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Actes du colloque "Production et diffusion des savoirs et des arts à l’heure du numérique"
La commission Culture(s) nationale des Verts et le groupe de travail « Cultures numériques » ont organisé une réunion d’information et de débat sur « Production et diffusion des savoirs et des arts à l’heure du numérique » le 18 juin 2005 à l’assemblée nationale, en collaboration avec les parlementaires Martine Billard et Marie Blandin. Voici les actes de la réunion.
Introduction
Le 31 mai 2005, la commission des lois de l’Assemblée Nationale a examiné le projet de loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI). Ce projet de loi transpose la directive EUCD (European Union Copyright Directive) votée en 2001 qui elle même découle d’un traité de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) signé en 1996. L’examen du projet de loi est apparemment prévu pour les 11 et 12 juillet, à moins d’un report possible en octobre.
En substance, le projet de loi DADVSI autorise les producteurs de films et de disques à déployer des dispositifs techniques de contrôle de la copie privée, et plus largement de contrôle de l’usage privé. Assimilant la neutralisation de tels dispositifs à de la contrefaçon, le projet de loi prévoit jusqu’à 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende pour quiconque proposera, fera connaître ou utilisera un outil permettant une telle neutralisation.. Il prévoit la même peine pour la suppression des informations électroniques rattachées aux oeuvres (licence électronique, tatouage numérique, ...) et pour la mise à disposition de moyens visant cet objectif. Pour faire simple et clair, ce texte pourrait assimiler à de la contrefaçon le simple fait de convertir et transférer de la musique vers un baladeur MP3. De même, le texte menace directement la copie privée, les missions des bibliothèques et les droits des auteurs et des utilisateurs de logiciels libres.
C’est donc en 1996 à l’OMPI qu’a été signé un traité fondamental pour le droit d’auteur dans la société de l’information. Avant même que n’apparaisse Napster et alors que l’Internet entrait à peine dans les foyers, les représentants internautionaux se réussissaient pour obliger leurs états respectifs à « prévoir une protection juridique appropriée et des sanctions juridiques efficaces contre la neutralisation des mesures techniques » de protection ». On était loin à l’époque d’imaginer tous les problèmes que poseraient les gestions de droits numérique protégés par ce traité. Entre 1996 et 2005, les problèmes posés par les nouveaux droits accordés aux producteurs ont été révélés au grand jour (voir les effets négatifs du Digital Millenium Copyright Act voté en 1998 au États-Unis) et les enjeux des traités de l’OMPI ont décuplé.
C’est aujourd’hui en 2005 que l’on s’apprête à adopter en France des textes qui n’ont plus aucune raison d’être en l’état dans une société dont l’équilibre culturel a été profondémment bouleversé par l’avènement d’Internet. L’examen de ce projet de loi devrait être une rélle occasion d’adapter le droit d’auteur à notre époque, plutôt que de continuer dans la lignée d’un traité signé en 1996 et qui a déjà montré ses effets négatifs. Les questions de rémunération des auteurs, la diffusion et l’accès au savoir, les exceptions légitimes au droit d’auteur (copie privée, citation, éducation, recherche...) sont au centre des débats actuels.
Frédéric Couchet, groupe « Cultures numériques »
Quelques références :
Le projet de loi déposé :
http://www.assembleenationale.fr/12...
Rapport de la commission des lois :
http://www.assembleenationale.fr/12...
Le texte de la directive EUCD :
http://www.foruminternet.org/docume...
Le site de l’initiative EUCD.INFO qui vise à informer sur les conséquences économiques et sociales de la directive EUCD :
http://eucd.info
Le site de l’EFF (Electronic Frontier Foundation) sur le DCMA aux USA :
http://www.eff.org/IP/DMCA/
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe le groupe de travail « Cultures numériques » des Verts
On va tout de suite attaquer, la journée est découpée en trois parties, une première introduction que va vous faire Anne Latournerie, qui est historienne du droit d’auteur et également responsable du département « édition » à la Documentation Française. Elle nous parlera de l’historique des droits d’auteur et le du droit du public. Ensuite nous aurons deux débats. Un premier débat sur les conséquences économiques et sociales de la directive EUCD (directive européenne sur le droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information) qui va être transposée par le projet de loi droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information(DADVSI), et un deuxième débat sur la question effective de la rémunération. Je vais laisser la parole à Anne Latournerie, qui va nous présenter un point historique sur les droits d’auteur, droit du public et les différentes batailles qui ont pu se dérouler.
Intervention de Mme Anne Latournerie, Responsable, Département Editions, Documentation française, Historienne du droit d’auteur, « Petite histoire des batailles du droit d’auteur »
Je vous propose un regard d’historienne qui par nature est différent de celui d’un acteur économique, d’un juriste ou d’un technicien. Cette approche s’inscrit dans une démarche personnelle qui prend sa source au début de la Très Grande Bibliothèque de France, en 1990, avec la mise en oeuvre de son projet technologique (le programme de numérisation et le Poste de Lecture assistée par ordinateur - PLAO). Il s’agissait alors d’essayer de comprendre, dans un double mouvement, les modifications liées à l’essor des nouvelles technologies et des nouveaux usages, ce qui allait être déplacé dans ce qu’on appelle communément « le régime d’autorité des textes », et de quelle façon le système français du droit d’auteur pouvait accompagner ce mouvement. Je suis partie par la suite d’un constat : le droit d’auteur en France est toujours vu comme un bloc constitué, une donnée de départ s’appuyant sur une solide tradition juridique et devant faire face à des problèmes d’adaptation liés aux nouvelles technologies. La loi de 1957 est très représentative de cela : elle est toujours présentée comme le résultat d’une activité rationnelle, presque technocratique, de juristes et d’experts, apparemment sans conflits. Or l’idée d’une tradition juridique lisse et continue est sérieusement à nuancer et l’histoire des batailles du droit d’auteur est parsemée de « grands oublis ».
Dans les débats qui nous intéressent aujourd’hui autour des questions d’ « accès de tous à la culture et au savoir », de « domaine public » de l’information, il me semble important de distinguer trois grands blocs de question. Je ne traiterai pas des deux premiers mais uniquement du troisième.
Technologies et art/ technologies et culture :
En quoi les technologies numériques modifient ou non le travail de création, d’écriture, de lecture, croisent les questions artistiques ? C’est une question qui est à penser théoriquement de façon distincte des problèmes juridiques et des problèmes d’appropriation, de socialisation de l’art, d’accès à la culture. Le droit prétend plutôt ignorer jusqu’à maintenant ces questions. Le grand problème qui me fascine comme historienne est de savoir pourquoi le droit est dans ce fantasme de neutralité par rapport à la technologie.
Régime d’autorité :
La conception philosophique, politique et esthétique de ce qu’est un auteur, de ce qu’est un régime d’autorité : question philosophique d’ampleur par rapport à laquelle le droit ne peut pas prétendre avoir une réponse, même s’il n’ignore pas ces questions. Les lois de 1957 et 1985 proposent ainsi une métaphysique implicite sur la création, la valeur de l’oeuvre et maintiennent une vision prophétique de l’auteur.
La relation entre la défense du créateur comme propriétaire et la défense de la culture comme bien commun de l’humanité :
Je ne fais pas un travail d’historienne du droit. Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire du droit d’auteur, non pas comme une histoire juridique, mais comme une histoire politique et culturelle, et plus particulièrement la relation entre la défense du créateur comme propriétaire et la défense de la culture comme bien commun de l’humanité. Or cette question a une histoire.
Je vous propose de vous donner quelques éclairages sur quatre moments de cette histoire, en insistant précisément sur ce volet oublié de la propriété intellectuelle : droits d’auteur et droits du public.
1) Fin XVIIIe siècle/Révolution
Dès l’origine, deux idées essentielles se dégagent des premiers grands textes juridiques, en France comme aux Etats-Unis : l’affirmation de droits individuels reconnus à l’auteur et la volonté d’encourager la diffusion du savoir et des connaissances dans l’esprit des Lumières. Cela se traduit juridiquement en France par la mise en oeuvre d’un droit bourgeois de la propriété littéraire et artistique à travers les deux grandes lois de 1791 et 1793 et aux Etats- Unis par la mise en place d’un système de copyright avec la première loi fédérale de 1790.
C’est bien le moment où la propriété originale de l’auteur s’affirme rapport à l’autorité politique. Cela dit, ces législations donnent en même temps toutes deux la primauté à la circulation des oeuvres, aux droits du public.
• La clause introduite par James Madison dans la constitution américaine en 1787 exprime cette empreinte qu’exerce l’intérêt public sur l’orientation du copyright américain : « Le congrès est autorisé [...] à promouvoir le progrès de la science et des arts utiles en garantissant, pour un temps limité, aux auteurs et inventeurs un droit exclusif sur leurs œuvres écrites et inventions respectives » [1]. Ce qui prime est bien la finalité, les droits exclusifs octroyés sont réglementés car assujettis à une telle fonction.
Dès l’origine, les conflits entre intérêt privé et intérêt public sont bien placés au cœur du système de copyright et exigent la libre circulation des idées, ouvrant la voie ensuite à tous les règlements d’exceptions au copyright (fair use) qui s’appuient aussi sur cette priorité des biens publics. À la fin du XVIIIe siècle, la situation culturelle fondamentale des Etats-Unis est celle d’une dépendance à l’égard des oeuvres anglaises et plus généralement européennes et sans doute est-ce la raison aussi pour laquelle l’élément essentiel d’abord mis en avant est l’incitation à produire, la diffusion du savoir. De ce point de vue-là, la bataille américaine pour le copyright est une bataille anti-anglaise au même titre que la lutte contre la législation fiscale et douanière, la bataille d’une jeune nation qui souhaite s’émanciper.
• En France, également, même si on s’est longtemps focalisé sur la défense des droits d’auteur, dans l’esprit des législateurs révolutionnaires, la propriété publique est la règle et le droit d’auteur l’exception. Le droit d’auteur n’est pas conçu au départ comme une idée « farouchement individualiste ». Bien sûr, la conception individualiste a eu beaucoup d’adeptes et se trouvera renforcée ensuite au XIXe siècle avec la vision romantique des auteurs, l’essor du droit de la personnalité et le fait que éditeurs interviennent aussi souvent au nom des auteurs.
Sieyès propose le premier dès 1790 d’introduire une propriété limitée à dix ans, accordée au nom des Lumières [2]. Son projet pouvait être jugé en retrait par rapport à la pratique des privilèges perpétuels et avait comme conséquence concrète de faire tomber dans le domaine public toute une série d’auteurs (Racine, Molière, Rousseau, Voltaire...) [3].
Dans son rapport du 13 janvier 1791 [4], Le Chapelier souligne que le droit de l’auteur de disposer de son ouvrage doit être vu comme une « “exception“ [car] un ouvrage publié est de sa nature une propriété publique ».
Des préoccupations identiques se retrouvent en 1793 dans le rapport présenté par Lakanal [5]
L’auteur apparaît comme un agent de l’éveil du public et de l’accroissement des connaissances et la reconnaissance du droit d’auteur pour une période limitée à dix ans comme un mécanisme établi pour récompenser les activités intellectuelles et favoriser le rayonnement culturel de la Nation. Cela dit, Lakanal insiste plus que Le Chapelier sur les effets pervers de la notion de propriété publique qui est parfois utilisée à tort par les « pirates littéraires ».
Cette tension entre droits d’auteur comme droit de propriété (droit exclusif mais pour un temps limité) et droits du public n’est pas non plus sans rapport avec le balancement qu’on retrouve ailleurs avec la Révolution française : d’une part, elle finit par garantir la propriété privée, et d’autre part, en même temps, c’est le moment où se constitue par la voie autoritaire de la confiscation un patrimoine national, à travers les musées, les bibliothèques.
2) Des grandes batailles du droit d’auteur au XIXe siècle : propriété et domaine public.
Les batailles du droit d’auteur au XIXe siècle portèrent pour l’essentiel sur deux questions étroitement liées :
la nature particulière du droit d’auteur : est-ce un droit naturel ? Est-ce une garantie de la liberté, un droit de la personnalité ou un droit sui generis ? - la durée de la propriété intellectuelle : doit-elle être limitée ou perpétuelle ?
Les vives controverses juridiques sur la notion même de « propriété littéraire et artistique » qui divise alors la doctrine s’inscrivent dans un cadre plus large où la notion même de « propriété » est réinterrogée.
Dans l’introduction de son ouvrage La propriété intellectuelle, c’est le vol ! : Les majorats littéraires - dans lequel elle réunit autour du livre de Pierre-Joseph Proudhon plusieurs textes majeurs de cette époque -, Dominique Sagot-Duvauroux souligne qu’en France « le débat doit être replacé dans un contexte politique particulier marqué par la révolution de 1848 et la montée des mouvements socialistes [6] » et pose les termes du débat en donnant un éclairage sur les prises de positions et le rôle des économistes : « Dans le débat sur le droit d’auteur, deux conceptions s’affrontent. La première s’inscrit dans la tradition de John Locke. Le droit de propriété de l’auteur sur son oeuvre est considéré comme un droit naturel dont dispose chaque homme sur le travail de son esprit.[...] Les économistes libéraux dont la figure la plus emblématique est Frédéric Bastiat adoptent cette position et préconisent un droit de propriété perpétuel de l’auteur. [...] À l’opposé, la conception utilitariste des droits de propriété héritée de Bentham soumet ces droits à leur utilité sociale. La propriété tire sa légitimité de son efficacité économique. Cette position est défendue par Jules Dupuit, contre la plupart des économistes libéraux de l’époque. Il sera suivi par Léon Walras [...] [7]. »
Dans ces débats touchant à la nature du droit d’auteur et aux justifications et fondements de la protection des oeuvres, le coeur des batailles porte sur la juste articulation entre droits de l’auteur et droits du public, sous la forme de la défense d’un « domaine public ».
