L’Agence d’Urbanisme de l’Agglomération Orléanaise et le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du Loiret proposent, jusqu’au 15 mars, une exposition-présentation de la démarche « Bimby ». Un nom insolite pour une approche originale et innovante de l’évolution de la ville, qui s’inscrit totalement dans les préoccupations du développement durable : répondre de manière intelligente à l’irresponsabilité de l’étalement urbain pour préserver l’agriculture, profiter pleinement des réseaux et infrastructures collectives (transports, services, offre associative et culturelle…) et éviter l’éloignement des familles qui génère beaucoup de déplacements coûteux et polluants.
La nécessité d’une meilleure maîtrise du foncier est reconnue par tous, et pourtant nous continuons de voir proliférer les projets de nouveaux lotissements dans les zones d’agriculture maraîchère des communes aux portes des grandes agglomérations. Les espaces naturels se rétrécissent chaque année un peu plus, à un rythme qui, en réalité, fait frémir (on parle de la perte d’une surface équivalente à celle d’un département tous les 8 ans !)… Mais faute de réelle volonté politique et compte tenu de la pression immobilière, on continue à construire de plus en plus loin du centre des agglomérations en grignotant les espaces agricoles.
Bimby, c’est « Build in my Backyard », une pirouette en référence au fameux « Nimby » (Not in my Backyard) qui affirme que l’on veut bien telle ou telle construction, mais pas dans son jardin… Ce scénario prend le contrepied et montre qu’en réalité, il est tout à fait possible de penser à renouveler la ville en construisant dans les interstices de l’espace existant, en évitant ainsi de recourir à des aménagements extensifs sous forme de lotissements.
Je ne détaillerais pas ici l’argumentation exposée, fort convaincante mais surtout validée par les résultats des expérimentations menées depuis 2009, vous pourrez vous en convaincre vous-même en visitant l’exposition. Mais l’idée est que par une démarche de concertation avec les habitants, l’intérêt collectif rejoint en de nombreux cas l’intérêt particulier, et une proportion non négligeable des propriétaires imagineront sans problèmes toutes les bonnes raisons de partager leur parcelle pour une nouvelle construction. Les réticences et les idées reçues tombent vite, et l’expérience démontre que cela permet de construire plus rapidement et moins cher que ne le font les aménageurs, en répondant aux besoins de nombreux habitants d’adapter un habitat qui ne correspond plus, au fil du temps, à leur façon de vivre.
La filière courte des entreprises locales de conception et de construction est tout à fait à même de répondre à cette demande. Les architectes imaginent sans difficulté les solutions adaptées au contexte des projets. Et beaucoup de pavillons bâtis dans les années 60-70 pour des familles ne sont plus adaptés lorsque les enfants sont partis ou lorsque l’on ne souhaite plus avoir d’escaliers à monter… Lorsque l’on préfère rester à proximité de tous les services du centre ville, on peut gagner à vendre sa maison devenue trop grande pour aménager un espace plus petit, de plain-pied et avec moins de jardin à entretenir… Sans compter que l’intérêt financier y est souvent très favorable.
Construire ainsi « la ville sur la ville » permet aussi de revitaliser des quartiers, cela ménage des espaces qui permettent à de jeunes couples de s’installer sans être contraints à s’éloigner le plus souvent bien au-delà de ce que proposent les réseaux de transport en commun.
Mais il y a un levier à cette démarche vertueuse : l’implication des responsables politiques de l’urbanisme local et une attention très fine à la rédaction du PLU (plan local d’urbanisme), qui ne doit pas mettre de frein à ce type de solutions. En ouvrant cette exposition, C.E. Lemaignen, qui préside le bureau de l’agence d’urbanisme de l’agglo, a manifesté son intérêt. Hugues Saury, maire d’Olivet, a lui aussi salué la démarche. Mais il faudra plus que quelques déclarations de circonstance, car beaucoup de communes de la première ceinture autour d’Orléans, et tout particulièrement au sud, à Olivet et dans les communes proches de la circonscription, se prêteraient particulièrement bien à la sensibilisation des habitants envers cette solution. On espère ainsi que les PLU auront été correctement rédigés, et que celui d’Orléans, en cours d’élaboration, sera pensé en fonction de cette approche novatrice.
Il suffit de constater, exemple parmi d’autres, le flou qui entoure actuellement le développement urbain sur le val ouest, entre Saint-Marceau et Saint-Pryvé, théâtre pour le moment d’extensions-lotissements peu concertés et peu mis en perspective des besoins futurs d’aménagements de déplacement et de services.
Il est grand temps de se servir des nouveaux outils de l’urbanisme pour réfléchir à tout ça avant de se lancer dans des programmes qui façonnent la ville pour de nombreuses décennies sans rien apprendre des réflexions liées au développement durable. L’urbanisme ne doit plus être concédé de fait au opérateurs immobiliers et aux lotisseurs, il faut que le politique reprenne en main la gestion de ces espaces qui feront la ville de demain : espaces de constructions durables, préservation de l’agriculture péri-urbaine, aménagement volontariste des trames vertes et bleues.
Cette expérience ne répond qu’assez marginalement aux problématiques de mixité sociale, qu’il ne faut pour autant pas perdre de vue. Les responsables politiques devront aussi accompagner ce développement par des constructions collectives durables imaginées dans les (de plus en plus) nombreuses réalisations d’éco-quartier (en réalité pas si nombreux que ça du côté d’Orléans !). C’est le sens actuel d’un nouvel urbanisme plus citoyen, qui repense le collectif tout en replaçant l’humain au cÅ“ur des projets. Faisons en sorte qu’Orléans et son agglo ne passent pas à côté !
BIMBY – Densification urbaine par la maison individuelle from Bimby on Vimeo.
[Article initialement publié sur le blog personnel de Jean-Philippe Grand : Bimby, repenser la ville sans idées préconçues (version originale à consulter pour avoir accès aux éventuels commentaires)]