même que la version qu’il a soutenue au Conseil dit tout le contraire. Ce dossier majeur doit être repris en main à un niveau politique au lieu pour la France d’être préparé par l’INPI qui ne peut être que partisan en la matière. Le président de la république doit adopter une position conforme à ses engagements de campagne de 2002 dans lesquels il indiquait que les brevets logiciels feraient peser le risque de la vassalisation de l’Europe en matière de technologies logicielles.

De leur côté, les élus Verts continueront à se battre lors de la deuxième lecture qui a débuté à la mi-avril au parlement européen.

Yann Wehrling, secrétaire national des Verts

Tribune publiée dans 01 Informatique du 22 avril 2005


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