Il est par ailleurs frappant de constater qu’au même moment s’élabore en droit administratif, notamment à l’initiative de Victor Proudhon, professeur à la faculté de droit de Dijon, une construction doctrinale mettant en lumière que certains biens appartenant à l’Etat sont « affectés à l’usage du public » (routes, rivages maritimes...) et, pour ces motifs, sont soumis à des règles particulières (l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité). C’est le « domaine public », par opposition au « domaine privé » de l’Etat. Les opinions divergent alors sur la nature exacte du droit de l’Etat sur ce « domaine public » : est-ce un simple droit de garde ou une véritable propriété de l’Etat ? (Question qui ne sera tranchée que plus tard par la jurisprudence). C’est sans doute à travers cette notion de « biens insusceptibles de propriété privée et affectés à l’usage de tous » qu’il y aurait à ce moment-là convergence entre les réflexions autour de la propriété intellectuelle et celles sur le statut de la propriété publique. Il est donc normal d’utiliser le même mot de « domaine public », même si les deux notions vont suivre ensuite des voies vraiment séparées.
Entre les années 1830 et 1866, les batailles de la propriété intellectuelle sont loin d’être réservées aux seuls juristes. Outre E. Laboulaye [8] et A.- C. Renouard [9], il implique écrivains, poètes, pamphlétaires, éditeurs, économistes, philosophes, hommes politiques : Lamartine [10], Victor Hugo, Alfred de Vigny, Théophile Gautier, Hetzel, Firmin Didot, Jules Dupuit, Léon Walras, Fréderic Bastiat, Louis Blanc ou P.-J. Proudhon [11] s’engagent avec vigueur dans l’arène.
Ce débat commun aussi à l’Europe et aux Etats-Unis s’intensifie au Congrès de Bruxelles de 1858 [12]. Les partisans farouches de la diffusion du savoir, de la circulation des oeuvres, de la défense du « domaine public » s’opposent à ceux qui souhaitent un allongement de la durée de protection des oeuvres, voire la mise en place d’une propriété perpétuelle.
Pierre-Joseph Proudhon prend partie en publiant en 1862 son ouvrage Les Majorats littéraires [13], répondant ainsi aux attaques de Lamartine contre son pamphlet Qu’est-ce que la propriété ? Proudhon rejette la théorie de la propriété pour analyser le droit de l’auteur sur son oeuvre [14]. Opposé à une propriété intellectuelle perpétuelle qui affaiblirait le domaine public et la production d’oeuvres nouvelles, il propose une conception plus sociale du droit d’auteur [15]. « [En changeant] un contrat de vente en un contrat de rente perpétuelle (...) le législateur (...) aura fait abandon de la chose publique, du domaine intellectuel, et cela en pure perte, au grand dommage de la communauté [16] » souligne-t-il ou encore : « La propriété intellectuelle fait plus que porter atteinte au domaine public ; elle fraude le public de la part qui lui revient dans la production de toute idée et de toute forme [17]. ».
Ainsi, dans une analyse développée, riches d’exemples et de propos mordants, Proudhon montre comment la question des droits d’auteur est étroitement liée à la circulation du savoir et des connaissances, à la diffusion des oeuvres, à l’organisation et au fonctionnement d’un marché et aussi au mode de régulation publique.
La bataille autour de la juste articulation entre « droits de l’auteur » et « droits du public » semble se clore par l’adoption de la loi du 14 juillet 1866 portant le délai de protection à 50 ans post mortem.
3) La préparation de la loi de 1957
Contrairement à son image officielle, la loi de 1957 n’est pas l’aboutissement logique d’une tradition juridique française. Non seulement elle ne s’est pas imposée facilement, mais elle a été le produit de conflits importants. Si le consensus fut large en 1957, c’est parce que la bataille avait eu lieu avant et avait opposé différentes conceptions politiques du droit d’auteur.
La loi de 1957 est une loi d’organisation économique centrée sur le problème de la propriété et de sa gestion et qui ignore totalement les droits du public. Intégrant la logique économique au secteur culturel, se présentant comme un compromis entre les impératifs de la création et ceux de la diffusion et de l’exploitation des oeuvres, la loi de 1957 est avant tout la loi des éditeurs.
Cette tendance est initiée et poussée par les grands éditeurs (Grasset et Gallimard) qui, dès les années 30, symbolisent la médiation culturelle moderne et occupent une nouvelle place dans les instances de légitimation littéraire.
Sous le régime de Vichy, l’approche se caractérise ensuite par la double logique de l’organisation corporative des professions et de l’étatisation autoritaire du droit d’auteur. Ainsi, en ce qui concerne les dispositions juridiques stricto sensu sur notre sujet - la relation entre le droit d’auteur comme propriété et l’accès du public - il y a une certaine continuité entre les positions défendues par les éditeurs avant la guerre, les réglementations sous Vichy et la loi de 1957.
Après la guerre, on se limite à organiser les relations entre auteurs et intermédiaires économiques en laissant de côté la question de la juste articulation entre l’intérêt public et l’intérêt privé. Il est peu surprenant dès lors que les droits d’auteur soient devenus une question avant tout « juridique », et donc « technique », dont la défense est accaparée par les spécialistes, et bientôt, par les groupes d’intérêts et les groupes de pression organisés.
Il y a cependant bien eu un contre-projet sous le Front populaire avec le projet de Jean Zay [18] :
Jean Zay proposait une nouvelle définition de l’auteur. Il voulait établir la loi sociale du travailleur intellectuel. Le créateur était défini comme un travailleur et non comme un propriétaire, à rebours de la tradition juridique française. Ce projet totalement oublié ensuite peut retrouver une certaine actualité aujourd’hui dans un contexte d’explosion démographique du nombre d’auteurs.
Jean Zay replaçait aussi au centre du débat les droits du public et jetait les bases d’un nouveau contrat social entre l’auteur et la société, à travers la notion de domanialité publique.
La loi Jean Zay était une grande loi politique, une loi partisane et une loi faite à l’ancienne manière, les hommes politiques s’associant avec les auteurs. Elle est plus proche des lois révolutionnaires que de la loi de 1957. Le débat autour de l’initiative de Jean Zay représente la dernière grande bataille politique du droit d’auteur dans laquelle plusieurs figures intellectuelles interviennent. Avec la loi de 1957, ce sont les adversaires du projet Jean Zay qui l’emportent. C’est le succès de la tendance Grasset, le triomphe des médiateurs et des organisations professionnelles, sous couvert d’une sacralisation de l’auteur certes, mais avec un auteur traité de façon fonctionnelle. C’est sans doute aussi ce qui explique l’absence de grands débats intellectuels (une loi sans Beaumarchais) et le peu de prises de positions politiques marquées à son sujet. Le débat de société n’a pas vraiment lieu.
Au XXe siècle, deux périodes se distinguent ainsi clairement : avant et après la guerre. Avant la guerre, le facteur culturel domine dans l’appréciation des questions de droit d’auteur. Après la guerre, le facteur économique est prépondérant. Le débat est de plus en plus incolore avec des acteurs ternes, dont on ignore à peu près tout. Le point de basculement, la matrice, c’est la guerre. Il est vraisemblable que le poids très grand des organisations professionnelles dans la conduite et l’orientation de la réforme après 1945 se situe dans le prolongement de l’approche corporatiste adoptée par le régime de Vichy. Avec la IVe République, on passe de l’époque de la polémique ouverte, « des batailles politiques », à celle d’une approche technocratique la loi, marquée par son apolitisme. À partir de là le droit d’auteur est traité uniquement comme une question d’organisation économique des professions et d’économie juridique dont on retrouve des traces aujourd’hui, dans un autre contexte - celui du libéralisme et de la mondialisation - dans la défense des intérêts français à la Commission européenne ou à l’OMPI.
4) Qu’est ce qui se passe aujourd’hui avec le développement de l’Internet et du numérique ?
La tension entre droits de l’auteur comme propriétaire et droits du public ressurgit aujourd’hui à travers plusieurs problématiques nouvelles. J’en citerai quelques-unes en les regroupant selon les deux versants de la propriété intellectuelle : l’auteur et le lecteur.
Auteur
La définition politique de l’auteur
La définition politique de l’auteur se pose à nouveau, dans un contexte très différent : celui d’une explosion démographique sans précédent du nombre d’auteurs. Elle paraît d’autant plus délicate qu’elle ne s’est accompagnée d’aucune réflexion juridique pour en tirer les conséquences. La notion de la création originale demeure toujours la pierre angulaire du système du droit d’auteur alors qu’elle cesse de caractériser dans la réalité de manière à peu près définitive la notion d’oeuvre. À la variété quantitative du nombre d’auteurs correspond désormais aussi une diversité qualitative des « publications », des oeuvres de l’esprit, des « contenus ». La question va bien au-delà du problème de reconnaître le statut d’oeuvre à des nouveaux supports [19].
La modification du contrôle de l’autorité
La multiplication des acteurs intéressés par la question de la « propriété intellectuelle » se traduit ainsi par une explosion des groupes de pression qui interviennent dans les discussions législatives sur la scène nationale, à la commission européenne et à l’OMPI : les anciennes professions (éditeurs, producteurs...), les grands groupes multinationaux et les nouveaux acteurs (fournisseurs d’accès en ligne, opérateurs de télécommunication, hébergeurs de sites).
Une double tendance se dessine. Pour beaucoup de médiateurs culturels traditionnels
qui sont les « industries de contenus » travaillant dans le multimédia, le droit de propriété devient en tant que tel une valeur économique. Pour certains même, le coeur de l’activité n’est plus de produire, de vendre l’oeuvre, mais de gérer des droits. Il se crée ainsi une bourse de la culture. Tous ces intermédiaires économiques ont besoin pour exercer leur activité d’un monopole complet et sur ce point les systèmes de copyright et de droit d’auteur se sont beaucoup rapprochés. Ils défendent une logique marchande du droit d’auteur : il s’agit, selon une rhétorique fort ancienne, de protéger un investissement économique et intellectuel.
Ce renforcement du monopole financier va dans le même temps à contre courant d’une autre tendance. Avec l’Internet de nouveaux intermédiaires interviennent, non dans le circuit classique du régime d’autorité, mais dans le circuit technique de diffusion des oeuvres. Ils imposent leurs contraintes techniques, comme par exemple le droit de copie technique. D’autres n’hésitent pas à nier totalement les droits fondamentaux des auteurs, en se présentant comme de simples intermédiaires techniques.
La mutation numérique et le réseau transforment moins le droit d’auteur que les intérêts économiques, financiers et industriels qui s’y attachent. Le débat autour de la propriété intellectuelle est encore une fois souvent « confisqué », même s’il déborde désormais le cercle des spécialistes et des groupes d’intérêts, parce que les modifications liées au développement de la société de l’information touchent chaque individu comme utilisateur, producteur ou diffuseur.
En ce sens, le réseau et la mutation numérique soulèvent moins de questions de technique juridique qu’ils ne remettent en cause le régime global d’autorité des oeuvres, modifient les formes de médiation, suscitent de nouveaux droits d’usage [20]. Précisément ils conduisent à examiner aussi l’autre versant de la propriété intellectuelle : le lecteur, le public.
Le Lecteur : comment retrouve-t-on la question des droits du public aujourd’hui ?
La question des droits du public ressurgit aujourd’hui à travers notamment deux grandes problématiques : la domanialité publique et les exceptions au droit d’auteur.
La domanialité publique
Patrimoine et propriété intellectuelle
La question posée est bien de savoir comment la politique de patrimonialisation favorise un accès libre et large aux oeuvres. Qui va définir le contenu de la politique de patrimonialisation, qui passe avec l’Internet par la numérisation ? Faut-il partir des besoins du public, s’appuyer sur la communauté de chercheurs ou confier cela à des entreprises privées ? On constate une grande difficulté à trouver un moyen collectif pour déterminer ce patrimoine. Il n’y a pas de procédure. Dans le domaine de l’architecture, avec les bâtiments il y a bien une procédure pour déterminer ce qui fait partie du patrimoine. Avec le livre, le cinéma, la musique ou les oeuvres électroniques, il n’y a pas de procédure, si ce n’est le seul mécanisme du dépôt légal. Autrement dit, il n’y a pas de base juridique, qui puisse servir pour définir la politique de numérisation en matière de patrimoine. La volonté de faire circuler les oeuvres n’est pas organisée. Il n’y a pas d’encadrement légal des décisions que l’Etat peut prendre en faveur de l’accessibilité au patrimoine, notamment par le développement d’une vaste offre culturelle sur le réseau. Le droit d’auteur ne remplit pas ce rôle là. La conclusion pratique est que, d’un côté, on est en face de tentatives de privatisation du patrimoine par des opérateurs privés qui l’exploitent (avec des risques d’appropriation de pans entiers de la culture), de l’autre, de grandes institutions culturelles essayent de gérer le patrimoine. Elles diffusent et exploitent aussi commercialement des données publiques et sont confrontées à différents problèmes : la constitution des contenus numériques (avec les problèmes des droits d’auteur) ; l’accessibilité des données pour le public, les rapports avec le secteur privé et les risques de concurrence déloyale.
L’open source
La question de la domanialité publique se retrouve aussi avec une problématique récente : l’open source ou source ouverte. Application aux textes de ce qui s’est développé du côté des logiciels libres, l’open source exprime une forme plus radicale de cette circulation libre des biens patrimoniaux. C’est une proposition selon laquelle un auteur donne à un groupe d’utilisateur qui accepte les règles de l’open source toute liberté d’utiliser son texte dans la mesure où lui est reconnue intellectuellement la qualité d’auteur et où le texte sera utilisé dans un cadre d’open source.
Cette disposition, accueillie favorablement dans certains milieux de la recherche
scientifique, n’est pas en rupture avec le droit d’auteur, mais avec le fait que le droit d’auteur soit géré par les sociétés d’auteurs et les médiateurs culturels.
Ces nouvelles approches, logiciels libres et open source, cherchent à la fois à garantir un certain régime de propriété qui tente de concilier droit d’auteur et droit du public à avoir accès au savoir, à la connaissance, et créent un espace normatif de production. Les contenus ouverts, reprenant la logique des logiciels libres, insistent surtout sur le partage, la coopération et le travail en équipe. Ils tendent à favoriser ainsi un principe d’indifférenciation des auteurs.
Les « exceptions » au droit d’auteur comme garanties des droits du public
La question des droits du public se retrouve aussi à travers une autre problématique qui ressurgit aujourd’hui : celles des exceptions au droit d’auteur.
