Mon avis sur la réunion publique sur le gaz de houille à Divion

Bonjour,

Je suis allé, en mon nom propre, même si on m’associe encore au groupe EELV Artois, à la réunion publique sur le gaz de houille qui avait lieu ce 27 février à 18h30 à la salle des fêtes de Divion. J’y ai retrouvé mon ami Frédéric, Lisette Sudic, et un groupe de militants représentatifs des communes du haut Artois, Béthune, Bruay-Labuissière, Houdain, Divion, Auchel, etc.

Le débat était organisé par la mairie de Divion et animé par Thomas Boulard (futur maire ?), étaient présentes les entreprises de forage et d’exploitation, la mairesse de Divion Danièle Seux, deux conseillers régionaux et présidents de la commission d’enquête régionale Bertrand Péricaud et André Flajolet, Emmanuel Cau était également dans la salle en tant que conseiller régional et ex-participant à la commission, ainsi que plusieurs représentants des collectifs Houille ouille ouille et gaz-houille 62, Christine Poilly, Pierre Rose entre autres.

Toutes les chaises de la salle (à vue de nez plus de 500 places) étaient prises, nombre de personnes se sont tenues debout à l’arrière jusqu’à la fin, vers 22h30 (4h de réunion au lieu d’une…). Beaucoup de personnes (~50) déjà sensibilisées à l’écologie se sont déplacées, appartenant à différents mouvements et collectifs. La majorité était composée de riverains inquiets, propriétaires, parents… 

Parmi la population je voudrais souligner la présence importante de personnes renseignées et posant des questions sensées, percutantes, déstabilisantes, professeursanciens mineursmédecinshistorienssimple citoyens conscients de l’état désastreux de la région en terme de pollution et de santé. 

Ainsi, deux anciens mineurs ont parlé de leur participation aux travaux au fond qui permettent actuellement l’exploitation du gaz de mine, de l’extrême difficulté de la maîtrise de la ressource (poches d’eau à TRÈS haute pression, de gaz difficile à contrôler tant la molécule est fine qu’elle passe sans problème à travers le béton) et des efforts qu’il a fallu déployer. Un historien a cité les ingénieurs des houillères qui écrivaient qu’il fallait absolument cesser l’exploitation du charbon et du gaz à cause du principe de précaution, et ce, il y a plus de trente ans ! Le facteur santé a été abordé, et ne rassure pas du tout les médecins. Une personne a interrogé les élus sur la possibilité d’inclure les collectifs dans la décision, plutôt que d’écouter les entreprises dont le but est le profit. D’autres sur la proximité des forages et des habitations qui est de 300 m. alors qu’en Australie le minimum est de 2000 m. Un autre a demandé d’approfondir le retour d’expérience, c’est à dire les erreurs commises et ce qui avait été fait pour y remédier, sans avoir de réponse claire.

Nous avons appris lors de la présentation d’introduction le nombre d’emplois espérés (~400), et que le prix du gaz ne serait pas impacté (aucun gain pour les consommateurs).

Ce powerpoint avait semble-t-il été réalisé par le personnel de mairie, qui a été « formé » depuis quelques temps déjà. Au lieu d’être explicatif, la vitesse de défilement était telle qu’il était impossible qu’une personne non renseignée puisse comprendre quoi que ce soit. A noter aussi qu’elle contenait pas mal d’erreurs techniques et d’approximations. 

EGL* et Gazonor, respectivement sondeur et exploitant, ont tenté de rassurer avec une parole déroutante et souvent contradictoire. Leur présentation a insisté sur leur longue expérience, avec l’exemple de l’exploration en Lorraine qui était, dans leur bouche, extrêmement positif, non seulement au niveau technique mais au niveau de l’implication des citoyens et des écologistes ! Les collectifs leur ont rappelé les problèmes techniques qui ont été signalés par la DREAL* (et cachés par EGL).  

Ils se sont largement contredit par la suite en expliquant que la France avait tout à faire dans ce domaine, et qu’ils étaient dans la phase d’expérimentation, obligés de faire venir des ouvriers spécialisés de Pologne (je vous laisse apprécier…), qu’il n’y avait pas d’école de sondeur, qu’ils apprenaient de leurs erreurs, que l’exploration par ici avait pour but de savoir l’état de la ressource largement inconnue. Bref, ils avancent en aveugle, tout en espérant une aide de l’état.

Un géologue quelque peu exalté (un bon géologue aurait dit un ami géophysicien), a notamment fait une démonstration sur les fuites grâce à une bouteille d’eau et nous a assuré qu’il n’y avait aucun risque mais qu’évidemment il y aurait quelques fuites le long des forages, mais rien de bien dangereux (ouf !), que l’on souhaitait tirer profit justement des failles existantes dans le secteur (plusieurs failles très importantes sont à proximité immédiate du forage, dont la plus importante est la faille du transvaal) car elles créaient des sortes de compartiments étanches. Il s’est crû bon d’expliquer l’origine des failles et leurs époques, rassurant sur l’épaisseur d’argile qui éviterait tout problème (pour combien de temps, ce n’est pas important en géologie).

Emporté par son élan, ce géologue a cependant dévoilé quelque chose à la toute fin de la réunion, une véritable bombe qui aurait pu relancer le débat des heures. En quelques mots je vous en livre le détail :

Les personnes renseignées par les différents rapports de la société pensaient que les sondages d’exploitation seraient en nombre restreint, grâce à la technique du forage incliné : à partir d’une seule plateforme, plusieurs forages se courbent et suivent les veines en profondeur, limitant l’impact en surface. La question a été posée de l’impact sur les maisons du dessus.

