Ma réponse à l’association Haute Normandie Nature et Environnement

Saint Pierre, le 1er juin 2012

Madame,
Je vous remercie d’interpeller les candidats aux élections législatives sur ces questions cruciales, pour aujourd’hui et pour demain.
J’ai repris pour vous répondre les propositions de notre projet 2012 « Vivre Mieux », telles qu’a pu les formuler Eva Joly lors du congrès FNE du 28 janvier 2012 à Paris et lors de la convention nationale sur la transition énergétique le 10 mars 2012 à Villeurbanne.

La lutte contre le gaspillage, la protection des espaces naturels et agricoles
La crise que nous vivons met en évidence l’impasse de notre modèle économique.
Il n’est plus possible d’opposer l’intérêt de la planète à celui de ses habitants. Il n’y aura pas les gagnants et les perdants de la transition écologique : il n’y a qu’un chemin, celui de l’intérêt général, où chacune et chacun trouvera sa place.
Lorsque les ressources naturelles sont pillées au nom de la seule loi du profit et de la rentabilité immédiate, ce sont les équilibres planétaires et humains qui sont menacés.
La réconciliation de l’homme avec son environnement doit être au cœur de nos solutions.

- La protection des biens communs doit être propulsée au niveau mondial, européen et en France.
C’est cette parole que la France devra porter au 4ème Sommet de la Terre, en juin prochain, à Rio. Il faut créer enfin une Organisation Mondiale de l’Environnement et renforcer le poids de la société civile au niveau mondial.
En définissant ensemble une économie verte qui nous permette de revisiter l’idée même du développement et de définir les nouveaux indicateurs de richesse, de bien-être, y incluant notamment la biodiversité.

- Nous nous engageons pour qu’au mois de juin prochain le Parlement nouvellement élu vote une loi d’urgence écologique.
La seule règle d’or qui ait un véritable sens, celle qui va dans le sens de l’intérêt général de l’humanité, doit être une règle d’or environnementale.
La France doit faire le choix d’imposer la bio-conditionnalité de tous les financements et aides publics, qu’il faudra réorienter vers une gestion durable et économe des ressources.

- En matière environnementale, il faut instaurer un nouveau grand principe, celui de non-régression, afin que les lobbies deviennent impuissants à modifier les acquis environnementaux et que plus aucun gouvernement n’ait le pouvoir de nous ramener au passé.

- Certaines mesures s’imposent et ne devraient plus faire débat dans la démocratie française : soutenir rapidement un objectif de réduction des émissions de CO2 à 30% et adopter sans délais un moratoire sur les OGM et l’interdiction de l’exploitation des gaz de schistes.
- Nous proposons un plan de sortie des pesticides en une génération, et leur réduction de 50% dans la mandature.
- Nous agirons pour que les trames vertes et bleues deviennent opposables. Le respect du vivant et des paysages est plus précieux que la construction d’une route, d’un parking ou d’une zone commerciale.
- Nous agirons pour modifier le code civil et le code pénal pour protéger des mauvais traitements les animaux domestiques et les animaux sauvages.

- Nous voulons établir une fiscalité écologique, qui comprendra une Contribution Climat Energie sur le territoire français, protégée de toute logique financière.

- La France portera au niveau européen l’exigence d’exemplarité environnementale.
Nous devons lancer le chantier de la maîtrise des sols, réorienter la politique foncière, et la France devra lever son opposition à la directive-cadre européenne sur les sols.

- La révision de la Politique Agricole Commune ne devra plus opposer emploi et environnement, grâce une redistribution plus équitable des aides. La réorientation de cette politique favorisera les pratiques agro-écologiques, l’accompagnement de la conversion vers l’agriculture biologique. Elle sera un levier d’une nouvelle coopération avec le Sud qui garantira la souveraineté alimentaire et favorisera l’agriculture vivrière.