Ce sujet a trouvé une actualité récente à l’occasion de la transposition de la Directive du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, qui vient de faire l’objet de la présentation d’un projet de loi devant le Conseil des Ministres du 22 novembre 2003 [21]. Les questions posées par la numérisation et l’internet ont été à l’origine de la création d’une nouvelle instance, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) qui a orchestré précisément les travaux menés autour de ce projet de loi.
Il faut rappeler que la France n’a jamais opté pour une exception générale au droit d’auteur pour des usages pédagogiques ou de recherche, de type Fair Use. Le Ministre de la culture et de la communication a fait part dès le mois de mars 2003 de son opposition à tout système d’exception au droit d’auteur en matière d’enseignement et de recherche et a écarté dans son projet de loi la faculté pourtant prévue dans la directive européenne. Le débat a momentanément surgi sur la place publique, lorsque la Conférence des présidents d’université a adopté une « motion sur l’exception pédagogique au droit d’auteur », suscitant la réaction virulente de plusieurs grands éditeurs [22]. L’examen du projet de loi devant le Parlement verra peut-être revenir la question de l’intérêt public à travers l’introduction d’exceptions générales et encadrées, jusqu’ici considérées comme un sujet « tabou » en France.
Sans écouter stricto sensu les nombreuses voix qui s’étaient élevées pour faire disparaître purement et simplement le droit ancestral de « copie privée », le projet de loi du Ministre de la culture et de la communication en limite de facto considérablement l’exercice effectif, dans la lignée de la directive européenne, en précisant que ce droit ne doit pas faire obstacle à l’utilisation de mesures techniques de protections des oeuvres, surtout en « légalisant » et protégeant ces « mesures techniques » elles-mêmes (dont le contournement devient passible de sanctions pénales), enfin en prévoyant la possibilité pour les titulaires des droits de limiter le nombre de copies. Le souci premier est bien d’adapter le droit « aux risques » de contrefaçon, en faisant de la technique anti-copie, volant au secours des auteurs et producteurs pour protéger les oeuvres, la règle. Dès lors le risque est bien réel de restreindre l’exercice normal de lecture, l’accès concret à l’information et aux oeuvres, de neutraliser le droit réel de copie privée.
Ce rapide panorama historique montre comment les questions de propriété intellectuelle redeviennent l’objet aujourd’hui d’un débat philosophique et politique - ce qu’elles avaient cessé d’être pendant soixante ans. Ce débat reste encore souvent restreint à un petit nombre d’acteurs, mais en même temps la propriété intellectuelle constitue une ligne de fracture qui touche des secteurs très variés : la culture, l’art, l’éducation, les logiciels, la biotechnologie.
Quelques passerelles se dressent timidement entre ces secteurs, notamment à travers les réflexions autour de la notion de « biens communs ».
De nombreux chantiers politiques commencent à s’ouvrir autour des deux versants de la propriété intellectuelle - l’auteur et le public - et posent également à nouveau, aujourd’hui comme hier, la question des formes de régulation publique, de la place et du rôle de l’Etat dans l’ordre culturel.
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques » des verts
Bien merci. C’est un panorama tout à fait complet. Est-ce que vous avez des questions, des réactions ? Dans le dossier qui vous a été remis, vous avez l’ensemble du texte d’Anne ainsi que le texte des autres intervenants, pour ceux que j’ai reçu en tout cas.
Intervention de M. Jérôme Gleizes
Sur les droits d’auteur, je pense qu’il y a une autre distinction c’est la différence entre les droits moraux et les droits patrimoniaux. Parce que sur la question de l’internet. ce n’est pas l’open source qui est important mais plutôt le concept du copyleft qui est le détournement du copyright.
Dire à un moment que l’auteur n’est pas forcément important. Dans le copyleft, l’idée principale c’est que l’on reconnaît quand même le travail qui a été fait initialement contrairement au domaine public où il peut disparaître, ...... dans le copyleft ; il y a une sorte de continuité du travail passé.
Intervention de Mme Anne Latournerie Responsable, Département Editions, Documentation française. Historienne du droit d’auteur.
Bien sûr, pour moi l’open source ce n’est pas nier les droits de l’auteur.
Intervention de M. François Lubrano, Président Gérant de la SPEDIDAM
Où situez-vous, dans la réflexion qui est forte intéressante, les droits voisins, s’agissant des droits des artistes interprètes ? Il ne faudrait pas qu’il y ait de confusion entre les droits d’auteur et les droits des artistes interprètes, puisque actuellement les auteurs compositeurs et les artistes interprètes sont totalement divisés sur le numérique.
Intervention de Mme Anne Latournerie Responsable, Département Editions, Documentation française. Historienne du droit d’auteur.
Oui, historiquement je n’ai pas parlé des droits voisins, puisque historiquement les droits voisins ils ont été introduits dans la loi en 85 ; mais on en parlait que dans les années 20 et 30 et donc le mouvement général après guerre qui a consisté à réexaminer dans un cadre très spécifique, il y a eu une commission mise en place,la commission Jean (inaudible) qui a travaillé pendant plus de vingt ans pour aboutir au projet de loi, qui recevait des pressions d’un certain nombre d’organisations professionnelles, des sociétés d’auteurs, c’est dans ce cadre là qu’a été examiné la question des droits voisins qui n’a pas pu d’ailleurs aboutir mais qui a abouti après, donc pour moi cela s’inscrit dans le même mouvement.
Intervention de M. François Lubrano, Président Gérant de la SPEDIDAM
Actuellement, dans le cadre du débat sur le peer-to-peer, les artistes sont du côté des droits du public en étant pour la libre circulation des œuvres. Les auteurs, eux, sont effectivement dans l’état d’esprit inverse. Ils défendent, comme l’industrie du disque, la primauté du droit exclusif ce qui aura pour conséquence de nous conduire vers un monopole total de la diffusion de quatre multinationales.
Première table ronde : Les conséquences sociales et économiques de la directive EUCD et du projet de loi DADVSI, animée par M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts »
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Pour attaquer la première table ronde, donc Anne a parlé de copie privée et des mesures techniques de protection,on va y revenir très rapidement notamment avec M.Christophe Espern qui est le co-fondateur de l’initiative EUCD.INFO. L’initiative a été créée en décembre 2002 vise à informer sur les conséquences économiques et sociales de la directive l’EUCD dont le projet de loi DADVSI est donc la transcription. Nous aurons ensuite M. Sébastien Canevet, Maître de Conférences en droit privé Droit et internet, un des spécialistes français reconnu sur ces questions, et M.Pascal Cohet, de la ligue Odébi, une ligue d’associations d’internautes créée, je crois, en 2002 si je me souviens bien. Ces différentes interventions ouvriront sur un bref débat.
Intervention de Christophe Espern, co-fondateur de l’initiative EUCD.INFO
Bonjour. Je suis un des membres fondateurs de l’initiative EUCD.INFO. On informe le public, les pouvoirs publics sur les conséquences économiques et sociales de la directive 2001/29CE dite EUCD. On rencontre tous les acteurs qui peuvent intervenir dans la transposition tous les gens qui sont susceptibles de prendre position, éventuellement de changer d’avis, d’atténuer certaines dispositions, etc..., ou aussi qui peuvent nous aider à faire la promotion de nos solutions juridiques alternatives. Nos propositions ont notamment pour objectif de préserver les droits du public et la libre concurrence, parce la libre concurrence est malmenée aussi par le projet de loi. Alors déjà, je vais essayer de compléter un peu l’historique.
Le coeur de la transposition de la directive qui pose vraiment problème, c’est la protection juridique des mesures techniques qui, comme je vais l’expliquer, vient d’un traité de l’organisation mondiale de la propriété intellectuelle.
A l’origine, l’idée de protection juridique des mesures techniques est apparue dans au milieu des années 80 aux États-Unis. L’idée sous-jacente du Syndicat des éditeurs « papier » -ce n’est pas la vidéo, ce sont les gens du « papier » qui sont venus et le discours, c’était : « la machine va répondre à la machine ». Les titulaires de droits voyaient bien qu’il allait y avoir des capacités de copie et de stockage qui allaient exploser, qu’il y aurait une démocratisation de ces outils. Ils ont donc cherché à savoir comment avec la technologie, avec de la technique, on pouvait empêcher de copier librement. Puis, il y a eu un Livre Blanc de l’administration Clinton en 1995 et là, le front s’était accentué, parce qu’il y avait des gens du cinéma et de la musique qui ont fait un lobbying là-dessus. Et au final il y a eu un traité en 1996 qui, à l’article 10, contient donc la protection juridique des mesures techniques.
Alors, qu’il a-y-t-il derrière ce terme récursif ? Tout simplement le droit d’auteur protège les oeuvres ; on va protéger le droit d’auteur par la technique et on va protéger la protection technique par le droit d’auteur. On est sur un mécanisme complètement récursif.
Les mesures techniques ne fonctionnent, ne fonctionneraient que si était mise en place une protection par le secret, c’est-à-dire que personne ne doit expliquer comment on peut contourner une mesure technique, comment on peut s’émanciper du contrôle, puisque les mesures techniques, leur objectif principal, c’est le contrôle d’usage, le contrôle d’usage privé. Donc, l’idée c’est la protection par le secret pour empêcher le public de s’émanciper du contrôle.
Tout ça, c’est introduit dans le traité l’OMPI, traité qui ensuite est approuvé par le Conseil Européen en mars 2000. Il faut noter que c’est une approbation qui ne fait pas de l’Union européenne un État signataire du traité OMPI, puisqu’il faut que tous les pays transposent la directive pour que l’Union européenne devienne signataire de ce traité. Faire en sorte que l’Union Européenne devienne signataire de ce traité, c’est d’ailleurs l’objectif principal de la directive EUCD adoptée par le Parlement européen en procédure de co-décision début 2001.
Pour résumer, se succèdent : Administration Clinton, organisation mondiale de propriété intellectuelle, conseil, directives, et puis en fin 2002, il y a un avant-projet de loi français rédigé par le Conseil Supérieur de la propriété littéraire et artistique qui est sorti. Il est tombé dans les mains des gens du logiciel libre et c’est ce qui a amené à la création de l’initiative EUCD.INFO. Dans la mesure où on s’est tout de suite rendu compte qu’il y avait des problèmes majeurs, notamment pour les auteurs de logiciel libre, mais beaucoup plus largement pour le public. L’avant-projet de loi est depuis devenu un projet de loi déposé à l’Assemblée fin 2003 par le Ministre de la Culture de l’époque, M. Aillagon. Son examen par la commission des lois a débuté le 31 mai 2005 et puis au regard des événements politiques récents, l’examen en plénière a été repoussé.
Voilà. Ca, c’est un peu pour replacer d’où vient ce projet de loi, comment ça a été créé, et surtout d’où vient le cœur de la transposition, la protection des mesures techniques.
Maintenant sur les effets.
Il y a déjà il y a un point important, c’est le déséquilibre, c’est-à-dire qu’on remet dans les mains des titulaires de droit une capacité de contrôle de l’oeuvre et il y a une présomption de culpabilité sur le public. Il est tout de suite soupçonné d’utiliser les technologies de copie pour mettre à disposition, donc pour commettre, un acte de contrefaçon.
La base, c’est donc le déséquilibre, c’est-à-dire, il n’y a plus de confiance entre les auteurs, les créateurs, les producteurs et le public et on donne la possibilité aux créateurs et aux auteurs de contrôler le public, de prendre la main sur la machine car le public est suspect. Ensuite, nous on a identifié quatre grands champs pour les effets.
Déjà, il y a les droits du public donc, la copie privée, et plus largement le libre usage privé, qui jusqu’à présent était libre car non prévisible. On ne peut pas prévoir ce que va faire quelqu’un d’une oeuvre pour se l’approprier, pour s’approprier les pensées de l’auteur. Je crois que dans la loi de 85 que c’est apparu clairement. On mettait en place une redevance parce qu’on ne peut pas contrôler la copie domestique sans mettre en place des mécanismes intrusifs pour la vie privée. Et puis aussi parce pratiquement ce n’était pas possible.
En second lieu, il y a les problèmes de libre concurrence. La protection juridique des mesures techniques fonctionne par le secret ; donc, vous avez un logiciel qui permet d’accéder à un DVD ; ce logiciel est complètement opaque. Hors pour pouvoir lire le DVD, vous pouvez soit aller voir l’éditeur de la mesure technique qui contrôle l’accès au DVD et lui demander : « Est-ce que je peux avoir les licences pour pouvoir avoir accès au DVD ? ». Mais il y a aussi une possibilité, c’est que vous faites ce que l’on appelle de l’ingénierie inverse, c’est-à-dire, vous étudiez le format du DVD et puis vous contournez la protection et vous accédez directement. Cela s’appelle faire de la recherche en interopérabilité, et c’est tout à fait possible à partir du moment où il y a ce qu’on appelle une rétention d’informations essentielles à l’interopérabilité, c’est-à-dire que le fournisseur refuse de communiquer les éléments permettant d’interopérer, de lire le DVD en fait.
Mais avec la protection par le secret, on ne peut plus faire l’ingénierie inverse. On ne peut plus étudier comment fonctionne un programme informatique qui permet d’accéder à une oeuvre protégée. Et que font les fournisseurs de mesures techniques ?
Je vais prendre l’exemple d’Apple. Apple refuse à tout à tous les autres acteurs du marché des licences sur ses mesures techniques, pour rendre captif le consommateur. Cela permet de faire ce qu’on appelle de la vente forcée, c’est-à-dire que « Je tiens l’accès à l’oeuvre, donc la seule possibilité, c’est d’accéder avec mes logiciels et avec mes périphériques électroniques ». On a la chaîne qui est le service en ligne Itunes , le baladeur numérique Ipod ; et le logiciel, Itunes aussi il s’appelle, qui permet de relier les deux, donc de récupérer le transfert.
