Ile-de-France : le gigantesque projet d’Auchan bute sur un écolo

Article de la Tribune

DISTRIBUTION - 14/05/2012 | 17:03

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Auchan veut construire à Gonesse, à côté de Roissy, un gigantesque complexe touristico-commercialo-culturel, Europa City. Coût : 1,7 milliard. Bénéfice espéré: près de 20 000 emplois. Mais le projet, béni par tous les élus du Val d’Oise, par le Grand Paris et par Nicolas Sarkozy est en train de tomber sur un os avec une association écolo qui refuse de laisser partir 80 hectares de terre à blé. Les élus Verts et Front de gauche sont prêts à la soutenir, quitte à tout faire capoter

Le choc va être brutal. Brutal, inégal mais politiquement passionnant. D’un côté Bernard Loup, retraité de l’éducation nationale, président de Val d’Oise environnement et animateur du collectif du triangle de Gonesse qui lutte contre l’urbanisation des terres agricoles. De l’autre Vianney Mulliez, président du groupe Auchan dont la filiale immobilière Immochan a la ferme intention d’investir 1,7 milliard d’euros dans ce même triangle de Gonesse pour y construire Europa City. Une jolie fable écologique «Le ptit loup contre le grand méchant Auchan» ? Rien de moins juste et le choc politique, prévu à l’automne 2012 lors de la discussion du nouveau Schéma Directeur de l’Ile de France, devrait logiquement se transformer en clash politique EELV et Front de Gauche contre socialistes

Accord politique général pour urbaniser …

Pour l’instant le dossier Immochan Europa City est, techniquement et juridiquement, inattaquable. Le triangle de Gonesse a en effet été déclaré depuis 2008 zone urbanisable par le Conseil régional. Les élus Verts l’ont voté, même si aujourd’hui certains d’entre eux regrettent et voudraient tout reprendre à zéro. Jean Paul Huchon qui, en plus d’être président du conseil régional, est également président de l’Etablissement public d’aménagement (EPA) de la Plaine de France qui gère le triangle a d’ailleurs longtemps pensé y mettre une Technopole.

… mais pas avec Auchan

Puis Auchan est arrivé, et début 2009 a commencé à prendre des contacts informels avec Jean Paul Huchon, mais aussi Christian Blanc, secrétaire d’Etat au Grand Paris et Claude Guéant, à l’époque secrétaire général de l’Elysée. L’idée de Vianney Mulliez était séduisante : pour lui, le modèle traditionnel du centre commercial tel qu’Auchan peut encore le développer en France, en Russie ou en Chine, allait devenir obsolète très rapidement en Europe. La logique d’attractivité est en train de changer : faire les courses ennuie, prend du temps, internet change la donne. La famille Mulliez commence à concevoir un lieu ou les gens ne viendront plus « faire les courses », mais vivre une expérience culturelle, ludique, sociale et, éventuellement, commerciale à condition qu’elle soit dépaysante.

Sarkozy et le PS local s’enthousiasment

L’idée n’est pas à l’époque clairement définie, mais elle séduit. Nicolas Sarkoy s’en empare, l’intègre au Grand Paris et la booste. Auchan de son côté avance prudemment et visite des sites (Saclay, Orly, Massy, Versailles…) avant de choisir Gonesse. Didier Arnal, le président PS du Val d’Oise, Jean Pierre Blazy, le maire PS de Gonesse, et Didier Vaillant, président PS de la communauté d’agglomération, s’engagent derrière Auchan. 80 hectares de terre à trouver mais des investissements colossaux, 11 000 emplois pour la construction et autant pour le fonctionnement. Et tous appuient le souhait d’Auchan de voir le métro automatique de banlieue à banlieue, le fameux Grand Paris Express, s’arrêter à Gonesse. Mi-2011, c’est validé. De même semble avoir été validée à ce moment-là l’idée que l’EPA de Plaine de France achète les terres pour les revendre ensuite à Auchan.

On ne touche pas au blé de l’Ile de France !

«Mais nous on ne savait rien de tout cela, s’emballe Bernard Loup. Il a fallu attendre juin 2011, au détour d’un débat avec le directeur général de l’EPA Val d’Oise, pour qu’il nous lâche l’information. Il était d’ailleurs assez mal à l’aise et pas très convaincu de la qualité du projet». Hervé Dupont, le DG de l’EPA, a en effet été aussi prudent que l’est Jean Paul Huchon. Pour ce dernier, il y a deux problèmes différents. Le premier concerne l’urbanisation du triangle de Gonesse. Il ne devrait pas céder sur ce point. Le second concerne le projet lui-même d’Europa City. Contrairement aux élus socialistes du Val d’Oise, il semble moins emballé et il attend que le projet rentre dans les clous de la politique de l’Ile de France. En clair, une plus grande ambition culturelle.

Auchan travaille donc dans cette direction. Et a intérêt, car Bernard Loup a rencontré tous les groupes politiques et personne n’a apporté de soutien indéfectible à Europa City. EELV et le Front de Gauche sont mêmes prêts à monter au créneau. Et, Jean Paul Huchon le sait parfaitement, sa majorité politique est fragile. Elle l’est d’autant plus que des élus EELV s’apprêtent à voter le contraire de ce qu’ils ont voté en 2008.

80 hectares en échange de 20 000 emplois

Ce que veut Bernard Loup ? Le maintien des terres agricoles, des 80 hectares de terres à blé que veut Auchan. Une surface finalement raisonnable comparée aux 220 hectares de terre agricoles perdus chaqsue jour en France et dont la quasi-totalité va à l’industrialisation. D’autant qu’Immochan assure qu’Europa City c’est 12 600 emplois directs créés durant la phase de construction et 6 300 emplois induits. Quant à l’exploitation du complexe, elle générerait 11 580 emplois directs. Ce qui induirait près de 6 000 emplois. Bernard Loup et son collectif s’apprêtent donc à mener une bataille sur l’emploi et à démontrer que ces emplois c’est pour une bonne part de « la poudre aux yeux » ! Il commencera sa campagne le 22 septembre, avant que le Conseil régional s’empare de la nouvelle mouture du SRIF.