- Nous souhaitons inscrire la transition écologique au cœur de nos territoires.
Développer une économie de la proximité, des circuits-courts, permettant à chacun de vivre et de travailler près de chez lui est impératif. La relocalisation n’est pas un slogan, c’est une exigence sociale, politique et économique. L’avenir est à transformer nos moyens de consommation, de production et de transport.
- Nous voulons inscrire cette transition au cœur de nos emplois.
Le changement de modèle peut nous permettre de créer un million d’emplois d’ici à 2020. L’objectif est ambitieux, mais il est crédible si nous sommes volontaires. A commencer par la rénovation thermique des logements qui peut créer près de 440 000 emplois dans le secteur du bâtiment.
- Nous donnerons toute leur place aux formations dont nous manquons dans tous les métiers de la transition écologique : créer les parcours de formation et les filières, les doter de la reconnaissance nécessaire.
Enfin, reconnaissons le vivier qui se trouve dans les milliers d’associations qui s’occupent de l’intérêt général : la protection de la biodiversité, l’éducation à l’environnement, l’expertise environnementale, le recueil des données naturalistes, l’application du droit de l’environnement sont autant d’activités créatrices d’emplois.

- Nous voulons garantir le droit à une alimentation saine et de qualité. Faisons de la restauration collective un grand chantier pour la qualité de l’alimentation, avec un objectif simple et clair : 100% de bio pour nos enfants dans les crèches et les maternelles.
Cela participe à redonner à chacun l’accès à une santé de qualité. Ce sont nos modes vies qui pour une grande part déterminent les maladies de notre siècle. Il est temps d’y remédier !

La gouvernance
Le dialogue environnemental sera notre méthode.
Nous le disons, l’exercice du Grenelle de l’Environnement a fait du bien à la démocratie. Jamais l’urgence écologique n’a été autant au cœur du débat public en France. Et il y a bien des propositions faites lors de ces journées, qu’il faudra mettre en œuvre lors des premiers pas de la mandature.
Nous aurons des adversaires et il sont d’ores et déjà nombreux : les représentants des intérêts particuliers. Nous l’avons vu au Parlement Européen, lorsque le lobby de l’agroalimentaire n’a pas hésité à investir près d’un milliard d’euros pour s’opposer au projet de règlement sur l’étiquetage des produits alimentaires.
Nous devrons bien sûr encadrer et réglementer la présence de ces lobbies, mais nous sommes encore trop souvent démunis face à leur puissance.
Il s’agit de mettre le contre-pouvoir au cœur du pouvoir, que dès demain tous les lanceurs d’alertes, les défenseurs des territoires aient la capacité à peser sur les décisions.
Le Grenelle de l’environnement a introduit l’idée d’une gouvernance à cinq. Contrairement à ce qui s’est passé par la suite, il est temps de passer de la co-élaboration à la co-décision, et même à la co-gestion. Le dialogue environnemental est une priorité pour les écologistes.
Le constat que dresse votre « Contrat environnemental » est lucide, tout comme les propositions qu’il porte : non simplement « ce qu’il faudrait faire », mais « comment on peut, concrètement, le faire ».
A l’instar de Véronique Bérégovoy, conseillère régionale EELV et Vice-présidente en charge de l’Environnement, le 30 mai dernier, nous saluons le formidable travail accompli par HNNE et ses associations membres au cours des dernières années, tant en terme d’actions visant à faire respecter les dispositions juridiques de protection de l’environnement, que de sensibilisation du grand public, de représentation des associations environnementales aux instances et aux débats publics, de contribution aux plans, politiques et schémas locaux comme régionaux, et d’animation du réseau associatif haut-normand.
Les élu-e-s EELV de la Région Haute-Normandie ont de leur côté invité le préfet de l’Eure à coopérer pleinement, dans les délais impartis, dans le cadre de l’enquête ouverte par la Commission européenne sur les incidences environnementales du projet de contournement dans la vallée de l’Andelle, afin d’évaluer sérieusement la pertinence de ce projet engagé malgré les avis négatifs des services de l’Etat, l’insuffisance notoire de l’étude d’impact et l’avis défavorable de la commission d’enquête.