Microsoft a une autre politique. Eux c’est la politique de la dissémination, c’est-à-dire que vu ma position de marché à l’heure actuelle, 97, 95% de parts de marché sur le marché des systèmes d’exploitation, je mets systématiquement une mesure technique dans l’ordinateur qui est une machine-pivot, où tout passe, va et vient, et puis je passe des accords avec les industriels qui fabriquent des périphériques électroniques pour qu’ils mettent mes technologies dans leurs dispositifs et je reste bien central au milieu avec ce qu’ils appellent le Windows Média Center. Tous les flux multi-médias passent à travers avant de repartir vers des périphériques électroniques où il y a du Microsoft partout.
Au passage on exclut de facto les auteurs de logiciels libres. Le député Vanneste, qui est le rapporteur pour l’Assemblée Nationale, le dit lui même dans son rapport. Alors on est très heureux qu’enfin un politique le dise publiquement même si on est scandalisé. Pour la première fois, il y a un député, un politique, qui reconnaît que la publication d’un code source interopérant avec une mesure technique sera illégale Ça veut dire que tout logiciel libre qui permet de lire un DVD, d’accéder à une oeuvre protégée - ça peut être un document Word .. une oeuvre, c’est une expression originale, donc un document Word peut être protégé, - tous les logiciels libres donc qui veulent accéder à des oeuvres protégées par des mesures techniques, ne peuvent plus être divulgués sans risquer trois ans de prison et 300 000 € d’amende.
Alors, on s’étonne un peu de cette position-là, tout simplement que la commission des finances, de l’économie générale et du plan, à plusieurs reprises, a bien précisé que les logiciels libres étaient une voie pour l’Europe, pour récupérer son indépendance technologique, pour développer sa compétitivité, pour atteindre les objectifs de Lisbonne -qui me semblent loin- mais c’était une possibilité pour le faire. Et actuellement, le gouvernement français nous explique que : « Eh bien, non, le logiciel libre, nous, on va définitivement l’exclure du marché. Le rapporteur Vanneste le dit d’ailleurs lui-même : « le marché des mesures techniques est un marché important, mais avec peu d’acteurs et par peur qu’ils ne quittent la France, le gouvernement a prévu une disposition qui interdit la publication d’un code source ».
Alors, on retrouve là la rhétorique classique des gens de Microsoft et de la BSA qui est : « Quand on voit que le politique ne va pas céder, on menace : « si vous ne faites pas ce qu’on vous dit, on va quitter le pays ». On a eu la même chose sur des brevets au Danemark, c’est-à-dire : « Vous ne voulez pas défendre le projet de directive sur les brevets logiciels comme on veut qu’il soit et bien, nous on va quitter votre pays ». Donc, on est sur ce discours-là et on le retrouve dans le rapport.
Ca c’était donc pour la libre concurrence, qui est vraiment malmenée dans le projet de loi car on crée des monopoles illégitimes, des péages incontournables sur des technologies bas-niveau.
Et après il y a un problème de vie privée, de sécurité informatique. Vie privée pour les citoyens, sécurité informatique pour l’état, problèmes qui découlent de la protection par le secret. Là je vais citer le rapporteur Carayon, qui est le rapporteur spécial auprès du Premier Ministre pour le secrétariat général de la Défense nationale. Que dit-il ? Il dit : « Intel et Microsoft propose une solution qui a pour but d’empêcher le piratage des logiciels (mais elle peut aussi servir dans les DRM au sens large et ils sont actuellement en train de la déployer dans des périphériques vendus à la FNAC).
Cette solution présentée comme permettant de combattre le piratage, pourrait en fait permettre, (et je là cite toujours) « à des personnes mal-intentionnées ou à des services secrets étrangers de prendre le contrôle à distance à l’insu de l’utilisateur » ... Alors nous on osait pas trop dire ça. On nous aurait traité de paranos et on nous aurait dit : « Vous n’avez aucune légitimité pour venir nous dire ça ». Mais là c’est le rapporteur pour le Secrétariat général de la Défense nationale ce qui donne, peut-être, une autre ampleur à la chose.
Ca c’était les problèmes pour la vie privée des individus et la sécurité informatique au sens large, dans la mesure où le niveau de sécurité collective des Français dépend de leur niveau de sécurité personnelle.
Plus il y a de possibilités pour exploiter les failles de sécurité, pour mettre des backdoors des portes dérobées, et plus on cherche à empêcher les gens d’étudier ces fonctionnements-là et de dénoncer éventuellement des mécanismes qui seraient attentatoires à la vie privée ou à la sécurité informatique, et plus on fait le jeu de de personnes mal intentionnés ou de services secrets étrangers ...
Donc, droit du public, libre concurrence, vie privée et sécurité informatique, sont les quatre points qu’on a identifiés. Il n’y en a aucun qui est pris en compte dans le projet de loi.
Et dans les fait que fait ce projet de loi ? Il prévoit trois ans de prison et 300 000 € d’amende pour le simple fait de lire un DVD avec un logiciel non autorisé par l’éditeur du DVD. C’est comme si un éditeur de livres pouvait imposer une marque de lunettes pour lire les livres qu’il fait imprimer et que lire ces livres avec des lunettes d’une autre marque fasse risquer trois ans de prison et trois cent mille € d’amende. Les logiciels libres sont par principe interdits et la simple conversion d’un fichier au format MP 3 également.
Par exemple, je me dis je vais tester le téléchargement sur un site de vente en ligne. Je vais sur le service de la FNAC et je télécharge une chanson que je veux ensuite transférer vers mon baladeur MP3 qui, ô magie est soumis à la redevance copie privée. J’ai tout à fait le droit, c’est de la copie privée, la loi le permet, et en plus j’ai payé. Mais non. Alors je me dis je suis un petit malin et je vais sur Internet, sur Google. Il doit bien y avoir quelqu’un qui a trouvé une solution. Je télécharge. Je l’utilise - je l’ai pas fait - et là trois ans de prison, 300 000 € d’amende, parce que tout acte en fait et le rapporteur le dit lui-même, tout acte qui vise à s’émanciper de la protection quelle que soit sa finalité est un délit de contrefaçon. Comme il le dit, on crée une présomption d’utilisation déloyale. C’est ce que je disais au début : le public est par défaut suspect. La justification c’est que l’on n’a pas le droit de faire justice soit même ; c’est-à-dire qu’on revient sur les droits via des techniques et la personne qui essaye de s’en émanciper pour pouvoir jouir de ses droits , on lui dit : « Mais non vous allez aller voir le juge qui va résoudre le problème ... sauf que vu que les mesures techniques sur des DVD et des CD sont distribuées sur des marchés de masse ; c’est complètement utopique.
Alors nous à EUCD. INFO, on informe depuis deux ans là dessus et on voyait rien venir .... et là récemment, le responsable de l’unité « droits d’auteur » de la Direction du marché intérieur, le responsable de la direction du marché intérieur le plus concerné par la directive -on notera doula présence du droit d’auteurs dans le marché intérieur- donc le responsable le plus concerné par la directive a dit : En 2006, nous allons mener une grande audition, car il faut revoir l’acquis communautaire actuel en matière de droit d’auteur ; il y a trois possibilités : soit, on laisse faire le marché, donc la main invisible va frapper et tout va se résoudre, soit on revoit l’article 5-2b de la directive qui prévoit l’articulation faite entre les redevances et les mesures techniques, parce qu’on a bien vu qu’il y avait un problème entre contrôler la copie privée, la faire payer à l’acte, et avoir un mécanisme mutualiste qui prend en compte les copies pour que chacun puisse copier librement, donc, on va revoir cette disposition-là qui pose notamment un problème notable en France puisque c’est la redevance la plus élevée d’Europe, qui a été étendu d’ailleurs il y a moins de deux mois aux clés USB. Elle fait 200 millions d’euros actuellement. Et puis enfin, on s’est rendu compte que le logiciel libre pourrait permettre à l’Europe d’avoir une plus grande compétitivité et que c’est intéressant les logiciels libres pour l’Europe. On s’est rendu compte en fait qu’on ne les avait pas pris en compte les auteurs de logiciels libres lors de la rédaction de l’acquis communautaire actuel et qu’il va falloir les prendre en compte.
Alors, nous on est heureux de cette position, pour une raison simple, c’est qu’en janvier 2005, la Commission européenne a fait condamner la France pour non-proposition de la directive. Trois mois après, il y a quelqu’un qui nous explique : « On vous a fait condamner, mais en fait il y a deux problèmes majeurs, mais on n’a aucune solution et on va peut-être faire quelque chose début 2007, si le marché n’a pas réglé le problèmes avant ».
C’est l’argument, utilisé par le Gouvernement et le Parlement, pour passer en urgence, c’est-à-dire, on s’est fait condamné et si on ne veut pas d’amende, il faut aller très, très vite pour transposer la directive. Nous on pense qu’il ne faut pas aller aussi vite que ça, qu’il faut prendre le temps de regarder ; de peser la balance. Il y a a un moment, il faut prendre en compte les intérêts du public justement, qui ne peut pas payer pour quelque chose qu’il ne peut pas faire, et prendre en compte les intérêts des auteurs de logiciel libre aussi. Je rappelle que ce sont des gens qui sont reconnus par l’UNESCO au travers du projet GNU qui est un projet-phare du logiciel libre, c’est LE projet-phare. Il est classé Trésor du Monde par l’UNESCO le projet GNU. On va censurer les auteurs classés par l’UNESCO au nom du droit d’auteur ! D’un point de vue culturel, c’est un petit peu difficile.
Intervention de Mme Marie Blandin, Sénatrice du Nord.
Juste une information : Christian Vanneste était conseiller régional dans la région que j’ai présidée. Il est député, je le confirme. Il faut vous mettre dans la tête le personnage. Il sort de la commission permanente quand on finance la gay pride. Il attaque physiquement les prisonniers de AIDS venu faire une petite manifestation pour le droit à la prévention du SIDA en prison devant le préfet.. Il organise une manifestation avec le Front National quand je fais diffuser En attendant..... en présence de René.....
Intervention de Pascal Cohet, porte parole de la ligue Odébi
Pour rebondir sur Vanneste, effectivement il va passer le 29 juin je crois devant un tribunal pour propos homophobes me semble-t-il, bonne nouvelle aussi il y aussi, et cela va intéresser la Spédidam, des sous catégories de personnes dans le rapport. Passons sur le cas de ce personnage. Je suis Pascal Cohet, j’interviens en tant que porte parole de la ligue Odébi qui est née en mars 2002 de la volonté des associations d’internautes haut débit de se regrouper pour avoir une structure dans laquelle on étudiait nos problématiques communes.
Les objectifs majeurs de la ligue c’est de défendre les droits et libertés fondamentaux des internautes : liberté civile, d’expression, le droit d’accès à un juge indépendant et impartial, le libre à la culture, à l’information, aux savoirs, à l’internet pour tous ; sachant que pour nous Internet ça a vraiment la dimension d’une république numérique L’accès à Internet c’est pour nous ni plus ni moins que l’accès au statut de citoyen numérique. C’est peut-être un thème qui est un peu sous estimé pour un certain nombre de gouvernants.
Je vais essayer de faire bref sachant que Christophe Espern a fait quelque chose d’accès complet en fait sur EUCD. Moi je veux juste redonner deux petits coups de macroscope sur deux espaces en fait pour bien comprendre où on met les pieds. Je pense que politiquement il faut avoir une vision assez large, une vision d’ensemble, et bien voir cette pièce de puzzle que l’on est en train d’étudier et voir avec quelle autre pièce elle s’articule. Je vais présenter deux espaces très rapidement : l’espace géo-législatif et l’espace techno-chronologique. Rapidement, la législation dans l’espace. Ce que je voudrais démontrer c’est qu’il y a aujourd’hui un impérialisme législatif, il faut le savoir. Donc, très vite fait, comme l’a dit Christophe la directive EUCD est issue des accords OMPI qui on dix ans maintenant. Ces accords OMPI ont donné naissances au DMCA aux États-Unis et la directive européenne EUCD qui en Europe va être transposée en France par le projet de loi droits d’auteur et droits voisins, et qui heurte frontalement la loi de 1985. A ce sujet c’est intéressant de se poser les bonnes questions et non pas les fausses questions, celles qui ont été médiatisées. Et de savoir qui a intérêt dans la directive ? Qui a intérêt dans la loi de 85 ? Je pense que pas mal de gens peuvent dire que les majors ont intérêt à défendre l’ EUCD et les artistes ont plutôt intérêt à défendre la loi de 85. Donc il y a des intérêts politico-économiques en présence.
Pour revenir sur cette directive EUCD elle n’est pas la seule. Cette directive qui est encadrée dans un paquet d’autres directives qui, mises les unes derrière les autres, dessinent une société techno totalitaire. Il faut être clair avec ça et bien le voir. Il y a une directive en préparation sur les logs de connexion, c’est à dire la surveillance de ce que chacun fait à chaque instant, et l’enregistrement, sur Internet. D’ailleurs les lois en France, on attend les décrets d’application, on constate que la façon de faire du gouvernement français à l’heure actuelle c’est de ne surtout pas sortir le décret en France et puis en douce au niveau des instances européenne de proposer une directive qui fait la même chose pour avoir ensuite à la transposer en France avec ensuite. l’alibi sorti par Nicole Fontaine au moment de la loi sur la confiance dans l’économie numérique « Ce n’est pas de notre faute, c’est la faute à l’Europe ». Après on s’étonne qu’il y ait un rejet des instances européennes. Il y a les brevets logiciels. Inutile de revenir dessus tellement c’est délirant. On voit bien par qui ils sont défendus, du côté américain. La directive IP Enforcement, qui n’est pas triste non plus, portée par Janelly Fourtou. Il me semble bien que Daniel Cohn Bendit a dénoncé un conflit d’intérêt, Janelly Fourtou étant la femme du président de Vivendi Universal. L’intervention de Cohn Bendit est très très difficile à retrouver sur Internet. Elle semble avoir disparue.
Autre directive, la 2000/31 qui a donné lieu en France la loi sur l’économie numérique. Il y a une autre directive qui a donné lieu à la transposition en France de la loi informatique et libertés. L’ensemble de ces directives en fait défendent des intérêts politiques et économiques particuliers. On voit deux grands axes : celui des majors et de l’industrie du cinéma américain (ça c’est pour les intérêts économiques particuliers), l’autre axe c’est l’axe politique avec un discours de terreur qui est exporté vers l’Europe et où on demande gentiment aux européens de bien vouloir adopter des lois toutes aussi attentatoires aux libertés individuelles les unes que les autres au prétexte qu’il y aurait des problèmes de terrorisme.
