Le meilleur compromis possible
Le «meilleur compromis possible» : c’est ainsi qu’on évoque dans les médias l’accord budgétaire trouvé il y a quelques jours entre les vingt-sept Etats membres de l’Union Européenne. Un compromis d’austérité, qui engage l’UE jusqu’en 2020 dans une dynamique de réduction des budgets. Un compromis qu’il a fallu pousser auprès de certains chefs d’Etats pour leur arracher le consentement à l’Europe libérale et conservatrice que d’autres tentent de faire passer pour la seule Europe possible.
ON NE TOUCHE PAS A LA PAC…
Parmi les «intouchables» de ce budget figure la Politique Agricole Commune. Depuis sa création, celle-ci représente le principal poste budgétaire de l’Union Européenne. Impossible à réformer, elle est un vestige de l’agriculture productiviste d’après-guerre, dévoreuse de ressources, dévitalisante pour les sols, déshumanisante pour les agriculteurs, destructrice pour la santé des européens.
Les dernières tentatives de réforme se sont soldées par des échecs. La consultation citoyenne de juillet 2010 avait dégagé de beaux espoirs pour une agriculture et une alimentation plus humaines : rotation des cultures, développement rural, soutien à des projets collectifs, équité dans la distribution des aides. La commission Agriculture du Parlement Européen a passé outre, et rien (ou presque) n’a changé.
OU SONT LES PAYSANS ?
Tous les six ans, les divers collèges de la profession agricole élisent leurs représentants aux chambres d’agriculture. La FNSEA est historiquement quasi-hégémonique sur ces élections et dans les médias qui les couvrent. Cette année, la participation a été de 53% seulement (contre 65% au scrutin précédent), avec une stabilité des scores de la Confédération Paysanne, alors que 160 000 paysans ont disparu pendant ces 10 dernières années et faisaient majoritairement partie de son électorat. Cette participation en berne, au terme d’une année catastrophique pour les récoltes dans la région, témoigne d’un désintérêt croissant pour les chambres d’agriculture, leur manque de représentativité de la diversité des profils paysans, et le poids trop grand des lobbies agricoles dans les décisions (indemnisations, OGM, pesticides…).
UN MEILLEUR COMPROMIS
Être écologiste, c’est connaître le «compromis». C’est savoir que nous vivons sous contrainte(s) de ressources, de démographie, de frontières, de climats, et accepter ces contraintes pour créer une société d’équilibre. Alors, lorsque les prix des denrées flambent car de plus en plus de surfaces agricoles sont destinées aux carburants, que les dépenses de santé des Etats s’accroissent suite aux maladies chroniques de la sur-nutrition et de la malbouffe, que des milliers de paysans rendent leur tablier tous les ans alors que des exploitations industrielles reçoivent plusieurs centaines de milliers d’euros d’argent public par an, n’y a-t-il pas de «meilleur compromis possible» ?
Les écologistes et le monde paysan sont d’accord : le changement de modèle est urgent. Travailler sans risque pour la santé, gagner un salaire décent en produisant des aliments de bonne qualité, voilà ce à quoi aspirent ceux qui cultivent la terre.
Pour EELV, cela se traduit par la demande d’une nouvelle loi d’orientation agricole pour 2013. Cette loi doit, autant sur l’aspect social que sur l’aspect écologique, montrer que nous avons besoin des agriculteurs, et que l’hémorragie doit s’arrêter. Réévaluation des retraites, aides à l’installation, quotas de surfaces en agriculture biologique, développement des agromatériaux : nous avons des outils pour orienter le secteur agricole vers la durabilité. Si nous avons réussi à introduire le critère écologique dans la Politique Commune de la Pêche et à mettre fin au cercle vicieux du productivisme, pour préserver les ressources et les emplois des pêcheurs, il faut continuer à travailler pour faire vivre et développer l’agriculture de demain, respectueuse des agriculteurs, des consommateurs, des ressources, non-agressive et centrée sur l’autonomie de tous.
Leslie Ohayon, membre du Bureau Executif Régional d’EELV