Or, d’après ce géologue, les veines du Pas-de-Calais ne sont pas assez épaisses, 80 cm au maximum. Il est donc impossible de les suivre au moyen d’un forage incliné. On procède donc uniquement avec des forages verticaux… Comme l’exploitation du gaz à partir d’un forage est limitée horizontalement, il faut, pour avoir un rendement suffisant, multiplier les forages ! 

Ce monsieur a ensuite affirmé qu’il s’agissait bien là de l’exploitation, et non plus simplement de l’exploration, ce que n’ont pas confirmé les élus qui, semble-t-il, n’avaient pas tout écouté… ou ne voulaient pas relancer le débat. Il n’y aura pas de fracturation (parait-il !), mais cela ne poserait pas de problème, puisque parait-il, la géothermie l’utilise déjà et qu’on n’en fait pas des histoires…

(En ce qui concerne ce géologue, il est très distrayant de voir certains scientifiques passionnés tenter d’expliquer la nature par des modèles qu’ils savent simplifiés à l’extrême, réduisant tout l’aspect incontrôlable par une variable dans un calcul de probabilités. Leur délivrable n’est qu’un nombre, un facteur de risques : si le risque est acceptable, on y va. Peu importe que ce nombre signifie morts, maladies, travail dangereux, environnement dévasté pour des générations, ressources anéanties pour un petit profit immédiat de quelques années, alors qu’il a fallu des millions d’années pour les constituer.)

Nous avons également eu la démonstration la plus accablante du décalage entre les élus et l’électorat. Si l’animateur se voulait, et se disait respectueux, on le devinait partisan. Les élus à la tribune rassuraient sur l’aspect exploratoire, puis l’aspect de la nécessité de continuer l’exploitation et le dégazage des galeries. A la fin de la réunion, ils n’avaient évidemment pas changé d’avis, mais surtout n’avaient rien entendu du nombre qui leur disait : « on ne veut pas de ce projet ». 

Leur rôle se bornait à surtout se plier aux volontés de l’état, à entendre éventuellement les avis des scientifiques et des experts, surtout les plus rassurants. 

André Flajolet, du haut de son ego, a asséné deux phrases assassines : « la région ne peut se passer d’un centre d’études sur la fracturation et l’exploitation des gaz de houille ». En tant qu’expert, tous les avis qu’il a entendu portant sur l’eau démontrent, je cite, « l’ignorance » des opposants. Les collectifs basaient pourtant leur argumentaire sur la synthèse du BRGM* et de l’Ineris* (Synthèse sur les gaz de houille : exploitation, risques et impacts environnementaux Octobre 2013) qui insiste sur le manque de connaissances scientifiques

Mais M. Flajolet sait tout, surtout ce qui est le mieux pour nous, on l’a bien compris.

Ainsi, je citerai ce citoyen qui s’est étonné de la situation proche du château d’eau et du périmètre de protection, à qui on a rétorqué qu’il ne s’agissait pas des mêmes eaux, pas de la même nappe. On n’a pas parlé d’écoulement, de toutes façons il paraît que la plateforme est absolument, totalement, définitivement étanche et que toute l’eau sera évacuée, analysée et retraitée. On n’a pas parlé des eaux d’exhaure, alors que la technique implique un pompage très important en profondeur, et que ces eaux profondes sont très alcalines et très polluantes de par nature. A la question du permis de protection de ce périmètre, antérieur, et qui est curieusement passé après celui d’exploration, Mme Danièle Seux, qui se caractérisait jusque là par sa bonhomie et son manque de connaissances techniques sur le sujet, a déclaré qu’un manque de pièces justificatives avait justifié ce délai.

Pour conclure, je dirais qu’un travail remarquable est accompli par les collectifs Gaz-houille 62 et Houille-ouille-ouille. Leur parole est claire et sensée, portée par Christine Poilly, Pierre Rose, et j’en oublie. Le soutien de la population semble acquis, laquelle a largement plébiscité par ses applaudissements le projet présenté par Emmanuel Cau, l’investissement dans les énergies renouvelables et les économies d’énergie plutôt que l’exploitation d’énergies fossiles à l’intérêt limité dans le temps et le volume (quelques %). Cependant, l’adversité est rude, et les miroirs aux alouettes alléchants. Je citerai le représentant de Gazonor, ingénieur bien formé, et les projets autour du gaz, comme les piles à combustible et l’exploitation de l’hydrogène faisant partie du méthane. Toutes ces techniques encore expérimentales sont promises à un bel avenir à moyen terme, mais il s’agit de ne pas servir de terrain d’expérimentation pour la folie industrieuse de quelques visionnaires trop bien intentionnés. Notre région en connait bien les conséquences, la Chine commence à en faire les frais. L’environnement, la santé et surtout le respect de la personne humaine doivent être les conditions prioritaires à toute nouvelle industrie dans notre région. Serons-nous entendus ?

 

Jésahel Benoist,
Sympathisant EELV Artois

Le 28 février 2014

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EGL * = European Gas Limited, société privée prospectrice d’hydrocarbures gazeux

DREAL * = Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement

BRGM* = Bureau de Recherches Géologiques et Minières

Ineris* = Institut National de l’Environnement Industriel et des Risques

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