On voit aujourd’hui pour ce qui est de l’EUCD exactement les mêmes lobbys à l’oeuvre qu’au moment de la loi économie numérique. C’est pour ça que je dis qu’il faut bien faire attention où on met les pieds et qui porte quoi. Ce lobby a demandé un certain nombre de choses dans la loi sur l’économie numérique : le filtrage de l’internet français aux frontières, comme on fait en Chine, la suppression du caractère privé du mail, la surveillance des contenus, on a eu aussi une tentative de mise sous tutelle du CSA, et aujourd’hui on en arrive à des menaces de 300 000 euros d’amende, on veut nous interdire de simplement lire un CD ou un DVD qu’on a acheté, bon pourquoi pas.
Donc, il y a un discours de terreur chimérique, qui est exporté depuis les États-Unis directement en Europe, puis en France et jusque dans les établissements scolaires français et à cette occasion la ligue Odébi dénonce avec la plus grande fermeté la propagande que le gouvernement français a essayé d’aller servir aux élèves dans les établissements scolaires. Et je parle bien de propagande. Il faut savoir qu’il vient d’y avoir un rapport de l’OCDE qui dit qu’il n’y a pas de lien causal entre téléchargement et baisse de ventes de CD. Il semblerait qu’il y a eu un certain nombre de pressions pour que ce rapport ne sorte pas, mais il a fini par sortir. C’est ce que dit la ligue depuis le début. Il n’y a pas de lien causal. Aujourd’hui, le P2P, les jeunes sur Internet c’est le « péril jeune ». Et on va sortir ce truc là dans les écoles françaises. On menace, pour voir un petit peu le niveau de délire législatif auxquels on arrive, les enfants de 300 000 euros pour contrefaçon. Le chiffre brutal aujourd’hui c’est qu’en France violence physique sur mineur c’est 45 000 euros. Voilà comment est aujourd’hui la loi française. Très précisément on voit quels sont les intérêts d’une certaine majorité parlementaire. Donc clairement l’intégrité physique des enfants est moins bien défendue aujourd’hui que les intérêts des majors par exemple.
Maintenant dans un espace plus sur l’évolution chronologique des technologies, vite fait, il y a deux notions importantes qu’il faut avoir : la notion de convergence et la notion d’hybridité. Car ça c’est un truc un petit peu passé à l’as et qui est récupéré par certains. Au début les choses étaient simples, on avait le téléphone, la radio, la télévision, les chaîne hifi puis ensuite il y a eu les ordinateurs, le magnétoscope, le micro-ordinateur, le lecteur de CD, le lecteur de DVD, Internet, les baladeurs. Au niveau des supports on a eu le vinyle puis les cassettes, les CD, les cassettes VHS, les disques durs, les clés USB et au niveau des transmissions c’était en filaire, en radio et puis en satellite. Ce qui se passait c’était qu’au début les choses étaient très simples.
Pourquoi je parle de ça ? Parce qu’on a parlé de la rémunération des artistes........... Au début un téléphone servait à téléphoner, une cassette servait à enregistrer un vinyle, une VHS enregistrait un film, et puis voilà. Et aujourd’hui, un ordinateur ça peut servir à lire de la musique, ça peut aussi être utilisé dans un hôpital. Ce qui se passe aujourd’hui c’est que les supports sont hybrides. On peut très bien utiliser une clé USB ou un PC pour enregistrer un morceau de musique ou un film. On peut très bien les utiliser pour par exemple de l’imagerie médicale. Il y a aujourd’hui donc du fait de cette hybridité une récupération, il y a une attitude de propriétarisme des industries culturelles qu’on retrouve dans la commission Brun Buisson. Tout ce qui est Internet, ordinateurs semble appartenir à l’industrie du disque et maintenant du cinéma puisque l’industrie du disque a appelé au secours le lobby du cinéma pour l’aider parce qu’elle n’y arrivait pas. Pour illustrer par exemple cette notion de propriétarisme il y a eu un jour ce cher Nicolas Seydoux au Sénat exprimé froidement devant un parterre de sénateurs et de lobbys ou contre lobbys d’ailleurs que finalement l’internet a haut débit ça servait à télécharger des oeuvres sous copyright. Le gars qui a jamais vu une animation Flash qui fait loading, loading, skip intro. Donc, cette attitude de propriétaire aujourd’hui nous on la rejette, on dit qu’il ne faut pas se tromper de problème.
De l’argent il y en a, il y en a beaucoup. Le problème c’est : où il est perçu et comment il est redistribué. On aimerait bien que les artistes par exemple aient la capacité d’affronter les majors et les producteurs. Parce que le vrai problème il est là en fait. C’est un problème de pourcentage, c’est un problème interne à l’industrie du disque. Quand je dis que oui les internautes c’est le péril jeune, c’est exactement ça : la baisse de ventes de CD.... faut pas rêver l’argent il y en a. Le problème c’est une lutte interne, c’est un problème de pourcentage. Donc, on peut très bien concevoir que les artistes soient pieds et poings liés par ceux qui les payent mais ce n’est pas aux internautes d’en faire les frais. Juste pour revenir sur cette notion, pour terminer. On parle des pirates. Aujourd’hui il y a clairement un parasitage économique et ça va même plus loin que ça. On en est vraiment à une vampirisation car aujourd’hui, désolé de le dire, les industries cultures vivent avec l’argent du système de santé français. Les hôpitaux, les médecins, l’imagerie financent les majors aujourd’hui. Ca c’est quelque chose qui n’est pas tout à fait acceptable.
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Trois petits points : le projet de directive « brevets logiciels » va passer au parlement européen le 6 juillet. Deuxième chose, sur la propagande dans les établissements scolaires je crois que les Verts ont été le seul parti à réagir, à prendre position contre ça. Troisième chose, quand on parle de propagande on évite des termes comme « piratage » justement qui est un terme de propagande je le rappelle.
Oui, c’est difficile de faire les guillemets avec les petits doigts au micro :
Intervention de Mme Marie Blandin, Sénatrice du Nord.
C’est pas vrai parce Renaud Donnedieu de Vabre cherche désespérément un mot à la place de piratage parce qu’il trouve que le terme est trop sympathique.
Intervention de M .Christophe Espern, co-fondateur de l’initiative EUCD.INFO.
Il a trouvé parce qu’il a dit que c’était un crime contre l’esprit.
Intervention de Sébastien Canevet, Maître de Conférence en droit privé. Droit et Internet
Je m’appelle Sébastien Canevet. Je suis maître de conférences en droit privé.
Je suis un vieil utilisateur de l’ordinateur, etc ... Je passe depuis une dizaine d’années pour un affreux libertaire qui veut la mort du droit d’auteur. J’avoue que la chose commence vraiment à m’énerver dans la mesure où je suis moi même auteur en tant qu’universitaire, et je suis même depuis trois ans éditeur puisque j’ai créé avec quelques amis une maison d’édition qui n’est plus vraiment dans la miniature puisque nous allons avoir après un troisième tour de table 150 000 euros de capital social et on va déjà diffuser une dizaine de milliers d’exemplaires de nos bouquins.
Je ne suis, je vous l’avouerai, pas très, très l’aise d’intervenir après les deux orateurs précédents qui sont des amis, qui ont dit, ma foi 90% de ce que j’aurais pu dire. Il me reste donc à vous parler du droit. Alors je ne vais pas faire du droit avec vous. Je vais vous parler du droit ou plus exactement vous dire du mal du droit.
Très sincèrement, faire du droit, pour vous décomplexer vis à vis de ma ma matière, faire du droit c’est très facile. C’est à la portée de n’importe qui. Moi par exemple, je peux vous improviser, par exemple, un projet de directive européenne interdisant de vider la mer à la petite cuillère. Très facile. Article 1er : il est interdit de vider la mer à la petite cuillère. Article 2 : le commerce des petites cuillères demeure libre sur le territoire européen. Article 3 : Est créé un Conseil supérieur des petites cuillères, etc, etc ...C’est pas difficile de faire du droit, ce qui est difficile, c’est de faire de la justice.
Ce qui se passe actuellement en fait, juridiquement, ne change pas tellement de ce que l’on fait depuis quelques décennies. Par exemple, avant de venir ici je suivais un peu par hasard une charmante demoiselle qui chantonnait un air à la mode, c’était de l’opéra Notre Dame je crois, et cette demoiselle aurait probablement été très surprise si je lui avais dit qu’elle risquait, en chantonnant dans la rue, 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende. Suivez mon raisonnement.
C’est une oeuvre protégée soumise à droit d’auteur. Est interdite toute représentation publique. Cette demoiselle faisait une représentation publique d’une oeuvre protégée, donc c’était une contrefaçon. Trois ans de séchoir et 300 000 € d’amende.
Alors vous allez me dire c’est purement théorique, oui c’est vrai c’est purement théorique. Je ne pense pas qu’on trouve un plaideur fou ou un procureur fou pour lancer une poursuite contre cette demoiselle.
Donc les choses ma foi se stabilisaient auparavant parce ce que c’était tellement déraisonnable d’appliquer le droit jusque là que les choses se stabilisaient. Elles étaient auto-stables. Mais avec l’utilisation des réseaux, des nouvelles technologies, et bien ce système qui était auto-stable se retrouve déstabilisé. C’est à dire que ce qui était déraisonnable, ce qui était inconcevable, parce qu’on ne pouvait pas mettre un inspecteur de la SACEM derrière chaque piéton dans la rue, et bien avec le réseau cela devient tout de suite possible. C’est à dire que c’est techniquement possible donc on va le faire. Comme si toute possibilité scientifique, toute possibilité technique attirait immédiatement le progrès sur la société, parce qu’on peut le faire donc on le fait.
Le résultat on vous l’a dénoncé je vais pas y revenir mais c’est quand même un risque majeur non seulement pour l’intimité, mais également pour la liberté, non pas d’expression, mais carrément la liberté de pensée. Jusqu’à présent si vous avez honte de lire tel ou tel journal, vous l’achetez dans un quartier où vous n’êtes pas connu, vous le payez en liquide, vous le mettez dans un sac en plastique, personne ne sait que vous lisez le journal en question. Avec les nouvelles technologies, le flicage est d’ores et déjà techniquement possible, même si c’est pas encore complètement exploité. Et bien les lois qu’on est en train de de nous proposer, c’est la même chose.
Je vous dirai le fond de ma pensée je suis persuadé que les multinationales se contrefichent de la vie privée du citoyen. Elles n’ont rien contre, elles n’ont rien pour. En revanche, elles ont quelque chose pour gagner un maximum d’argent et si il s’agit de sacrifier la vie privée des citoyens par effet collatéral - comme disent les militaires pour dissimuler ce que vous savez ... et que donc par effet collatéral une multinationale - ce n’est même pu l’état, c’est carrément une multinationale - va savoir que vous avez lu tel journal, ou tel livre ou écouté telle musique avec les DRM, là on a un véritable problème. C’est à dire que ce système auto-stable et qui était tellement ridicule et que l’on ne pouvait pas mettre en oeuvre avant, maintenant on est en plein dedans. C’est à dire qu’on va mettre en danger non seulement la liberté d’expression mais aussi la liberté de conscience, la liberté d’opinion. Est-ce que je vais encore oser lire tel ou tel site web, ou tel ou tel livre numérique si je sais qu’une société privée va savoir, pour récupérer des droits d’auteur au passage, ce que je suis en train de lire ?
François Lubrano, Président Gérant de la SPEDIDAM
Quatre réactions. En tant qu’artiste l’analyse de Pascal Cohet me paraît tout à fait pertinente et je fais le même constat. Simplement, j’aimerais réagir sur quatre points.
Le premier : dire comme cela que les artistes interprètes ont intérêt à la rémunération pour copie privée est réducteur. Les choses sont plus compliquées que cela. Ce qui anime les artistes interprètes, c’est avant tout un esprit citoyen. Les artistes interprètes sont dans une fragilité extrême car la présomption de salariat dont ils bénéficient est sans cesse remise en question - par la remise en cause des annexes 8 et 10 à la convention générale d’assurance chômage - et leurs contrats sont a durée déterminée. Ce ne sont donc pas que des intérêts corporatistes qui animent les artistes interprètes. Ce sont des intérêts citoyens avec, bien entendu, un intérêt de survie.
S’agissant d’un deuxième point, à savoir les supports qui peuvent servir à diverses utilisations autres que l’enregistrement de musique ou d’autres œuvres protégées par la propriété littéraire et artistique : effectivement, les supports peuvent servir à d’autres utilisations comme cela a toujours été le cas. Par exemple, les médecins et les traducteurs se servent fréquemment de la cassette audio analogique pour enregistrer leur voix. Les barèmes de la redevance copie privée qui avaient été fixés sur ces cassettes ont justement tenu compte du fait que certains pouvaient s’en servir pour copier de la musique et d’autres pour fixer uniquement de la parole ou du texte. Cela n’a jamais posé de problèmes. On pourrait parler de la redevance audiovisuelle de la même manière.
En troisième lieu, il a été évoqué à juste titre le problème de la fixation des barèmes concernant la copie privée au sein de la commission L. 311-5. J’aimerais attirer l’attention à la fois de monsieur Cohet mais également de tous les autres participants. Contrairement à d’autres représentants, la SPEDIDAM n’a jamais souhaité d’augmentations déraisonnables de la rémunération pour copie privée ou qui nous paraissent injustifiées. Nous tenons en effet à ce que cette commission ne soit pas déstabilisée. Il faut bien comprendre que si celle-ci venait à imploser, nous risquerions d’en revenir au « tout droit exclusif », grâce auquel l’industrie du disque exerceraient un monopole de fait sur la gestion des droits qui reviennent aux artistes. Il faut donc être très vigilant lorsqu’on parle de cette commission. Dans ce débat là, les artistes, et notamment la SPEDIDAM, constituent l’un des derniers remparts à ce monopole. Les autres sociétés civiles ne sont pas toutes dans le même cas de figure. Je pense à certaines d’entre elles qui subissent régulièrement les pressions des quatre multinationales.
