Sur le canton de La Mothe-Saint-Héray se raconte une histoire comme nous, les écologistes les aimons.
C’est l’histoire d’un groupe humain qui décide d’entrer en dissidence et de ne pas se soumettre à la logique financière d’une société de l’agroalimentaire.
Elle débute en 2012, dans un contexte de crise laitière, lorsque le groupe coopératif (le GLAC) en difficultés économique et financière décide de se rapprocher d’un groupe privé (Bongrain) et dans le même temps de se restructurer.
Afin de soutenir la marque Bougon, premier « chèvre boîte » créé en 1907 dans le petit village des Deux-Sèvres qui porte son nom, l’association « les amis du Bougon-boîte » voit le jour la même année. Elle est composée d’éleveurs, de salariés, d’élus et de consommateurs. Les actions réalisées par ce groupe ont permis le maintien de la marque et sa fabrication au sein de la laiterie de Bougon appartenant au nouveau groupe coopératif Terra Lacta.
Malheureusement, fin 2013, la coopérative, assujettie au groupe Bongrain, annonce la fermeture de deux sites de production dont Bougon alors que son activité est bénéficiaire.
L’association propose de racheter la fromagerie afin de maintenir la production de ce fromage emblématique sur son site historique mais l’offre est rejetée et le 31 mars 2014, la laiterie ferme ses portes.
La production du « Bougon » est alors délocalisée vers la laiterie de St Saviol avant d’être finalement arrêtée quelques mois plus tard.
Avec l’aide d’acteurs d’accompagnement à la création d’entreprise et de collectivités et encouragée par de nombreux consommateurs, l’association décide alors de créer une société coopérative d’intérêts collectifs afin de relancer la production du chèvre-boîte et autres fromages locaux.
En 2015, pour ne pas entrer en conflit avec les propriétaires de la marque le « Bougon boîte », l’association change de nom et devient « Les Amis de Bougon » et a pour objet de :
« Créer et exploiter une activité fromagère pour perpétuer des savoir-faire locaux réunissant dans une SCIC des producteurs, des salariés de la filière, des consommateurs et des collectivités locales auxquelles elle est ouverte ».
La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) a été créée en octobre 2015 avec 8 membres fondateurs. La communauté de commune du Mellois a apporté son soutien en achetant le terrain qui verra la construction de la fromagerie à La Mothe-Saint-Héray. Et c’est également en cette fin d’année 2015 que la mobilisation citoyenne se concrétise par la création de 2 cigales (Club d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire) dédiées au projet. Celles-ci accompagnées par une troisième Cigales Niortaise verseront 12.000 euros qui seront bienvenus pour payer divers prestataires. Il est également prévu qu’une cigale de Melle (La Thale) entre au capital de la SCIC en 2018.
Le groupe travaille d’arrache-pied et le projet se construit dans ses détails. La production sera progressive sur 5 ans, en fonction de l’arrivée régulière de nouveaux éleveurs et à terme 15 emplois seront créés et 12 éleveurs apporteront leur production de lait de chèvre et de vache.
Il s’agit bien de faire renaître le chèvre boîte mais aussi de développer une gamme de fromages de qualité supérieure ( le Mi-Chèvre, le Chabichou, le Mothais et les Faisselles). Ils seront tous fabriquer au lait cru, collecté tous les jours parce que la microflore naturelle du lait a un rôle essentiel sur le goût et l’arôme du fromage. L’idée de fond est de perpétuer et transmettre le précieux savoir-faire des fromagers tout en adoptant une attitude résolument moderne par l’adhésion au cahier des charges Bleu Blanc Cœur qui a de multiples impacts : santé, alimentation saine des animaux , respect animal…
Il s’agira d’une entreprise artisanale car le volume de lait transformé sera inférieure à 2,5 millions de litres par an. Son statut coopératif la différenciera des entreprises privées et des principales coopératives laitières. Nous avons aussi choisi de nous impliquer dans une démarche culturelle liée au territoire, respectueuse du passé, mais tournée vers l’avenir pour préserver et promouvoir un patrimoine, un savoir-faire. Un lien fort a été construit avec les acteurs de la filière caprine : Route du Chabichou, Maison de la chèvre, et FRCAP. Le désir d’ouvrir la fromagerie et les élevages aux visiteurs participe également à cette vision du projet.
Un étude de marché indépendante a montré que la commercialisation de l’ensemble de la production serait largement assurée. Le budget prévisionnel est monté en collaboration avec des structures parfaitement compétentes. Le montant total du plan de financement s’élève à 2 millions d’euros, dont les grandes masses sont le bâtiment (540.000€), le matériel (830.000€), la trésorerie (400.000€) et le terrain (105.000€).
Commence alors pour le groupe et ses partenaires une bataille qui s’est révélée particulièrement difficile : convaincre les banques de nous accorder les prêts nécessaires à notre projet. Cela nous a pris presque deux années. Nous avons réussi à l’emporter lorsque nous avons décidé de faire également appel au financement participatif. Ainsi en décembre 2016 nous nous associons avec la société Bulb in Town pour compléter notre plan de financement et fin mars 2017 ce sont 531 contributeurs, pour une immense majorité issus de la Vienne et des Deux-Sèvres, qui nous apportent un soutien décisif de 165.000€. Devant ce témoignage populaire, 3 banques nous apportent leur soutien avec des prêts à hauteur de 1M€. Ce qui est notable également dans cette réussite ce sont les soutiens multiples que nous avons eu de la part de structures publiques mais également privés. Il y a comme un vent favorable pour ce type de projet qui souffle dans certaines de collectivités locales et chez certains artisans de notre région.
Aujourd’hui nous sommes beaucoup plus sereins, mais le travail ne manque pas car nous devons absolument débuter notre production en janvier 2018 sinon des éleveurs se retrouveront sans revenu car ils ont dénoncé leur contrat de fourniture de lait pour cette date. Ainsi en quelque mois, il va nous falloir obtenir le permis de construire que nous avons déjà déposé, valider les devis avec les artisans qui sont prêts à débuter les travaux et répondre à toutes les démarches administratives ce qui n’est pas une mince affaire. Il est acquis que les éleveurs et les futurs salariés qui propulsent ce projet sont bien plus riches maintenant de ce pouvoir qu’ils ont conquis de choisir ce qu’ils veulent faire de leur travail. Quant aux citoyens consommateurs également membre de ce groupe, ils ont la conviction que ce projet est à la fois bon pour leur territoire et en toute modestie pour la planète également.
Vincent FURSTOSS, membre consommateur du groupe de projet
Nouvelle République 29 janvier 2017 « Ils relancent l’aventure du « chèvre-boîte »
Le Petit économiste 30 janvier 2017 « Le chèvre-boîte renaît grâce à une initiative collective »
Nouvelle République 20 mars 2017 « Des cigales pour une renaissance »
Courrier de l’Ouest 28 janvier 2017
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