20e anniversaire de la fondation Abbé Pierre

La Fondation Abbé Pierre fête aujourd’hui son 20e anniversaire, quelques jours après avoir présenté son 17e rapport sur l’état du mal-logement en France, et à peine trois semaines après avoir célébré le 5e anniversaire de la mort de l’Abbé Pierre.
Je me souviens de l’émotion soulevée en 2007 par la disparition de cette figure emblématique du combat, engagé dès 1954, pour venir en aide aux plus défavorisés. Les hommages furent nombreux et certainement, dans la plupart des cas, sincères.
Pourtant, la fondation fait aujourd’hui le constat de ce que nous avons aujourd’hui percuté le mur avec fracas. L’offre de logements accessibles a diminué alors que les besoins ont explosé. 10 millions de personnes sont désormais touchés par la crise du logement. Ceux qui n’ont plus de revenus mais aussi les travailleurs pauvres, les retraités, les parents isolés et les jeunes qui peinent à s’autonomiser. Ces 10 dernières années, « le mal-logement, loin de régresser, s’est développé et profondément enraciné ».
À la tribune, Benoist Apparu, secrétaire d’État au logement, reconnaît la qualité du rapport de la fondation Abbé Pierre sur le mal-logement, et valide les bienfaits (théoriques) de la loi SRU (loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui impose notamment une obligation d’un pourcentage de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3500 habitants) que l’UMP avait pourtant combattu et qu’elle a constamment cherché à assouplir de ses contraintes pour les communes qui ne respectent pas leurs objectifs de construction sociale.
Par un discours de circonstance, Benoist Apparu affirme qu’il faut être plus dur avec les collectivités qui ne respectent pas leurs engagements en terme de mixité. Dans la réalité de la pratique, les sanctions sont le plus souvent contournées et peu incitatives. Et rien n’a été fait pour que les logements vacants soient mobilisés pour contribuer à mettre fin à cette situation inique.
Le droit au logement opposable n’est pas appliqué, la loi de réquisition de logements vides non plus (il y a plus de 2 millions de logements vacants !), pendant que les expulsions locatives ont doublé. Le mal-logement progresse ainsi inexorablement, amplifié par la crise qui jette à la rue les précaires et par un effet pervers contribue à rendre le marché locatif inaccessible : l’immobilier devient plus que jamais un instrument de spéculation.
L’actualité des grands froids nous plonge dans l’urgence à sauver de la mort plusieurs dizaines de sans-domiciles alors qu’il faut un arrêt du Conseil d’État pour rappeler au gouvernement ses obligations quant au droit à l’hébergement d’urgence, reconnu liberté fondamentale.

Retour en 2007, quelques jours avant le décès de l’abbé Pierre : en campagne électorale, celui qui était alors ministre de l’Intérieur consacre un chapitre de son discours à la politique du logement, avec de belles leçons de morale et des engagements martelés avec autant de force que de démagogie.

Il y a malheureusement plus de gens qui meurent aujourd’hui sur le trottoir qu’il y a 5 ans. Nicolas Sarkozy a indéniablement échoué et ne devrait plus faire de politique !
L’obligation de résultat, qui devrait avoir un sens lorsqu’il s’agit de vie humaine, force est de constater qu’elle a tout simplement été bafouée. Là comme ailleurs les promesses du candidat Sarkozy sont restées des leurres. Mais là de façon plus dramatique et cynique qu’ailleurs sans doute, puisqu’il s’agit des conditions de subsistance de plusieurs millions de personnes.
Au plan local, Olivier Carré tient les rênes de la politique du logement social sur Orléans depuis maintenant plus de 10 ans. La situation s’est améliorée ? Assurément pas. Dans sa circonscription de député, plusieurs villes ne respectent pas la loi SRU. Alors que la fin de son mandat approche et qu’il entre en campagne électorale, M. Carré découvre tout à coup que de nombreuses personnes âgées sont en difficulté et peinent à payer leur loyer HLM. Du coup, les résidences de l’Orléanais instituent un « bouclier logement » qui permettra à une centaine de locataires de bénéficier d’une remise de 50 euros en moyenne… C’est sans nul doute une bonne chose, mais est-ce à la mesure de l’urgence sociale actuelle ? Ce bouclier logement fait par ailleurs immanquablement penser au fameux « bouclier fiscal » auquel M. Carré, comme tous les sarkozystes, se sera accroché jusqu’au bout. Il ne s’agissait pas de protéger les mêmes intérêts…

Le combat continue, de nouvelles démarches militantes comme le DAL, « Jeudi Noir » et les « Enfants de Don Quichotte » cherchent comme la fondation Abbé Pierre à dénoncer le manque de solutions apportées par les pouvoirs publics pour offrir un toit aux plus démunis, condition essentielle pour mener une vie digne et espérer rebondir après une période difficile. Il est impératif de répondre aux situations de détresse insupportables, et il faudra prendre des mesures concrètes en élargissant la taxe sur les logements vacants pour éviter que ceux-ci ne restent fermés, en légiférant pour mieux encadrer les loyers (à la relocation tout particulièrement), en prévenant mieux les expulsions locatives, et en s’engageant véritablement dans la voie de quartiers durables, pensés pour favoriser le vivre-ensemble, la mixité sociale et la baisse des charges locatives liées à l’énergie.
Le contrat de mandature « Socialistes et écologistes, ensemble. Pour combattre la crise et bâtir un autre modèle de vivre ensemble » fixe un objectif de construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux (dont 15 % à 20 % de logements très sociaux), en BBC et promouvant les écomatériaux. Il entend également cibler le prêt à taux zéro (PTZ) en direction des foyers les plus modestes, supprimer les niches fiscales liées à l’investissement immobilier, renforcer la taxe sur les logements laissés vacants et appliquer enfin la loi de réquisition. Pour gagner la bataille du foncier, nous renforcerons fortement les sanctions de la loi SRU et la part de logements sociaux à atteindre sera portée à 25 %. Nous mettrons en place un plan d’urgence pour reloger les 20 000 personnes prioritaires au DALO et pour augmenter de 50 % en cinq ans le nombre de places dans des structures d’hébergement. Dans un souci de justice, nous agirons pour que soient suspendues les expulsions pour les locataires de bonne foi.

Voilà quelques-uns des éléments d’une vision nouvelle de l’accès au logement que nous défendons. Voilà le projet que je défendrai.

[Article initialement publié sur le blog personnel de Jean-Philippe Grand : 20e anniversaire de la fondation Abbé Pierre (version originale à consulter pour avoir accès aux éventuels commentaires)]