La quatrième remarque concerne les propos qui ont été tenus sur le thème : « ce n’est pas aux internautes de faire les frais de la lutte interne entre les artistes et les majors qui les payent ». On ne peut pas prétendre que les majors rémunèrent justement les artistes. Contrairement aux artistes solistes, ceux qui sont représentés par la SPEDIDAM ne reçoivent qu’un cachet unique lors de l’enregistrement dont le montant n’a pas augmenté, pour certains, depuis des années. Leur rémunération vient de leur contrat de travail. Les autres rémunérations sont issues des licences légales. Mais ce ne sont pas les majors qui s’acquittent des droits issus des licences légales, ce sont les bénéficiaires (entendre par là : les radios, les lieux sonorisés et les discothèques). S’agissant des artistes principaux, là encore il y aurait beaucoup à dire quant aux montants des pourcentages qui leur sont accordés au travers des contrats d’exclusivité et aux obligations imposées dans leurs contrats. Je suis heureux qu’on fasse le même constat mais je tenais à mettre un ou deux bémols sur l’analyse précédente.
Intervention de M. Sébastien Canevet Maître de Conférence en droit privé. Droit et Internet.
Au sujet des supports hybrides et de la copie privée je comprends tout à fait l’intérêt du système mais il a un petit peu vieilli, ça date de 85, le texte sur le support vierge qu’il s’agit de cassettes audio ou vidéo 90 ou 95% de ces supports vierges étaient utilisés pour faire de la copie privée. Donc les 5% restant ça se noyait, passons. En revanche les supports vierges actuels ne sont pas utilisés du tout dans ces proportions là. Les chiffres que j’ai sont probablement contestables mais c’est à 70% des usages autres que l’usage de copie privée, c’est à dire des usages informatiques, de la sauvegarde, de la reproduction de logiciels en code source etc c’est à dire l’ensemble du système tel qu’il est appliqué maintenant avec les utilisations actuelles, quand on parle de rémunération équitable, si vous me permettez ce jeu de mots, c’est vraiment une équité qui ressemble à l’équité du « donne moi ta montre, je te donnerai l’heure ».
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
Intervention de M .Christophe Espern, co-fondateur de l’initiative EUCD.INFO.
La rupture d’équilibre elle a eu lieu. Actuellement c’est déséquilibré. Par exemple les poursuites pour téléchargement. Il y a un débat sur la copie privée etc, les producteurs sous l’égide du gouvernement font une campagne répressive etc, la rupture existe, il y a une extension de la copie privée qui s’est faite il y a quelques temps, je crois que l’UFC avait quitté, vous êtes revenu après, sur les clés USB.
Intervention de M. Julien Dourgnon, représentant UFC Que Choisir
C’est plus compliqué que ça.
Intervention de M .Christophe Espern, co-fondateur de l’initiative EUCD.INFO.
bon, en tout cas la rupture d’équilibre existe déjà puisqu’il y a déploiement des mesures techniques sur le marché. La commission européenne pousse ce type de mesures techniques. Moi je suis pour la redevance, je trouve le mécanisme mutualiste intéressant. Ca évite, je l’ai dit tout à l’heure, ça empêche l’atteinte à la vie privée. On cherche à déployer des dispositifs de contrôle de la vie privée. Maintenant il faut être très clair, il faut rejeter, de façon bruyante et effective, il faut rejeter très clairement les mesures techniques en disant « c’est l’un ou l’autre ». A la commission européenne, c’est très clair, ils se posent la question. Ils voient bien que les états membres un peu lâches, un peu pleutre ils gardent les deux. Double paiement pour le consommateur qui n’en tire rien, les producteurs ils ferment les yeux effectivement je pense qu’ils veulent tuer la redevance etc parce qu’ils ont tout intérêt à repasser en droit exclusif mais cela n’empêche pas, c’est l’un ou l’autre, c’est pas les deux en mêmes temps. Les mesures techniques il faut les rejeter frontalement. On ne veut pas être contrôlés pour notre usage privé parce qu’on paye pour avoir un libre usage privé. Je rappelle que le traité OMPI n’a pas été ratifié. Ces obligations internationales n’existent pas.
Intervention M. Pascal Cohet, de la ligue Odébi
très vite fait. Je suis assez étonné de l’attitude d’une association de défense de consommateurs qui consiste à promouvoir l’augmentation de la taxation des consommateurs. Première chose. Deuxième chose : n’en déplaise à l’UFC, élargir l’assiette mais la réalité aujourd’hui le téléchargement sur Internet n’a jamais été démontré comme étant la cause d’une éventuelle baisse de vente de CD. Je ne comprends pas trop l’intérêt qu’a l’UFC, sauf manoeuvre politico je ne sais pas quoi, à prôner cette augmentation des taxes. Et enfin, pour finir, une dernière chose. Si l’UFC représente des consommateurs, nous on représente des internautes citoyens, on représente des citoyens numériques. Vous pouvez être sûr qu’on se battra jusqu’au bout pour préserver l’accès au plus grand nombre à ce statut de citoyen numérique, à Internet. Et ne vous en déplaise, la réalité c’est qu’il y a des gens qui ont un faible pouvoir d’achat et qui ont du mal à se payer un abonnement à Internet et ceux là on sera toujours là pour les défendre.
Deuxième table ronde : Quelle(s) solution(s) alternative(s) à la répression des échanges sur le réseau Internet pour la rémunération des ayant droits ?
Animée par M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts »
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Je propose que François Lubrano présente le projet de la Spédidam, l’UFC, l’ADAMI, mais avant une intervention rapide.
Intervention de M. Jérôme Gleizes
On a affaire à ce qu’on appelle une stratégie du bouc émissaire, c’est-à-dire qu’il suffit qu’il y ait un terroriste qui envoie un mail à Al Quaïda avant le 11 septembre, pour que, potentiellement, toutes les personnes qui envoient des mails soient des terroristes en puissance. Dans le face à face là je crois que le problème n’est pas sur la rémunération en tant que telle, mais sur le financement de la rémunération. Après on peut se poser des questions sur les sources du financement. Ça peut être le rétrécissement de l’assiette, ça peut être une taxe sur les communications, ça peut être autre chose. Il ne faut pas se tromper de débat. Là, on a une question qui sert de « bouc émissaire » pour réduire les libertés. La défense des libertés, c’est quand même le point principal de ce débat là. Ce n’est pas la rémunération des auteurs. Elle est importante. Mais, à mon avis, elle est à tout prix à dissocier, sinon on tombe dans le piège qui est tendu par ceux qui veulent cette directive.
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Je vais donner la parole à François Lubrano sur la licence globale avec trois questions : la position de la Spédidam par rapport aux mesures techniques de protection, une explication sur le financement et sur la répartition, c’est-à-dire sur la mise en place pratique de vos propositions et ensuite je laisserai intervenir Antoine Moreau qui a peut-être d’autres propositions sur ces aspects-là.
Intervention de François Lubrano, Président Gérant de la SPEDIDAM
S’agissant du « peer-to-peer », qui est un phénomène de société, on constate un net décalage entre le droit et la pratique. Nous pensons, comme cela a été dit, que la politique du tout répressif va à l’encontre de l’avancée majeure que représente Internet. Les internautes ne sont pas, dans la majorité des cas, des contrefacteurs. Le ralentissement du marché de l’industrie multinationale phonographique s’explique par un certain nombre de facteurs. Par ailleurspersonnen’aencorerapporté la preuve formelle, à ma connaissance, de l’existence d’un lien directde cause à effet entre le téléchargement sur peer-to-peer et la baisse du disque. Je crois que cela a été rappelé par Pascal Cohet.
On constate par ailleurs que les actions répressives, qui sont souvent violentes, n’ont pas manqué de choquer. Même les magistrats s’indignent. Par ailleurs, les systèmes de filtrage posent un problème s’agissant de la liberté individuelle, mais aussi et surtout parce que ces systèmes encouragent parallèlement le développement de logiciels de cryptage qui permettent un anonymat quasi-total. Ceci contribue à l’opacification du trafic dont pourrait bénéficier la pédophilie ou le terrorisme. La situation est beaucoup plus grave qu’on ne le croit.
Les propositions allant vers du « tout droit exclusif » faites par l’industrie du disque, la SACEM ainsi que par le ministère de la Culture d’ailleurs et d’autres organisations syndicales, sont de fait rendues obsolètes depuis la sortie du logiciel StationRipper qui permet d’avoir accès à plusieurs milliers de stations radios dans le monde. Vous pouvez ainsi télécharger à partir de 600 radios simultanément. Or, Hervé Rony du SNEP, lui-même, a dit que « de toute évidence ce genre de logiciels est préoccupant car a priori la copie semble légale » (Ratiatum, 15 février 2005). Ce logiciel vous permet de reproduire immédiatement et légalement toutes les dernières nouveautés qui sortent aussi bien en France que dans le reste du monde. Face à ce phénomène, quel est donc l’intérêt de rendre illégal les actes de téléchargement sur le peer-to-peer ?
Pourquoi légaliser l’échange de fichiers sur le peer-to-peer ?
La SPEDIDAM est favorable à ces échanges de fichiers parce que l’ensemble des artistes que nous représentons y voit un nouveau moyen de promotion et de distribution qui contribue à leur diffusion face à l’appauvrissement musical constaté sur les médias traditionnels, puisque vous n’avez actuellement plus qu’une quarantaine d’œuvres ou d’artistes qui sont réellement exposés. C’est un espace de liberté et, surtout, c’est une garantie de maintien de la diversité culturelle et musicale choisie par le public indépendamment de toute stratégie de marketing. Il faut savoir qu’actuellement, sur une production annuelle de 12 000 disques, quelques centaines à peine sont exposés. Les artistes voient donc le peer-to-peer comme une opportunité. Ils ne souhaitent absolument pas la mise en place des mesures techniques de protection et des DRM.
Les enjeux au-delà du peer-to-peer : la récupération des droits exclusifs
J’aimerais insister sur le fait que les DRM et le peer-to-peer ne doivent pas masquer l’enjeu essentiel qui se cache derrière tous ces débats. L’enjeu essentiel, à notre avis, est le contrôle et le monopole de la diffusion sur Internet par l’industrie multinationale et phonographique. Comment et pourquoi ?
Avec la loi de 1985 les artistes interprètes se sont vus reconnaître, après 30 ans de lutte, ce que l’on appelle des droits voisins au droit d’auteur. Ces droitss’appliquent sur ce qu’on appelle les utilisations secondaires. Quand un artiste enregistre en studio une musique de film, il est rémunéré pour cette première fixation (l’enregistrement) et cette première destination (musique de film). Lorsque son interprétation est utilisée à d’autres fins que la première destination (DVD, VHS, CD ...), on appelle cela des utilisations secondaires qui requièrent l’autorisation des artistes accompagnée d’une rémunération supplémentaire. Cette autorisation est donnée par la SPEDIDAM au travers de la gestion collective. Il faut bien intégrer cela.
Deuxième chose, le ministre de la Culture répond actuellement à tous les députés et sénateurs qui le questionnent au sujet des droits des artistes : ne vous inquiétez pas car « il appartient aux titulaires de droits concernés de délivrer les autorisations nécessaires et de conclure des conventions avec les utilisateurs [entendre ici les télévisions] qui permettent à la fois d’assurer la juste rémunération de tous les ayants droit concernés et une large définition des phonogrammes du commerce ». Ce qui est oublié c’est que la maîtrise des « droits concernés » échappe malheureusement aux artistes. En effet, la première des choses que l’on demande à un artiste quand il entre en studio pour travailler, ce n’est pas s’il sait lire la musique ou s’il sait jouer, c’est avant tout s’il cède tous ses droits exclusifs au producteur.
Les exceptions au droit exclusif menacées
Et dans la loi, à côté du droit exclusif, il existe deux exceptions. Ce sont deux licences légales. « Licence » : autorisation ; « légale » : donnée par la loi. La première licence étant la rémunération équitable partagée à 50/50 entre artistes et producteurs. Elle est accordée à tous les diffuseurs : radio, lieux sonorisés, discothèques. Ces diffuseurs ne sont pas soumis au régime du droit exclusif (droit d’autoriser ou d’interdire) des artistes et des producteurs. Ils ont donc un régime de licences qui leur permet de diffuser ce qu’ils veulent, quand ils veulent, comme ils veulent, sans avoir à demander l’autorisation aux producteurs et aux artistes. En contrepartie, ils s’acquittent d’une redevance calculée sur leur chiffre d’affaires. Il faut savoir que cette licence légale, appelée « rémunération équitable », est remise en cause en permanence par l’industrie du disque. Nous avons perdu un procès essentiel en novembre 2004 ayant pour conséquence de réduire considérablement l’assiette de la rémunération équitable.
La deuxième licence légale est la copie privée qui est remise en question depuis des années et, plus récemment au travers des traités OMPI de 1996, des mesures techniques de protection et, actuellement, à travers les poursuites judiciaires intentées contre les internautes.
Ces deux licences font que le contrôle des droits exclusifs et des rémunérations qui sont dévolues aux artistes échappe aux producteurs, ce qui explique leur remise en question permanente.
Disparition de l’aide à la création
Aujourd’hui, on se sert du peer-to-peer comme d’un cheval de Troie : dans l’ère analogique, les artistes bénéficiaient de ces licences légales. N’oublions pas que 25% des sommes qui sont perçues au travers de ces licences par les sociétés civiles doivent obligatoirement être redistribués aux actions de création, diffusion du spectacle vivant et à la formation d’artistes. Il faut bien réaliser que si les sommes perçues au titre des licences (copie privée et rémunération équitable) disparaissaient, il en serait forcément de même pour les sommes dévolues à l’aide à la création artistique. Ce serait un cataclysme culturel en France.
La SPEDIDAM apporte son aide à plus de 1 500 dossiers par an. Il en va de même pour d’autres sociétés civiles. Si ces sources de financement venaient à se tarir, de nombreux lieux de diffusion pourraient être mis en grande difficulté.
