L’Habit ne fait pas le-la Ministre

L’Habit ne fait pas le-la Ministre
Il y a des codes tenaces bien qu’obsolètes. Un député masculin sans cravate, après tout, pourquoi pas ? Une ministre en jeans, en quoi manquerait-elle de respect au Peuple français ?
Je me souviens de ce parlementaire de gauche qui, la veste étant obligatoire pour siéger, avait fait le choix de contourner les codes en portant une veste… de bleu de travail.
 
Cravate, tailleur, ces uniformes auraient-ils des vertus sur la capacité à faire face aux crises politiques ?
Un jeans empêcherait-il de régler des questions concernant l’égalité des territoires ou le logement ?
Sans cravate, serait-on retenu, mon bon monsieur, ma brave dame, de correctement insuffler de l’économie verte dans le développement ?
Non, non et non. Ou alors il faudra le prouver!
Pire encore, une tenue si spontanée serait un affront, un manque de respect aux Français-es ?
Faudrait-il donc alors, dès lors qu’on est dans le cadre de son travail en contact avec les usager-e-s, qu’on s’impose de telles tenues, et ceux et celles qui se contenteraient d’habits plus quotidiens leur manquerait-ils alors de respect ?
Encore une fois, non et non!
Il est vrai que certain-e-s  s’attendent de la part de leurs élu-e-s à un tel formalisme, et c’est probablement pour satisfaire à cette attente que les politiques à leur tour perpétuent cette image en s’y adonnant sans la remettre en question, ce qui maintient le cercle vicieux. Au point qu’un Président « normal » garde cravate lors d’un sommet mondial « pour faire bonne figure » face aux journalistes français-es.
Cette codification vestimentaire des politiques fait perdurer une autre représentation, celle d’un certain élitisme. Et cet élitisme n’est pas l’idée qu’on doit se faire de la gouvernance.
Dans une réelle démocratie, au sein de laquelle le pouvoir serait véritablement au Peuple, à tout le Peuple dans l’ensemble de ses composantes, il n’y aurait pas d’élitisme, et chacun-e pourrait prendre part au fonctionnement de la République. De là, aucune tenue décente dans la rue ne serait indécente au Parlement, ni même dans un Ministère ou à l’Elysée.
Ainsi, porter sans complexe une tenue quotidienne au conseil des Ministres, ou lors d’une photo officielle, est, volontairement ou non, un geste profondément politique jetant à la face du conservatisme étriqué cette vérité: il ne devrait pas il y avoir d’élitisme vestimentaire, il ne devrait pas il y avoir d’élitisme politique. Un geste qui, adressé aux Français-es, est un signe de sincérité, et par conséquent, de respect. Et il n’y a aucune raison pour qu’un-e député-e n’aille pas à l’Assemblée Nationale en jeans, tee-shirt et baskets: cela ne rendrait son action pas moins engagée, ni plus ni moins efficace, et ça ne serait certainement pas un irrespect vis à vis des Français-es qui s’habillent de la même manière (pas plus que ça ne serait un irrespect à ceux et celles qui choisissent des tenues plus formelles).
Alors, madame Morano, un peu de … tenue
Pascal Bordron