Le débat sur les réformes de la lutte contre la dépendance se focalise sur son coût. Entre le catastrophisme de l’évaluation des dépenses et les contraintes des budgets publics, tout est fait pour que la marge de manœuvre soit présentée comme minime. D’autres arbitrages sont cependant possibles. Le financement de l’APA (5 milliards d’euros dont 3 pour le maintien à domicile) est jugé difficile et sa croissance délicate. Parallèlement, les services à la personne bénéficient de plus de 5 milliards d’euros d’aides publiques (déductions fiscales et exonérations de charges sociales, à peine touchées par la loi de finances 2011) : alors que l’on renâcle à augmenter une allocation permettant aux personnes vulnérables de rester autonomes, on accepte de financer des services proches (en termes d’activités réalisées mais non en termes de signification) auprès de personnes valides ! La rigueur budgétaire justifie de réduire le nombre d’heures d’aide à domicile attribuées à une personne âgée en perte d’autonomie mais n’est plus convoquée lorsqu’on subventionne l’emploi d’une femme de ménage par un actif aux revenus conséquents…
La question de l’utilité de soutenir les services de confort pour des personnes non vulnérables doit être posée : ces dépenses ne créent que des emplois de faible qualité, pour un coût prohibitif (plus de 50 000 euros par emploi selon un récent rapport sénatorial) et au bénéfice final des ménages aisés. Aujourd’hui, les dépenses publiques au profit des services d’aide à domicile représentent environ 10 milliards d’euros par an : 4,5 attribués sur critères de ressources aux publics vulnérables (APA domicile), 3 en faveur des personnes âgées mais sans critères de ressources (et bénéficiant majoritairement aux personnes âgées imposables à l’impôt sur le revenu) et enfin 2,5 accordés aux actifs. Toutes les enquêtes soulignant l’extrême inégalité du recours à ces services, ce dernier paquet profite largement aux ménages les plus riches, les trois-quarts sont perçus par les 10% des ménages déclarant les revenus fiscaux les plus élevés. Autrement dit, la suppression des exonérations fiscales en faveur des services de confort permettrait un quasi doublement de l’APA !
Certes, ce redéploiement risque de réduire l’emploi dans les services domestiques mais ces pertes seront plus que compensées par la création de postes dans les services auprès des personnes âgées (l’APA a eu un impact sur l’emploi bien plus massif que le plan Borloo de développement des services à la personne). Un accompagnement est nécessaire pour permettre aux salariés et aux structures du secteur de s’adapter. Mais peut-on continuer à regretter de ne pas pouvoir aider les personnes âgées tout en subventionnant des services proches auprès de ménages qui n’en ont pas un besoin explicite ?
Par FRANÇOIS-XAVIER DEVETTER Économiste, université Lille-I, Clerse, SANDRINE ROUSSEAU Économiste, université Lille-I, Clerse
Publication initiale le 19 janvier 2011:Â http://www.liberation.fr/economie/01012314492-un-financement-pour-l-allocation-dependance