Lire ma position sur ce sujet le 27 novembre 2011 : La violette et le 35 tonnes

La transition énergétique
Réchauffement climatique, épuisement des ressources, risque nucléaire : la transition énergétique n’est pas une lubie écologiste mais une nécessité, ou plus exactement une obligation. Mais cette obligation est aussi une incroyable opportunité.
La transition énergétique est en effet une opportunité de justice sociale et économique : mettre fin à la précarité énergétique, redonner le pouvoir sur l’énergie aux citoyens et aux territoires, créer des emplois et développer les petites et moyennes entreprises…
Premièrement, il n’y aura pas de transition énergétique si nous ne nous engageons pas d’abord dans un programme de réduction de notre consommation d’énergie. Consommer moins, consommer mieux, consommer juste. La sobriété et l’efficacité énergétique nous permettront de réussir la transition énergétique.
Mettre fin à la précarité énergétique, donner à tous l’accès à l’énergie, ou plus exactement aux services énergétiques : mobilité, chauffage, éclairage, culture… doit être une priorité.
Pour protéger les Françaises et les Français de la hausse des prix de l’électricité nucléaire, du pétrole ou du gaz, il faut leur permettre de réduire leur consommation d’énergie, dans l’habitat comme dans les transports. Il faut engager notre pays sur la voie d’un mix énergétique 100 % renouvelable, en démultipliant ce que les éluEs écologistes font déjà sur le terrain, et en faisant des territoires et des PME les fers de lance de la transition énergétique.
Bien évidemment, la fuite en avant avec les pétroles et gaz de schistes n’a pas sa place dans la transition énergétique.
Nous devons prendre des mesures efficaces : tarifs sociaux et progressifs ; aide aux travaux d’économie d’énergie ; incitation voire contrainte pour les bailleurs privés à faire les travaux nécessaires ; moyens pour la rénovation des logements sociaux ; accès aux transports collectifs.
Nous proposerons d’investir dans les transports alternatifs à la voiture et au camion, en commençant par améliorer la qualité et l’offre de trains sur le réseau ferré local, et en développant le fret ferroviaire.
Il nous faut rénover un million de logements par an au niveau «basse consommation d’énergie », en commençant par ceux dans lesquels vivent les huit millions de personnes en situation de précarité énergétique. Les bâtiments publics devront être rénovés. Ce plan pourrait permettre la création de 440 000 emplois directs et indirects dans le secteur du BTP d’ici 2020.
Le développement des énergies renouvelables permettrait la création de plus de 110 000 emplois directs et indirects. En matière d’énergie renouvelable, la France doit suivre la voie tracée par l’Allemagne dont les filières des renouvelables emploient 5 fois plus de salariés qu’il y a 10 ans. N’oublions pas qu’entre 2008 et 2010, la seule filière photovoltaïque a créé 35 000 emplois en France, hélas en partie perdus à cause de la politique suivie par le gouvernement Sarkozy.
Avec les énergies renouvelables, nous assurons vraiment notre indépendance énergétique à tous les niveaux, nous réduisons la vulnérabilité aux risques, aux dérapages des coûts et nous léguons de vraies rentes aux générations futures.
Contrairement aux énergies fossiles et fissiles, les énergies renouvelables sont par essence réparties sur les territoires et entre pays. Elles nous protègent des tensions et risques géopolitiques entre pays producteurs et consommateurs. Elles sont un des moyens de l’équité internationale indispensable à la paix.
Pour notre pays, l’objectif européen de 23% d’énergies renouvelables en 2020 est un minimum. Nous souhaiterions atteindre 40%, hors carburants.
