Je suis né dans la deuxième vague féministe. Celle du MLF et du Women’s Lib. Ma mère n’était pas une militante encartée dans les associations, elle était une militante de tous les jours. Infirmière hospitalière, elle nous faisait rire lorsqu’elle parlait des médecins, tous des hommes, entourés de femmes infirmières, aide-soignantes. Elle n’avait pas besoin de Bourdieu pour connaître la domination masculine.
Mon père n’est pas un machiste. Il est juste de la vieille école, l’homme qui bricole et fait le jardin, ramène la plus grosse partie des revenus, mais qui cuisine peu, et touche rarement à d’autres tâches domestiques que mettre la table, débarrasser, éplucher les légumes.
Je parle de mes parents pour évoquer mon rapport à l’égalité homme-femme parce que je crois que l’éducation, les codes appris dès la petite enfance, sont des éléments primordiaux. Et que les avancées sont d’abord des avancées générationelles. Lentes, par conséquent. Et inégales en fonction des problématiques.
Mes parents sont certainement de la première génération qui a élevé ses enfants dans l’idée d’une égalité des sexes. Et ma génération est très certainement celle qui a été le plus en prise avec les discours militants de la deuxième vague du féminisme.
Mais la transmission parentale n’est pas le seul élément primordial. Je crois que l’éducation à la sexualité l’est aussi. Il y a dans la sexualité tous les ferments d’une reproduction des rapports dominants, comme toutes les possibilités d’une émancipation de ces archaïsmes.
Je suis, pour le coup, d’une génération bénie, qui a bénéficié d’une vraie éducation à la sexualité, au lycée notamment, avec des enseignants véritablement militants, des interventions du planning familial, etc.
Ce quelque chose qui s’est arrêté dans les années 90, avec le retour d’un puritanisme et d’un conservatisme qui surfait sur la peur du Sida.
Aujourd’hui, les plus grands de mes enfants accèdent à cet âge des questions, et des pratiques. J’ai essayé de veiller, avec ma fille aînée, à ce qu’elle intègre ces valeurs fondamentales, et qu’elle établisse des rapports adultes égalitaires avec ses copains. Ce n’est pas toujours facile, ni couronnée de succès.
C’est plus facile sur les rôles parentaux. J’élève mes enfants une semaine sur deux. Il m’était inimaginable de m’en séparer plus. Dans cet apprentissage de la garde alternée, j’ai été, parfois, un militant du droit des pères. À râler gentiment contre les personnels des structures de petites enfances, qui parlaient « d’heure des mamans ». A m’empailler avec des personnels de mairie qui me refusaient le droit d’agir pour le compte de mes enfants alors que leurs mères n’avaient aucun problème à faire la même démarche.
Ce n’étaient-là qu’excès, qui se tasseront.
J’ai redécouvert les luttes féministes dans mon milieu professionnel. Ce milieu culturel, si souvent montré comme un terrain progressiste par nature, est un vrai nid de machisme. Il est frappant de voir comment le sexisme ordinaire des patrons du spectacle vivant, le plus souvent étiquetés à gauche, les amène à proférer des horreurs. Comment un texte écrit par une femme devient, comme par essence, un texte qui ne parlerait qu’à une moitié des spectateurs, les femmes, tandis que le texte écrit par un homme aurait valeur universelle.
Il y a beaucoup à dire, et beaucoup de luttes à mener, sur l’égalité des créatrices et des créateurs. Comme je n’ai pas souvent le temps de les aider, je profite de cette belle journée ensoleillée pour vous inviter à soutenir l’association H/F, qui lutte pour l’égalité des droits dans les arts vivants.
Delphine Seyrig filmant la manifestation du 1er mai 1976. ©Re-Belles