Retour sur la grêve de la faim contre l’aéroport NDDL

Pourquoi as-tu soutenu la démarche de grève de la faim de Michel Tarin et Marcel Thébault ?

 Je connais bien Michel Tarin, je connaissais aussi Marcel Thébault. Quand ils ont démarré cette action singulière, j’y ai tout de suite accordé du crédit.

 Comme l’écrivait la LDH dans son dernier communiqué « l’expérience montre que, très souvent, les grèves de la fin démarrent quand il y a un déficit d’échanges entre les différentes parties« .

Pour preuve, la première parole de Michel Tarin quand, au bout de 28 jours un responsable socialiste est venu rendre visite aux grévistes, a été. « Je suis heureux de votre venue. C’est le signe qu’un dialogue est possible. Mais pourquoi a t-il fallu 28 jours pour ce premier geste ?« .

 Etant responsable départemental d’Europe Ecologie Les Verts, il était normal que je suive avec attention cette lutte. Nous avons échangé avec José Bové, les responsables départementaux et nationaux de la Confédération Paysanne. Les leaders locaux d’EELV ont fait le lien quotidiennement avec les responsables nationaux d’EELV, du PS. Il a fallu actionner tous les leviers.

 Les grévistes de la faim ont également toujours fait le lien entre leur lutte contre l’aéroport de NDDL et leur attachement à la terre nourricière. Ce combat n’est pas seulement symbolique d’une bagarre contre les infrastructures inutiles, mais d’une action contre la bétonisation d’espaces agricoles, contre l’imperméabilisation de zones humides indispensables à la bio-diversité, contre la destruction de haies bocagères utiles pour l’équilibre de cette zone. Cette longue action a permis de formidables rencontres entre les urbains, les habitants de la périphérie et les paysans. Les grévistes, en étant situés au cÅ“ur de Nantes ont pu échanger quotidiennement avec les nantais pour expliquer que ce projet n’était pas utile, que Nantes-Atlantique ne serait pas saturé avant des décennies, le survol de Nantes n’était pas dangereux.

Les lignes ont bougé. Marcel Thébault disait lors de la conférence de presse de fin du mouvement: « nous avons un peu gagné le cÅ“ur des nantais« . Je crois que c’est vrai.

Qu’est ce qu’ont gagné les grévistes de la faim ?

Les grévistes ont d’abord obtenu une considération de la part des porteurs du projet, puis l’ouverture d’une négociation alors que c’était bloqué depuis 28 jours.

 Puis, sur leurs revendications:

- un arrêt des expulsions des paysans et de tous les habitants ayant un titre de propriété ou un titre de locataire (même précaire) tant que les recours devant le Conseil d’Etat, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel n’auront pas été épuisés. (A noter que ces procédures donnent un répit de 2 ans) ;

- l’ouverture du dialogue entre le PS et les opposants au projet d’aéroport, avec la mise en place d’un comité de suivi de l’accord signé.

Quelles ont été les places d’EELV, du CEDPA et de l’ACIPA : (préciser le sigle) dans les négociations avec le PS ?

 Depuis le départ, les choses sont claires, c’est le collectif des associations qui porte l’action, les actions.

Les élu-es sont en soutien et dans un rôle de facilitateurs. Le CEDPA a ainsi interpellé de nombreuses fois les décideurs sur la base des revendications des associations. Les associations ont maintenu une pression constante avec conférences de presse, agglomération de soutiens, visites d’anciens du Larzac… et la grande manifestation avec 220 tracteurs organisée par la Confédération Paysanne.

Pendant tout ce temps, les élu-es EELV ont utilisé tous leurs réseaux pour faire avancer les revendications des grévistes, pour interpeller les responsables départementaux du PS.

J’ai ainsi écrit, téléphoné plusieurs fois à Alain Gralepois pour décoincer la situation.

Le dénouement, le 8, a été fort, puisqu’en une journée, on a eu enfin une rencontre avec le responsable du PS le matin et une négociation l’après midi pour aboutir à un accord. Saluons, même si elle a été tardive, cette volonté commune d’en sortir.

Quel est le rôle d’un élu dans le soutien de telles luttes ?

 Comme je l’ai dit, j’étais à la fois responsable départemental d’EELV et membre du CEDPA en tant qu’élu. Ces responsabilités se sont additionnées pour être parties prenantes et faire en sorte que les grévistes obtiennent gain de cause sur leurs principales revendications.

Quels avantages de la stratégie du « un pied dedans, un pied dehors  » et maintenant quelles perspectives ?

 EELV a toujours été clair sur son opposition à ce nouvel aéroport inutile économiquement et nuisible écologiquement. D’ailleurs, n’ayant pas obtenu gain de cause au moment de l’accord national entre le PS et EELV, nous avons retiré ce projet (tout comme l’EPR), en gardant notre liberté d’action. J’ai mesuré une fois de plus, que le fait d’être élu permet d’actionner des leviers complémentaires à ceux qui sont utilisés par des militants non élus.

 Permettez-moi de rajouter quelques mots pour conclure:

 Cette victoire est très symbolique. Elle permet de gagner du temps. Elle a permis une importante rencontre entre les nantais et le monde paysan. Cette action a aussi rapproché des mondes militants qui ne se côtoient pas souvent. Des ponts solides se sont construits. Il nous faudra faire fructifier cette réussite pendant les législatives. Saluons toutes celles et tous ceux qui de l’intendance aux permanences sur place, de l’attention aux grévistes en passant par la logistique, des négociations aux contacts politiques ont joué une partition collective. Les militant-es d’EELV qu’ils soient ou non élu-es ont été présents quotidiennement dans l’indicible comme dans les moments décisifs pour débloquer les relations avec le PS. D’autres partis politiques ont participé, mais c’est bien l’organisation d’EELV, les relais entre élus et les différentes instances locales et nationales qui ont fait la différence. Pour tous ceux et toutes celles qui doutent parfois de l’action des élu-es, qu’ils soient rassuré-es sur ce coup là.

Saluons aussi tous les acteurs qui ont rejoint le mouvement ces dernières semaines.

Une distinction à la confédération paysanne qui a été présente, qui a participé aux négociations finales. A la fin de l’action, il y a eu beaucoup d’émotions, qui s’expliquent aussi par l’intensité des tranches de vie échangées pendant 28 jours.

La soupe paysanne et populaire avait une belle saveur sur le square Daviais.

A noter que la décision d’arrêter la grève de la faim s’est prise à 17h30, la conférence de presse s’est tenue de 18h30 à 19h30 et que l’ensemble des installations a été démontées dans la foulée. Efficace ! Ne boudons pas notre plaisir, nos constructions politiques ont besoin de ces réussites, de cette fraternité et de ces chaleurs humaines.

 L’air est un peu plus doux ce matin.

Jean-François Tallio