Présentation par Sandrine Bélier, eurodéputée EELV, 02/05/12
Le point de départ du traité ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) est la volonté de lutter contre la contrefaçon. Cette lutte est nécessaire et personne ne la conteste, en effet la contrefaçon peut se révéler dangereuse (lorsque des produits cancérigènes se retrouvent présents dans certains produits contrefaits).
Cependant, le traité ACTA a été rédigé en toute discrétion, au point que les parlementaires européens ont mis deux ans pour pouvoir accéder au texte. Le Parlement Européen a adopté à deux reprises des résolutions pour avoir accès au texte et grâce à une fuite, Sandrine Bélier a pu mettre une première version du texte sur son blog.
Le traité ACTA pose problème dans la mesure où beaucoup de dispositions indispensables manquent dans ce texte. Il permet des ouvertures qui peuvent potentiellement nuire à la démocratie. Pour cette raison, la commission européenne ne souhaitait pas que le Parlement Européen ait accès au texte car elle se doutait du recul démocratique que cela engendrait.
C’est en janvier 2012 que 22 Etats de l’UE signent et ratifient le texte et qui quelques jours après provoquent la fermeture de Megaupload avec des moyens techniques et policiers immenses. L’ensemble des internautes prennent alors conscience des enjeux et de la censure sur Internet.
Au même moment, en Pologne et en République tchèque, les citoyens descendent dans la rue pour dénoncer le filtrage et le fichage en cours. Ce sont les pays de l’Est qui vont réagir en premier car la question du fichage rappelle à la population leur histoire récente. La démocratie est jeune dans les pays de l’Est et la question du fichage mobilise plus que dans les pays d’Europe occidentale. Les gouvernements des pays de l’Est vont donc reculer et porter un coup d’arrêt au texte.
Le deuxième coup dur sur ACTA va être la position de l’Allemagne. Angela Merkel va refuser de ratifier le traité en se remettant à l’avis du Parlement Européen. Dans le même temps, la pétition Avaaz va recueillir 2,5 millions de signataires va changer la donne. David Martin, chef de file des pro-ACTA, commence à émettre des réserves sur le texte. Il a conclu dans un rapport fin avril au rejet assuré du traité ACTA.
Face à ces obstacles, la Commission a demandé au Parlement Européen de saisir la Cour de Justice de l’UE. Cette saisine prend du temps et peut aboutir à l’invalidation du texte en question. L’objectif de la Commission était de retarder le vote au Parlement Européen qui aurait abouti au rejet d’ACTA et de jouer la montre dans le but d’attendre les élections européennes de 2014 et un renouvellement des eurodéputé-e-s. Le risque étant que les député-e-s élu-e-s en 2014 votent le texte sans en être totalement informé-e-s.
Le traité ACTA fait partie de son temps. Nous avons connu l’âge de l’industrie, puis celui de la finance pour entrer dans celui de la connaissance. Les fortunes s’amassent désormais par les dépôts de brevets. Le savoir permet de faire de l’argent.
La volonté d’ACTA est de participer à un processus de marchandisation du vivant. L’objectif consiste à transformer Internet en supermarché où la consommation et l’achat deviennent la règle. Ainsi, l’internaute qui surfe sur Internet sans rien acheter sera présumé coupable de vouloir pirater ou télécharger illégalement.
Les défenseurs d’ACTA assument leur volonté de réglementer drastiquement la propriété intellectuelle. Le texte ne distingue pas du tout la copie privée de la copie commerciale. Le traité est surtout orienté vers la protection des ayants droits (majors, multinationales, etc…) capables de constituer des mouvements économiques conséquents.
Le texte d’ACTA place tous les internautes dans une situation de présomption de culpabilité, le texte évoque explicitement l’expression « prétendu contrevenant ». A cette fin, la surveillance des échanges de mails et des discussions sont autorisés par ACTA, en totale violation des libertés individuelles.
S’opposer à ACTA, c’est s’opposer au fichage, à la surveillance de notre vie privée, à la vision du vivant comme marchandise et au paternalisme technologique.