Voici le compte rendu effectué par Michel Meunier pour monsaclay.fr de notre réunion publique avec Pierre Serne, vice-président du Conseil régional en charge des transports, sur le projet de métro du Plateau de Saclay :
Agriculture, métro, et cohabitation
Ce mardi 5 juin, une réunion publique s’est tenue à la mairie de Saclay, sous la présidence de Marie-Pierre Digard, candidate « Europe Ecologie – Les Verts » dans notre circonscription, avec pour objet initial un sujet qui mobilise fortement les habitants du Plateau de Saclay : « Agriculture et métro, la cohabitation est elle possible ? ».
Le volet « Agriculture » du débat n’a pu être développé en raison de l’absence pour force majeure de François Lerique (ancien président de l’AMAP « les jardins de Cérès »), mais cette problématique était déjà bien connue de par l’unanimité des prises de position de tous bords, bien relayées par les médias locaux.
Par contre le volet « Métro » a fait l’objet d’une intervention détaillée de Pierre Serne, (vice président du Conseil Régional en charge des transports).
Entendons-le : depuis le protocole d’accord entre l’Etat et la Région Ile de France, la fusion entre leurs deux projets concurrents pour créer le « Grand Paris Express », (circuit ovale barré ceinturant la capitale), est d’une utilité incontestable.
Même si certains tronçons auraient pu être traités de façon moins coûteuse, les lignes bleues et rouge desservent des bassins d’habitation et d’emploi très denses. Mais il lui apparaît que la ligne verte du Plateau est déconnectée des urgences et préoccupations des franciliens.
Les relations ne sont pas simples entre la « Société du Grand Paris » (SGP, établissement public étatique chargé de la réalisation du réseau) et le « Syndicat des Transports d’Ile de France » (STIF, établissement public administratif chargé de l’exploitation). Le STIF est l’émanation des collectivités territoriales depuis la loi de décentralisation de juillet 2005, mais La SGP, créée par la loi Grand Paris de juin 2010, a redonné à l’Etat un pouvoir régional. Expression d’un conflit politique qui n’a fait que freiner la Région dans son effort d’amélioration des transports.
Les financements relatifs aux missions sont de sources différentes, voire interpénétrées (cf protocole d’accord Etat/Région précité). En résumé, la SGP est dotée d’effectifs généreux (presque le double des 160 agents du STIF) qui effectuent le lobbying auprès des élus. Qui ne veut pas inaugurer sa station de métro ? Où il veut, et tant pis si la connexion aux autres transports radiaux est plus problématique, elle est à la charge du STIF ! La SGP n’en est qu’à la préfiguration du réseau, et accumule à ce jour le produit des taxes dédiées, pendant que le STIF peine à entretenir l’existant. En particulier les RER B et C qui concernent la région de l’OIN, et surtout la ligne A, qui est la plus chargée d’Europe (1,2 millions de voyageurs par jour).
Alors la ligne verte du métro apparaît comme un luxe au détriment de toute la Région IdF : 4,5 milliards d’euros, pas encore budgétés, pour seulement 5.000 voyageurs par heure de pointe, 20.000 par jour. Avec cette somme, le STIF trouverait de quoi résoudre tous ses problèmes (lignes à moderniser, tunnels à agrandir, matériel à remplacer). Il pourrait remplacer ce métro du Plateau par un bus BHNS (Bus à Haute Densité de Service), 20 fois moins cher, et tout à fait adapté au flux. Et aussi créer des liaisons modernes entre le Plateau et les vallées desservies par les RER.
Ou alors c’est que masquée, l’urbanisation massive guette. Le Schéma de Développement Territorial (SDT) de l’Etablissement Public Paris Saclay (EPPS, autre création étatique de la loi Grand Paris) ne prévoit il pas (page 75) jusqu’à globalement 8.000 logements par an sur les 49 communes de l’OIN (Opération d’Intérêt National), soit le doublement en 30 ans de la population de cette région ?
Marie-Pierre Digard remet également en cause l’ampleur et la centralisation de l’opération Campus. Les seuls emplois crées seront le fait d’entreprises « start up » du « cluster », mais combien sur l’ensemble ? Car tous les autres, à volume constant en Ile de France, seront des emplois déplacés, avec leurs tracas de déplacement, de logement, ou de précarité.
C’est vrai que le rassemblement d’Etablissements d’Enseignement Supérieur (ENSTA, Mines, Centrale, ENS Cachan …) peut sembler séduisant et les responsables d’établissement acteurs de la Fondation de Coopération Scientifique ont signé pour rejoindre Polytechnique et Supélec. Qu’en pensent la majorité de leurs enseignants, employés, et élèves ? La mutualisation d’équipements lourds de recherche est bien sûr souhaitable, mais Agro Paris Tech Grignon a-t-elle besoin du diffuseur neutronique Soleil au point de laisser ses champs expérimentaux à 30 km ? Ne semble t’il pas absurde aussi de déplacer l’université Paris Sud d’Orsay de 3 km en l’éloignant de sa station RER pour la rapprocher d’un métro hypothétique dans 15 ans ? A moins que l’attraction du foncier libéré dans des sites très prisés ne soit visée pour financer en partie le jeu de taquin …
A notre époque, la communication entre scientifiques n’a pas besoin d’une cafetaria commune pour se réunir. La synergie est plus fonction d’une souplesse des gouvernances que de la proximité géographique. Le précédent gouvernement s’y est d’ailleurs frotté avec Polytechnique.
Un millier de participants aurait manifesté le samedi 12 mai à l’initiative du collectif « Enterrez le Métro ». Avec en tête, les candidats UMP et PS.
Mais pas EELV, Pierre Serne nous dit pourquoi :
Pour lui, la meilleure façon de supprimer les nuisances, ce n’est pas d’accepter le métro et de l’enfouir, mais c’est le projet lui-même qu’il faut « enterrer ».
En croyant que l’essentiel était déjà joué, une bonne partie des manifestants s’est fait enrôler insidieusement derrière la bannière des héritiers des grands projets spectaculaires (les abattoirs de la Villette, le France, le Concorde), dont les slogans (« Silicon Valley », « visibilité mondiale », « développement », « croissance ») frappent les esprits et les vanités.
Pour EE-LV, l’OIN n’est pas une invention du dernier Président, elle a été décrétée avant lui par Dominique de Villepin, car elle traîne dans les rêves des technocrates depuis 40 ans. Cet état d’esprit d’un autre âge subsiste dans les partis dits « de gouvernement », qui ne se posent plus la question de refaire la donne, vu « l’énergie déjà dépensée ». Et qui sait si ceux qui en ont été frustrés ne sont pas tentés par la gouvernance d’un « grand machin », l’EPPS ou la SGP ?
A l’instar de nombreuses associations environnementales, et des cahiers d’acteurs de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP), les « Verts » du Plateau ont affirmé leurs positions : vraiment contre le gaspillage des deniers publics, absolument contre la ligne de métro pernicieuse, et judicieusement pour la qualité de vie des citoyens. De quelque couleur que soient les couleuvres, Marie-Pierre Digard et Fabienne Elbaz les lèvent, elles ne les avaleront pas. Elles sont armées pour pouvoir défendre ces positions à l’Assemblée Nationale.
Photos Claude Gallas