Contrôle de la culture par les multinationales
Nous avions donc, dans l’ère analogique, ces deux licences : copie privée et rémunération équitable. Nous passons maintenant à l’ère numérique. Dans l’avenir, on peut imaginer que tout sera diffusé sur Internet : radios, télévision etc... Les multinationales, qui fonctionnent sous un régime juridique de type copyright, au travers duquel le producteur estdétenteurde tous les droits, essaient d’imposer leur modèle. Si demain il est dit que la diffusion musicale au travers du peer-to-peer dépend du droit exclusif, on peut en déduire que, dans l’avenir, toute la diffusion musicale sur Internet dépendra de ce droit que les producteurs tentent de s’accaparer.
D’ailleurs pour appuyer l’intervention de Julien Dourgnon, les consommateurs n’auront pas le choix dans ce débat-là : soit c’est la primauté du droit exclusif et le consommateur ne bénéfice plus de l’exception pour copie privée et de l’espace de liberté qu’il a expérimenté jusqu’à aujourd’hui, soit il y a de l’autre côté, un système de licence globale qui permet cet espace de liberté, de diversité et de démocratie culturelle.
Le problème majeur est là : le risque de revenir à un système excluant toutes licences et de passer à un système de type « copyright » garantissant un monopole et un contrôle de la diffusion par quatre multinationales dans l’ère numérique. C’est ça le cœur du débat.
Il est fondamental que le législateur intervienne pour garantir aux artistes une rémunération équitable et pour copie privée sur la diffusion des œuvres et, aux citoyens, la possibilité d’effectuer librement des copies à titre privé, ce système permettant de surcroît de financer la création artistique. L’artiste et le consommateur sont donc bien en situation de symbiose, d’interdépendance.
Il est important que chacun ait bien conscience, lorsqu’il devra se prononcer, des implications de ses choix politiques. D’un côté, cet espace de liberté ; de l’autre, un contrôle total de la diffusion.
Je vais maintenant vous exposer la proposition de la licence globale.
Une licence globale pour les échanges entre particuliers sur l’Internet
Le principe, pour légaliser les échanges d’œuvres sur le peer-to-peer, c’est d’instaurer une licence globale. Cette licence permettrait, d’une part, de légitimer une fois pour toute le téléchargement en prévoyant de prélever une somme spécifiquement destinée à rémunérer la copie privée pour les actes de download (données descendantes). D’autre part, cette licence couvrirait également les actes de mise à disposition (d’upload), illicites pour le moment, en instaurant une gestion collective obligatoire des droits exclusifs assuré par une société de perception désignée par voie ministérielle. Troisième point : la fixation des barèmes et des modalités de versements de la rémunération se fera en concertation entre les acteurs intéressés (consommateurs, artistes, auteurs et producteurs en présence des FAI). Quatrième point : la perception de la rémunération des ayants droit se fera par les fournisseurs d’accès qui la reversera ensuite à la société agréée.
La mise en œuvre d’une gestion collective obligatoire est nécessaire pour autoriser les échanges sans nuire à l’exercice du droit exclusif dont disposent les ayants droit. La licence est appelée « globale » car elle couvre tant les actes de téléchargement que ceux de mise à disposition. Elle permettrait de replacer, dans un cadre légal des millions d’internautes, de préserver une démocratie culturelle en évitant le contrôle et le monopole et la diffusion par trois majors. Elle contribuerait au développement de la création culturelle.
C’est une solution qui nous paraît adaptée et qui ne va pas à contre courant des usages installés. Sur la base, on prévoit, mais ce chiffre doit être affiné, de trois à sept euros pour couvrir les échanges réalisés entre particuliers, et sans but commercial, de musiques, de films et de photos.
En 1985, l’instauration de la copie privée n’avait pas affecté le marché du disque, et on en est tous conscients aujourd’hui. Par ailleurs, malgré l’évolution constante de la fréquentation des réseaux peer-to-peer, les plateformes payantes progressent. Ce système de licence globale intègre l’intérêt de tous, ce qui est loin d’être le cas dans le système du « tout droit exclusif » où là il y a essentiellement l’intérêt des majors et de la production multinationale phonographique. La licence globale est un système qui reconnaît le droit du public, et justement la primauté à la circulation des oeuvres au-delà de tous les intérêts particuliers. Merci.
Intervention d’Antoine Moreau, Initiateur de la licence "Art Libre"
Je vais me présenter rapidement. Copyleft Attitude c’est un regroupement d’artistes, d’informaticiens, de juristes préoccupés par la notion de copyleft qui est issue des logiciels libres. La licence Art Libre est une licence inspirée de la GPL pour appliquer le concept du copyleft, non pas aux seules créations logicielles mais aux créations artistiques, artistiques au sens large, et tous médias, aussi bien textes, sons, images que des choses qui excèdent même le domaine de l’art.
Je voudrais commencer mon intervention par essayer de vous faire comprendre l’utilité et la nécessité de bien vous faire observer ce qui est à l’oeuvre et notamment du côté de la création artistique. Essayer de comprendre comment ça se passe, essayer de comprendre ce qu’est le geste artistique. Qu’est-ce qui meut un artiste lorsqu’il crée. Essayer d’aller aux sources mêmes de la création artistique. Et bien sûr de la création artistique contemporaine, mais je ne vais pas prendre un exemple dans la création artistique contemporaine car vous pourriez m’objecter que c’est de l’art d’avant garde, expérimental, trop particulier. Je vais prendre un exemple, un très vieil exemple, une histoire rapportée par Tchouang-Tseu au VI ième siècle avant JC. C’est l’histoire d’un prince qui veut refaire les peintures de son palais. Il convoque tous les peintres de son royaume, ils viennent, ils font une démonstration de savoirs et techniques, ils lèchent leurs pinceaux, ils se courbent devant le prince. Il y en a un qui arrive un peu après tous les autres et qui va dans une pièce à côté. Après que tous les peintres soient passés devant le prince, le prince demande : « mais où est-il celui là qui est arrivé un peu après tout le monde ? ». Un serviteur va voir ce qu’il faisait. Il revient et il dit au prince « il est assis à demi nu à ne rien faire ». Et le prince a cette réponse : « excellent, celui-là fera l’affaire, c’est un vrai peintre ».
Par cette histoire je veux vous montrer où est la qualité de l’artiste, où est la qualité de l’objet d’art, d’autant plus qu’on est aujourd’hui avec l’internet dans la dématérialisation de l’objet d’art. L’oeuvre d’art, on va même dire l’oeuvre de l’art, c’est à dire le travail de l’art, se trouve avant toute chose dans son principe premier, dans un vide. Sans vide, sans cette absence, absence même de l’auteur, absence même de l’objet sensible, apparemment, il n’y a pas de qualité artistique. Et de tous temps, et c’est pour ça que l’art contemporain n’est pas simplement le fait d’une avant garde particulière qui serait propre à notre époque, il est trans-historique, de tous temps le souci d’un artiste ça a été d’excéder son objet. Sa recherche fondamentale c’est de trouver comment, non pas nier son travail, non pas nier ses techniques, non pas nier son objet, mais le retrouver en le renversant. Cela ça me paraît fondamental à comprendre pour saisir ce qui se passe sur l’internet avec le numérique puisqu’on est dans une reconsidération des valeurs mêmes de l’art, dans une réévaluation des qualités mêmes de l’art. Nous sommes (et c’est pour ça que ce qui se passe avec l’internet et le numérique c’est l’amplification de la modernité) dans une position où le geste de Duchamp, qui a consisté à désigner un objet « déjà fait » comme une oeuvre d’art de fait, se trouve là institué de façon généralisée. Et pas simplement par un artiste excellent mais par des artistes multiples et multipliés.
La valeur de l’objet d’art n’est plus ni dans la valeur de ses matériaux, ni or, ni argent, ni même ses techniques, ni même ses qualités supposées reconnaissables, elle est dans ce qu’il peut créer comme « inter-dit ». Et j’emploie le mot « inter-dit » en deux mots, « ce qui se dit entre ». Et on retrouve là le fondement même de la poésie. Ce qu’on lit entre les lignes. Interdit est un mot intéressant car il rappelle aussi la protection. Il est interdit, quand on respecte la qualité poétique de la création artistique, d’avoir mainmise exclusive sur ce qui est imprenable. Et l’imprenable c’est la vue, la vue imprenable. On ne peut pas priver quiconque d’avoir accès à cette vision imprenable. Donc l’objet d’art, la création artistique est proprement imprenable. Elle circule, elle se transmet. Heureusement qu’elle se transmet car c’est comme ça qu’elle va faire notre tradition. Vous savez bien que tradition ça vient de transmettre. La tradition c’est ce qui se transmet. Si on ne peut plus transmettre, copier un objet, le retransformer, en avoir des variations, on n’a plus de corpus, de tradition, de texte.
Cette histoire me semble aussi exemplaire de la qualité paradoxale de l’objet d’art qui est le fait de n’avoir rien fait en apparence. D’autre part, cette histoire montre aussi le rapport qu’établit l’artiste avec le prince, qui est un rapport de mise en respect, un rapport de force. Et ce que le prince, heureusement (parce qu’il n’est pas idiot non plus, parce qu’il a des qualités politiques), reconnaît comme étant valable. De la même façon que nos institutions, en art contemporain, ont heureusement reconnu le ready-made, un urinoir renversé, un porte bouteilles, n’importe quoi, comme étant vraiment l’oeuvre emblématique du XX ème siècle et pas du tout un « foutage de gueule », une imposture ou quelque chose que serait dénué de qualités artistiques au final. Ca c’est la première observation. Observation sur ce qu’est la recherche fondamentale en matière de création. Je vous parle là surtout d’éléments plastiques, d’art plastique, mais vous retrouvez ça en musique également, en musique contemporaine, savante ou populaire et dans les textes pareillement.
Premier point, l’observation de la création, sa recherche de qualité qui contredit effectivement toutes les imageries qu’on peut avoir d’un objet auquel on porte crédit et, deuxième observation, la qualité de l’auteur lui même. Là aussi il y a un malentendu. Il faut bien comprendre qu’aujourd’hui, et ça a été observé notamment par Roland Barthes dans les années 60, l’Auteur avec un grand A est mort. Elle est finie cette histoire. Son histoire a commencé à la Renaissance. Cette histoire de l’Art avec un grand A, avec des auteurs majuscules est achevée. Et heureusement, c’est un deuil nécessaire. Il nous faut nous, à la fois artistes et public, faire le deuil de cette mythologie de l’auteur majuscule pour comprendre que cette mort de l’auteur est le point de départ de la naissance des auteurs avec un petit a. Des auteurs minuscules, des auteurs mineurs, mais pas mineurs dans le sens où ils seraient minables, mais mineurs dans le sens où ils seraient « mineurs de fond ». Ils font eux aussi, dans la tradition des auteurs majuscules, une recherche fondamentale, essentielle, multipliée, multipliante, multiple et ça on le voit à l’oeuvre de façon exemplaire sur le réseau. Je comprends que ça peut paraître déceptif. Je vous parle d’un objet qui est le vide lui-même, d’un auteur qui serait mort... Mais c’est bien plutôt le contraire : il faut se réjouir de tout ça. Le vide est fécond, il est même le principe premier à observer pour qu’il y ait de la création. Et la mort de l’auteur avec un grand A est absolument nécessaire pour que d’un point de vue pas seulement culturel mais également politique, social et économique, il y ait une multiplication, une possibilité d’auteurs minuscules et des auteurs minuscules importants. Voilà ces deux observations en préliminaire pour aborder la question qui est celle de la rémunération.
Je pense que là aussi il faut comprendre que, en fonction de ce que je viens de vous dire là, on ne peut plus avoir de relation d’objet direct entre l’objet d’art et sa rémunération. Là aussi il faut en faire le deuil. S’il y a rémunération possible elle est indirecte. Ce sont des produits dérivés, puisque la création ne vaut rien. Ca ne veut pas dire qu’elle est nulle : elle est inestimable. On ne peut pas l’estimer d’un point de vue financier. Donc, si on veut estimer une création, ce sont ses produits dérivés périphériques d’une part et d’autre part, je pense qu’il faut déplacer la question de la rémunération en quittant l’objet d’art comme ayant la fonction d’avoir ce pouvoir là rémunérateur. Ce qu’il n’a pas.
Je pense qu’il y a une idée qui est en cours depuis quelque temps, qui est le revenu minimum d’existence. C’est une idée qui est partagée par un spectre politique assez large, de droite comme de gauche, et qu’il serait intéressant de considérer parce que les artistes, et tous les chercheurs, ont besoin de temps et de moyens. Un revenu minimum artistique pour toute personne ayant besoin de temps et de moyens pour créer. Créer des objets, mais pas seulement des objets d’art, des objets culturels qui créent du lien social, qui créent des conditions de partage. Je pense que c’est une bonne piste. Car on le sait, actuellement, d’après les chiffres d’une enquête, (ils datent de 88 mais je pense qu’aujourd’hui ce serait encore plus accentué), 4/5 des artistes ne vivent pas de leur création. Sauf une aristocratie extrêmement réduite, dominante, et dont on peut douter aussi de la qualité artistique.
Ce que je voudrais vraiment vous faire comprendre là c’est la nécessité pour vous, avant toute réflexion, avant toute action, d’observer le process même de la création artistique, son économie propre. Pour ensuite en tirer des conséquences et éviter ainsi des culs de sac culturels et des sacs de noeuds juridiques. Parce que finalement, les choses sont assez simples : quand on comprend le moteur même de l’acte de la création, on en déduit certaines choses, d’autant plus qu’on s’aperçoit qu’à posteriori, les institutions mêmes reconnaissent de la valeur à ce qui a pu apparaître comme de l’anti- art, je pense à Dada par exemple, de l’anti-musique, de l’anti-texte. Des choses qui allaient mettre en péril même le patrimoine. Ceci s’explique aussi, et je vais finir par là, parce qu’il y a un hiatus entre l’art et la culture. Ce sont deux choses qui ont rapport, évidemment, qui sont mêlées, qui sont liées, mais ce sont des choses assez différentes. L’art a toujours créé des trous dans cette maison qu’est la culture, cette maison qui diffuse nécessairement ce qu’on peut appeler « l’ordre du discours ». Mais l’art va là dedans créer des fenêtres, des ouvertures, des courants d’air. Il sera quelque fois déstabilisant pour les murs, on pourra craindre qu’il les mette à mal, mais il est essentiel que le geste artistique continue ce travail là. Sinon, si on ne se suffit que d’une maison culturelle, on risque de se trouver dans un enfermement, dans un parc de loisirs terrifiant. Aussi, ni le désert des prophètes de malheur artistes niant le droit d’auteur et niant leurs qualités artistiques, (et ça a aussi traversé l’histoire, les iconoclasmes il y en a eu à la pelle), ni le temple sacré de la culture où on n’arrive même plus à respirer : il faut une maison commune avec un bien commun et de larges fenêtres. J’oserais dire une maison dont les murs sont de la dentelle. Qu’on essaye d’aller dans cette qualité là de création à la fois poétique et politique. Cette perspective comprend (et c’est aussi une affaire de confiance et de techniques), les capacités des artistes et des institutions culturelles à avoir cette possibilité de créer un espace vivant fait de pleins et de vides.