Mais il n’y aura pas de transition énergétique digne de ce nom si elle ne s’accompagne pas d’une profonde réforme des modes de fonctionnement du système énergétique. La montée en puissance rapide des énergies renouvelables ne pourra pas se faire sans un changement radical du contexte réglementaire et financier. Faciliter les projets. Ne pas, comme cela est le cas aujourd’hui, les entraver par des procédures administratives lourdes et longues. Il sera nécessaire de réduire considérablement les délais en ce domaine, qui peut se satisfaire d’une situation où il est plus long d’implanter des panneaux solaires que d’obtenir un permis d’exploration de gaz de schiste ?
Nous proposerons d’intégrer dans le calcul de la CSPE l’ensemble des renouvelables. Ainsi l’hydraulique, énergie mature et largement rentabilisée, pourrait participer au financement des nouvelles énergies renouvelables. La rente hydraulique permettrait de réduire la charge de la CSPE de 40%.
Concernant la chaleur renouvelable, dans le contre-budget présenté par Eva Joly pour 2012 – qui permettait entre autre une réduction du déficit -, il est intégré dans les dépenses non pas un doublement, mais un triplement du fonds chaleur.
Pour démocratiser l’énergie, il faut aussi mettre en place et encourager l’investissement citoyen et redonner du pouvoir aux collectivités locales. Aux communautés urbaines et d’agglomération sera attribuée la compétence sur les réseaux de distribution de gaz, d’électricité et de chaleur.
Les entreprises de transport et distribution d’énergie (RTE, GRT, ERDF, GRDF…) doivent devenir indépendantes des entreprises de production d’énergie (EDF, GDF Suez, Total…) et leurs capitaux être entièrement publics. En ce qui concerne la distribution d’électricité, la réglementation doit assurer la transparence et l’équité des négociations de concession. En tant que bien commun, la production d’énergie ne doit pas être monopolisée par le secteur privé et relève d’une forte régulation publique. L’accès aux services énergétiques doit être garantie pour tous.
Une nouvelle fiscalité environnementale favorisera la transition énergétique ainsi que la limitation des risques et des impacts sociaux.
Une Contribution Climat-Énergie sera créée pour financer la transition. Cette contribution reposera sur une triple assiette : énergie primaire, gaz à effet de serre et risques environnementaux et sanitaires dont le nucléaire.
Au sein de la transition énergétique, la France a une responsabilité supplémentaire sur la plupart des pays : le nucléaire.
Au niveau mondial, le nucléaire est un nain énergétique, même en France il ne représente que 17% de l’énergie que nous consommons. Mais il jouit d’un pouvoir surdimensionné. Pouvoir de nuisance directe puisque qu’un accident nucléaire condamne des territoires entiers pour des décennies. Pouvoir de nuisance indirecte aussi car le mythe nucléaire est un frein inouï à la transition énergétique.
La France a donc un rôle central à jouer pour la sortie mondiale du nucléaire. Renoncer à son arsenal bien sûr, mais engager aussi l’an II du nucléaire : le démantèlement et renoncer à la fuite en avant désastreuse. Nous sommes bien entendu opposé à tout projet d’EPR, qui prolongerait d’au moins 50 ans la présence du nucléaire en France.
Notre pays est au cœur de la nucléocratie mondiale, nous devons donc montrer le chemin plutôt que de moquer nos voisins ou nier les victimes d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Cette sortie du nucléaire peut se faire en 20 ans. Elle doit s’accompagner de la création d’un pôle d’excellence industrielle en matière de gestion des déchets et de démantèlement. Les écologistes ont toujours combattu le nucléaire, civil et militaire, mais même si ces décisions n’ont pas été les nôtres, nous savons la responsabilité qui nous incombe aujourd’hui : assurer la sécurité et la sûreté de la gestion du nucléaire pour des centaines d’années.
http://energie.eelv.fr/laffiche-de-la-convention/

En espérant que ces réponses conviendront à vos attentes, acceptez l’expression de mes sincères salutations,

Laetitia Sanchez
candidate pour Europe Ecologie Les Verts sur la 4ème circonscription de l’Eure