ÉCHANGES AVEC LA SALLE
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Aux journées d’été des Verts à Grenoble il y aura un atelier pour poursuivre le débat.
Intervention M. Pascal Cohet, de la ligue Odébi
Je voudrais saluer le courage de la SPEDIDAM dans son discours aujourd’hui. C’est quelque chose qui est assez nouveau et qui permet de poser les vrais problèmes. Je voudrais dire à la SPEDIDAM que ce n’est pas un ??? qui nous sépare mais juste un ?????. Qu’ils se rassurent on n’est pas du tout contre la rémunération pour copie privée. On a juste mis le législateur devant ses responsabilités, en lui disant « c’est soit l’un soit l’autre, on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et la suite ». Bien évidemment on est pour cette copie privée, on est pour le libre usage des biens qu’on a acheté. Je suis désolé, j’achète un CD, chez moi j’en fais ce que j’en veux et je n’ai pas à être présumé coupable de l’usage que j’en fais. J’ai été honnête, je l’ai acheté, je peux le prêter, mes enfants peuvent l’utiliser, ils peuvent le prêter à leurs copains, c’est pas des voleurs, c’est pas des contrefacteurs. Donc on est pour cet usage sans entrave des biens qui sont licitement acquis. Et juste une précision pour revenir sur la rémunération, je parle à l’UFC, nous on ne s’attaque pas à la rémunération, faut pas rêver. Simplement on a demandé à ce qu’elle ne soit pas étendue à l’accès à Internet. C’est tout.
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Je précise qu’un des acteurs, les fournisseurs d’accès, n’est pas présent aujourd’hui. On les avait invité mais ils n’étaient pas disponibles aujourd’hui.
Intervention de M .Christophe Espern, co-fondateur de l’initiative EUCD.INFO.
Très rapidement, dans la liasse (proposition de l’alliance), il faudrait rajouter, parce qu’on ne peut pas avoir les deux, donc il faudrait rajouter des suppressions, par exemple « les titulaires de droits ont la faculté de prendre des mesures permettant de limiter le nombre de copies » et puis tout ce qui est mesures techniques. Si on propose une alternative, donc la licence légale, il faut aussi s’attaquer aux dispositions de mesures techniques, parce qu’on ne peut pas le beurre, l’argent du beurre et le reste. Je parle de ce qui est actuellement dans le projet de loi.
Intervention de M. Frédéric Couchet, responsable du groupe de travail « Cultures numériques des verts
Je voudrais rappeler que le CSPLA (Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique) qui a des représentants d’auteurs, d’ayant droits, etc, de Microsoft, de la BSA et qui refuse depuis deux ans et demi un siège pour un représentant du logiciel libre. L’UFC, la SPEDIDAM seraient-elles prêtes à soutenir la prochaine demande de la Fondation pour le Logiciel Libre de siège au CSPLA. Et éventuellement d’envisager, dans le cadre de l’extension de l’assiette, le fait de se dire que les principaux auteurs qui vont être concernés par les échanges sur Internet aujourd’hui ce sont des auteurs de logiciels libres, et pas de musique, pas de films, et que peut-être pour eux c’est un moyen de financer leurs propres développements. Je sais bien qu’il n’y a pas de copie privée sur les logiciels, ce n’est pas la question. Mais peut-être que dans le cas d’une licence légale ou d’un système équivalent la redistribution de l’argent qui va être récolté pourrait aussi revenir aux auteurs de logiciels libres.
Intervention de M. François Lubrano, Président Gérant de la SPEDIDAM
Je rappelle que la SPEDIDAM répartit à tout le monde, à tout les ayants droit, adhérant ou non, à partir du moment où il y a une utilisation de son interprétation. Concernant le CSPLA je vous informe que la SPEDIDAM s’est retirée de la sous-commission « distribution des œuvres en ligne ». Dans le cadre du CSPLA, la SPEDIDAM et l’ADAMI sont malheureusement minoritaires. Leurs représentants subissent en permanence une certaine agressivité. Par ailleurs, on craint fort que Monsieur le Ministre Donnedieu de Vabre soit bien plus en phase avec l’industrie multinationale qu’avec les artistes interprètes. Actuellement c’est le pot de terre contre le pot de fer, où plutôt David contre Goliath, ça laisse un peu plus d’ouverture.
Conclusion
Intervention de Mme Marie-Christine Blandin,
Sénatrice du Nord
Quelques mots simples mots pour vous remercier. J’ai appris plein de choses, je vais avoir beaucoup de travail, car je travaille sur l’écologie populaire, et je convertis en français « grand public » ce que vous avez dit. Vous comprenez bien qu’entre les postures des uns et des autres, nous partageons des ambitions politiques au sens noble du terme, mais leur conversion a des effets collatéraux quelque fois pervers et il n’est pas très facile de coller à une seule piste. Je vais encore sortir schizophrène après avoir entendu Antoine Moreau. Parce que « la maison des biens communs culturels aux murs de dentelles avec des courants d’air et des vides créatifs » moi ça me fait battre le cœur... mais ce que je vis au quotidien ce sont aussi les documentaristes dont TF1 propose de supprimer dix minutes de leurs oeuvres et la fin anxiogène. C’est aussi le président du conseil régional nord pas de calais qui dit à Depardon qui vient de photographier toute la région « vous pouvez me changer les couleurs parce que ça fait triste ». Voilà, je sais bien que quand vous dites « on ne peut priver personne de s’approprier l’oeuvre, d’être petit auteur, laborieux etc », « personne », c’est un appel pour nous tous dans un acte créatif, mais il y a aussi des créatifs du marché, et ceux là il faut quand même qu’on les tienne à l’écart de la captation, transformation des oeuvres. Cela mérite approfondissement.
Document réalisé par
Karima Delli et Frédéric Couchet
[1] Constitution des Etats-Unis, article 1, section 8, clause 8 : “The Congress shall have Power [...] 8. To promote the Progress of Science and useful Arts by securing for limited Times to Authors and Inventors the exclusive Right to their respective Writings and Discoveries. ”.
[2] Réimpression de l’ancien Moniteur, seule histoire authentique et inaltérée de la Révolution française depuis la réunion des Etats généraux jusqu’au consulat (mai 1789-novembre 1799), Paris, Henri Plon, 1860, t. III, Assemblée constituante, séance du mercredi 20 janvier 1790, p. 186 (rapport sur le liberté de la presse) et suite p. 185-187.
[3] Sieyès évoque « le progrès des Lumières, et par conséquent l’utilité publique réunis aux idées de justice distributive pour exiger que la propriété d’un ouvrage soit assurée à son auteur par une loi ». La première tentative révolutionnaire de donner aux auteurs une reconnaissance légale de leurs droits sur leur texte n’était pas la recherche d’une liberté pour les auteurs, mais plutôt d’une responsabilité. Le projet de Sieyès était avant tout une mesure de police, la loi rendant l’auteur légalement responsable de son texte en le définissant comme sa propriété.
[4] Le Moniteur, op. cit., t. VII, Constituante, séance du jeudi 13 janvier 1791 au soir, p. 116-120.
[5] Le Moniteur, op. cit., t. XVII, Convention nationale, séance du vendredi 19 juillet 1793, p. 176.
[6] L’introduction de Dominique Sagot-Duvauroux, La propriété intellectuelle, c’est le vol ! : Les majorats littéraires, un choix de contributions au débat sur le droit d’auteur au XIXe siècle, textes choisis et présentés par Dominique Sagot-Duvauroux, Dijon, Presses du Réel, 2002.
[7] L’introduction de Dominique Sagot-Duvauroux op. cit.
[8] Partisan de la propriété littéraire, E. Laboulaye est favorable à des droits d’auteur perpétuels. E. Laboulaye et G. Guiffrey, La propriété littéraire au XVIIIe siècle, Paris, L. Hachette, 1859, cité par A. Strowel, Droit d’auteur et copyright, divergences et convergences, étude de droit comparé, Bruxelles Etablissement Emile Bruylant, 1993, p. 95 et 96.
[9] A. C. Renouard, qui a publié en 1838 son traité sur les droits d’auteur, est un farouche défenseur de l’idée de monopole et contre l’idée de propriété. Il insiste sur la valeur sociale du travail de l’auteur et critique violemment toute idée de perpétuité. Il souligne en 1841 que l’écrivain et le public sont étroitement solidaires et s’en prend à Lamartine qui n’aurait pas existé « sans la bible, sans Homère, sans Racine et sans Chateaubriand » Cité par R. Warlomont, Alfred de Vigny et la « propriété littéraire » (1841), in Journal des tribunaux, 1968, p. 452 sqq., cité par A. Strowel, op. cit. p. 598.
[10] Lamartine, rapporteur du projet de loi Villemain qui prévoit d’instaurer un délai de cinquante ans post mortem, s’exprimait ainsi devant la Chambre des députés, dans son discours, le 13 mars 1841 : « ... un autre homme dépense sa vie entière, consume ses forces mentales, énerve ses forces physiques dans l’oubli de soi-même et de sa famille pour enrichir après lui l’humanité, ou d’un chef d’oeuvre de l’esprit humain, ou d’une de ces idées qui transforme le monde : il meurt à la peine, mais il réussit.
[11] Sur les prises de positions des économistes et la part que ceux-ci prirent dans les débats du droit d’auteur au XIXe siècle, je renvoie à l’ouvrage de Dominique Sagot-Duvauroux qui présente non seulement un assemblage des publications les plus significatives de l’époque, mais analyse les liens qui les unissent et les resitue dans une perspective historique. La propriété intellectuelle, c’est le vol ! : Les majorats littéraires, un choix de contributions au débat sur le droit d’auteur au XIXe siècle, textes choisis et présentés par Dominique Sagot-Duvauroux, op. cit.
[12] Ce congrès sera une des étapes importantes menant à la ratification de la première convention internationale sur le droit d’auteur, la convention de Berne, signée le 9 septembre 1886.
[13] P.-J. Proudhon, Les Majorats littéraires, examen d’un projet de loi, ayant pour but de créer au profit des auteurs, inventeurs et artistes, un monopole perpétuel, Paris, E. Dentu, librairie-éditeur, 1863, 2e éd.
[14] « Comme Léon Walras, il fait dépendre sa position sur le droit d’auteur de sa théorie de la production et de l’échange. A l’instar de toute production, le produit littéraire est le résultat d’un fonds (le monde intellectuel, l’esprit humain...) et d’un travail » explique Dominique Sagot- Duvauroux dans son introduction, op. cit.
[15] Cf. notamment P.-J. Proudhon, Les Majorats littéraires, 1863, op. cit., p. 54 et p. 254 et 255.
[16] P.-J. Proudhon, 1863, op. cit., p. 196
[17] « La société est un groupe ; elle existe d’une double et réelle existence, et comme unité collective, et comme pluralité des individus. Son action est à la, fois composite et individuelle ; sa pensée est collective aussi et individualisée. Tout ce qui se produit au sein de la société dérive à la fois de cette double origine. Sans doute le fait de la collectivité n’est pas une raison suffisante pour que nous nous mettions en communisme ; mais, réciproquement, le fait de l’individualité n’est pas non plus une raison de méconnaître les droits et les intérêts généraux. C’est dans la répartition et dans l’équilibre des forces collectives et individuelles que consiste la science du gouvernement, la politique et la justice. Or je vois bien ici la garantie donnée à l’individu ; mais quelle part a-t-on faite à la société ? que la société doive à l’auteur la rémunération de sa peine, de son initiative, si vous voulez, rien de mieux. Mais la société est entrée en part dans la production ; elle doit participer à la récolte. Cette part à laquelle elle a droit, elle l’obtient par le contrat d’échange, en vertu duquel compensation est faite du service rendu au moyen d’une valeur « équivalente ; la propriété intellectuelle, au contraire, donne tout à l’auteur, ne laisse rien à la collectivité : la transaction est léonine. Tel est donc l’esprit de la loi proposée : 1° déclaration de vénalité à l’égard de choses qui par nature ne sont pas vénales ; 2° abandon du domaine public ; 3) violation de la loi de la collectivité. » P.-J. Proudhon, 1863, op. cit. p.198.
[18] Le projet de loi sur le droit d’auteur et le contrat d’édition, présenté au nom de M. Albert Lebrun, président de la République française, par M. Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux- Arts, et par M. Marc Rucart, garde des Sceaux, ministre de la Justice, Session ordinaire, 2e séance du 13 août 1936 (n° 1064), Annexe n° 1164, exposé des motifs, Documents parlementaires - Chambre,J. O., p. 1706 à 1712.
[19] Comme jadis pour les oeuvres cinématographiques auxquelles on a longtemps disputé le statut d’oeuvre.
[20] Dans le domaine de l’écrit, il y a incontestablement une « déréglementation de la circulation des textes ». Il est devenu impossible de déterminer à quel moment exactement l’oeuvre fait autorité, quand elle a l’imprimatur. Jadis c’est la publication qui faisait autorité. Aujourd’hui l’édition ou la copie numérique est accessible à des millions d’individus, modifiant le régime d’autorité et dès lors, in fine, la place et le rôle des intermédiaires économiques.
[21] Le projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, n° 1206,enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale, le 12 novembre 2003.
[22] Tribune dans Le Monde le 18 avril 2003
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